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Les couleurs de Virginie…

Publié le 26 novembre 2012 par Chatquilouche @chatquilouche

L’envol du NorsemanLes couleurs de Virginie…

Cet homme m’a appris à apprécier les choses simples de la vie.  La joie d’être ensemble et de chanter un air de Reggiani au son de la guitare nous suffisait.  J’étais heureuse lorsqu’il me disait de monter dans son camion et qu’on se rendait à son chalet, en plein cœur de la forêt québécoise.  Nous empruntions un chemin de fortune qui contournait lacs et rivières.  Les peuplements forestiers, composés de pins gris, de bouleaux et d’épinettes noires, étaient si denses qu’on craignait de s’y perdre.  L’écorce et la sève du myrique baumier remplissaient mes poumons d’un air si pur que je me sentais vivre.

J’enfilais des vers sur un hameçon, et d’une branche il me fabriquait une canne à pêche.  Debout sur un barrage de castors, je lançais la ligne.  La morsure de la truite mouchetée, vorace, se distinguait facilement de celle du poisson blanc qui, lui, picossait l’appât.  Je m’amusais.

Une immense tourbière enrichissait les sols humides.  Les sphaignes gorgées d’eau se plaisaient d’y vivre avec les sarracénies pourpres et les atocas.  Ces fruits rouges étalés dans la mousse ressemblaient à de jolies perles rares.  Le sous-bois riche en matière ligneuse me proposait un banquet savoureux.  Tôt après la fonte des neiges, je récoltais les têtes de violon, mûrissaient ensuite les framboises, les baies d’amélanchier et les bleuets sauvages.

Ce personnage échevelé qui m’accompagnait était un authentique pilote de brousse.  Le Lac Roland, son lieu de prédilection.  Après avoir survolé les montagnes, tel un aigle déployant ses ailes, il amerrissait sur cette étendue d’eau.  Au fil des ans, j’avais aiguisé mon œil d’observatrice, assise à ses côtés, dans l’hydravion.  Je scrutais les bûchers, les fonds d’aulnes rugueux à la recherche d’orignaux.  Aux commandes de son bel oiseau, il fendait le ciel ; il était libre.

Il puisait son eau des profondeurs de la terre.  L’atmosphère à l’intérieur du chalet était réchauffée par le poêle à bois, vétéran des lieux.  Le thé fumait.  La soupe à la perdrix bouillonnait, répandant une odeur enivrante.

Les soirs de pleine lune, à l’écoute du hurlement des loups, éclairée par une lampe à l’huile, je sculptais des personnages de bois.  Les veillées passaient dans le calme, et lui se berçait dans sa chaise, aiguisant la lame de son couteau de chasse.

Une journée où les pommiers étaient en fleurs, il apprit qu’il allait mourir d’une redoutable maladie dégénérative.  Les jours où il verrait poindre le soleil étaient désormais comptés.  Avec le temps, il accepta son sort.  Moi, si impuissante… Il me restait une chose à faire : aider son âme à voyager.  J’ai peint pour lui L’envol du Norseman.  Les derniers mots que j’ai soufflés à son oreille furent : « N’aie pas peur papa.  Imagine-toi en train de piloter ton hydravion et permet-toi de faire le tour du monde.  Je t’aime. »  Ce matin-là, le Norseman prit son envol.  À travers les brumes un entrebâillement s’ouvrit dans le ciel pour laisser s’échapper l’appareil.  La fumée noire du bateau William Price, qui se mêlait à la vapeur d’eau et à la lumière boréale, donnait un air désinvolte au tableau…

Notice biographique de Virginie Tanguay

Les couleurs de Virginie…
C’est avec plaisir que nous accueillons une nouvelle collaboratrice régulière au Chat. — Virginie Tanguay vit à Roberval, à proximité du lac Saint-Jean.  Elle peint depuis une vingtaine d’années.  Elle est près de la nature, de tout ce qui est vivant et elle est très à l’écoute de ses émotions qu’elle sait nous transmettre par les couleurs et les formes.  Elle a une prédilection pour l’aquarelle qui lui permet d’exprimer la douceur et la transparJence, tout en demeurant énergique.  Rendre l’ambiance d’un lieu dans toute sa pureté est son objectif.  Ses œuvreJs laissent une grande place à la réflexion.  Les détails sont suggérés.  Son but est de faire rêver l’observateur, de le transporter dans un monde de vivacité et de fraîcheur, et elle l’atteint bien.

Pour ceux qui veulent en voir ou en savoir davantage : son adresse courrielle :  [email protected] et son blogue : virginietanguayaquarelle.space-blogs.com.  VJous pouvez vous procurer des œuvres originales, des reproductions, des œuvres sur commande, des cartes postales.

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)


Filed under: Virginie Tagged: amour filial, aquarelle, art, mort, nature québécoise, paysage, père, transcendance, Virginie Tanguay

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