
Le désir de briser les clichés, de changer d’origine, est-il à la base de ce roman ?Bien sûr, mais ce n’est pas assez pour faire un livre. C’est surtout un vieux rêve d’enfant que de vouloir être quelqu’un d’autre, le plus éloigné de ce qu’on est.Je me sens d’abord un lecteur. Je souris en me rappelant mes premières lectures. Je lisais, à l’époque, uniquement pour sortir de moi-même, de mon ordinaire grisaille (j’ai eu une adolescence pluvieuse et fiévreuse). Je plongeais en grelottant dans le roman. Et j’écris aujourd’hui pour effacer de mon écran les notions de race, d’origine, de classe, de genre même. Le livre est un espace de liberté. Un pays rêvé où l’écrivain et le lecteur se rencontrent. Joli coin, n’est-ce pas ?Vous parlez longuement des titres de livres. Préexistent-ils chez vous à l’écriture, en général et dans ce cas particulier ?Je vous réponds en deux temps. D’abord non.L’écrivain se sert de sa vie pour inventer sa fiction. Plus c’est proche, moins c’est vrai. Il reste le mystère de la cuisine. On jette dans une chaudière d’eau bouillante quelques légumes, des épices, un morceau de viande, et le goût final est différent de celui de chacun des aliments. L’idéal serait de ne pas pouvoir distinguer le goût singulier des légumes, et même de ne pas chercher à le faire. Puis, oui. Pourquoi ? Parce que depuis une trentaine d’années, j’ai remarqué qu’on prête beaucoup attention à ce qui se passe dans la cuisine. Comment cela se passe ? Pour ma part, j’ai toujours trouvé le titre d’abord. Parfois des années avant même le sujet du livre. Le titre attend calmement son livre. Et c’est pour cette raison que j’ai eu envie d’écrire un livre sur ce thème.Le « je » est-il un jeu entre fiction et réalité ?La première fois que j’ai écrit une histoire, j’avais treize ans, et cela racontait un peu ma vie d’alors. Et l’histoire était centrée sur ma sœur. Je ne suis pas devenu un journaliste corrompu qui vendait sa plume au plus offrant. J’avais plutôt compris l’importance de la fiction sur la vie des gens. Et depuis, je n’ai vu aucune différence entre la fiction et la réalité. Tout ce qui traverse mon champ de vision devient de la fiction. Vous me demandez la part du vrai dans ma fiction ? Je ne sais plus. Je me sens tissé de tant d’histoires que je me demande si mon destin n’est pas d’être un roman plutôt qu’un écrivain.Est-ce le roman d’un roman qui n’existe pas ?C’est pour dire que tout existe, surtout quand on prend la peine de le dire en 265 pages. Je voulais faire un pied de nez au sujet un peu surestimé à mon avis. Mais ça aussi c’est un sujet. Et l’un des plus forts puisque le vide est au cœur de notre existence. La vie est aussi faite de fantaisie. Et s’il me prenait l’envie d’être un écrivain belge ?