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Dan Tepfer dialogue gaiement avec Jean Sébastien Bach à La Gaîté Lyrique (Paris)

Publié le 29 novembre 2012 par Assurbanipal

Variations

Sur les Variations Goldberg

De Jean Sébastien Bach

Par Dan Tepfer

Paris

La Gaîté Lyrique

Mardi 27 novembre 2012. 20h.

Dan Tepfer : piano

Lectrices baroques, lecteurs classiques, je vous ai déjà entretenu de l’album «  Variations on Goldberg Variations » de Dan Tepfer, d’un précédent concert au Sunside, des propos de Dan Tepfer expliquant son projet de relecture de l’Ancien Testament de la Musique, les Variations Goldberg de Jean Sébastien Bach (Johann Sebastian Bach pour les puristes germanistes). N’étant pas du genre à lésiner pour défendre une musique lorsque je l’apprécie vraiment, voici que j’assiste au premier concert parisien où Dan Tepfer joue dans son intégralité les Variations Goldberg entrecoupées de ses propres Variations sur ces Variations. Celles de Bach sont écrites sur des partitions depuis l’an 1738, celles de Dan Tepfer sont à écouter ici et maintenant en concert ou par tout moyen légal de diffusion de la musique enregistrée. Face à un tel Océan de notes (Oceano Notes ! comme disait Victor Hugo au sortir de la première de la Symphonie fantastique de Berlioz), le chroniqueur se trouve fort dépourvu alors même que la bise n’est pas venue. Je vous livrerai donc quelques impressions glanées au fil du concert.

Le concert était annoncé pour 20h, les portes de la salle devant ouvrir à 19h30. Il était inutile de se presser, les portes ayant ouvert à 19h55, le concert commençant à 20h40. C’est assez agaçant pour l’honnête travailleur qui doit se lever tôt le lendemain matin. C'est le prix à payer par amour de l'Art.

Derrière moi, un Monsieur qui n’est pas un spécialiste, dit-il, affirme qu’il n’a pas entendu les Variations sur les Variations Goldberg. C’est-à-dire qu’il n’a pas fait la différence, à l’oreille, entre les interprétations et les improvisations dans l’album de Dan Tepfer. Sa voisine, à l’oreille plus attentive et à l’esprit plus affuté, lui explique qu’il y a bien des variations sur les Variations, que chaque morceau est dupliqué, l’interprétation étant suivie de l’improvisation mais que Dan Tepfer tout en jouant jazz, moderne, respecte l’architecture de la composition originelle. Bref, elle a compris. J’ajoute que le Monsieur, qui n’est spécialiste ni de Jazz ni de Bach, a deux grands souvenirs de concerts de Jazz : Wayne Shorter et Avishai Cohen. Pour le premier, je suis d’accord. Pour le second, je ne peux juger puisque je n’ai jamais eu envie d’aller l’écouter en concert.

Le concert commence avec un morceau de Dan dont je n’ai plus le titre. Ensuite, il explique son projet au public et demande que le bruit de ventilation derrière lui cesse. Malheureusement, sa demande est restée sans suite et ce ronronnement permanent a perturbé notre confort d’écoute même si, au bout d’un certain temps, pris par la musique, nous avons pu en faire abstraction. En fait, je n’ai pas assisté à un tel récital de piano depuis Piotr Anderszewski à l’Opéra de Lyon en 2000 jouant les Variations Diabelli de Beethoven (ces Variations ont été filmées par Bruno Monsaingeon. Le DVD se trouve dans le commerce). Il était venu, s’était assis, avait joué d’une traite sans partition et avait triomphé. Sauf que lors d’un récital, l’artiste récite, il n’invente rien même s’il crée.

Avec Dan Tepfer jouant en solo les Variations Goldberg et ses Variations sur les Variations Goldberg, nous avons deux artistes et deux concerts en même temps. Le tout sans partition. Celui appliqué, droit, presque raide qui interprète. Celui plus délié, déhanché, en mouvement, qui improvise. Pour le même prix, avec le même homme et le même instrument. Un dédoublement de personnalité toujours au service de la beauté et de l’émotion. Il est possible de préférer l’un ou l’autre aspect de cette musique, interprétation ou improvisation mais il faut reconnaître que les deux sont inséparables, se nourrissent, nous nourrissent mutuellement. Le public ne s’y est pas trompé. Une écoute attentive et concentrée tout du long. Pas une seule toux pendant 1h30 de concert ! « Une salle de concert est un lieu où des gens qui ne se connaissent pas se retrouvent pour tousser » (Alphonse Allais). A 22h, vint le premier standard de Jazz « Everytime we say goodbye » traité dans le même esprit que Bach. Je gage que Chet Baker aurait aimé cette version lui qui chantait si bien cette chanson. Il finit avec Bach, relève ses mains. Un silence de reconnaissance interrompu par un tonnerre d’applaudissements mérité. Après une telle prestation, il n’y a plus rien à ajouter.

Si, une nouvelle composition pour indiquer une nouvelle direction, « 547 ». Le Monsieur non connaisseur dit « Bravo ! ». Il a compris la différence entre interprétation et improvisation comme tout le monde dans la salle grâce à Dan Tepfer. Merci à Dan Tepfer et à Jean-Sébastien Bach pour avoir illuminé notre soirée. " Dieu doit beaucoup à Bach " (Nietzsche). Dan Tepfer et nous aussi.

Lectrices baroques, lecteurs classiques, si vous n'avez pu assister à ce concert ou si vous souhaitez le revivre, sachez que vous pouvez l'écouter sur TSFJazz. Pour comparer, voici comment Dan Tepfer jouait cette musique pour France Culture.


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