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Ore italiane: Le Guernica italien (by Stefania)

Publié le 30 novembre 2012 par Lifeproof @CcilLifeproof

Baj pinelli2Enrico Baj, I funerali dell'anarchico Pinelli, technique mixte, 1972

Milan a été, dans les années 1950 et 1960, jusqu’au début des années 1970, une ville très importante pour l’art contemporain de l’après-guerre. Cela ne doit pas étonner, Milan était, avec Turin et Gênes, le centre de l’essor industriel italien, la ville où le boom de l’après-guerre était palpable. Et qui dit industrie, dit argent, qui dit argent dit aussi rayonnement culturel.

Parmi les artistes qui ont travaillé dans cette période, on trouve Enrico Baj, dont les œuvres proposent un mélange de références aux Avant-gardes historiques, comme le Surréalisme, Dada ou le Futurisme italien. Dans le goût pour les assemblages de matériaux différents on lit son intérêt pour l’art américain, mais aussi pour l’Art Informel et, tout particulièrement pour l’artiste Alberto Burri. Souvent, par rapport à ses œuvres de jeunesse, les critiques emploient les mots “art nucléaire”, pour l’énergie qui se libère des amas de matière picturale sombre sur fonds de toile ou de tapisserie.

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Enrico Baj, depuis la série des "Generali", technique mixte

Enrico Baj fut très célèbre pour son engagement civil et, à ce propos, on se souvient de la série des Généraux, figures grotesques réalisées en tissu et peinture et ornées de décorations. La façon de représenter ces personnages, desquelles une brutalité enfantine se dégage, est délibérément sommaire, sarcastique, sulfureuse. Il faut penser que dans les années 1960 les hiérarchies militaires étaient, en Italie, bien plus puissantes qu’aujourd’hui : en 1964 le général De Lorenzo avait planifié un coup d’état qui finalement échoua.

L’engagement politique d’Enrico Baj est particulièrement évident, dans le tableau monumental consacré aux funérailles de Giuseppe Pinelli. Cette œuvre, de 380 cm de haut et 1200 cm de long, a été exposée en 2012 pour la première fois à Milan, 40 ans après sa création.

Mais revenons en arrière… D’abord, qui est Giuseppe Pinelli ?

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L'oeuvre d'Enrico Baj dans la Salle des Cariatidi à Milan

Le 12 décembre 1969, au début des années de plomb, une bombe éclata Fontana, au centre ville de Milan, et tua 16 personnes. Deux heures plus tard, la police arrêta des anarchistes, parmi lesquels Giuseppe Pinelli, qui, ensuite tomba de la fenêtre du Commissariat la nuit de l’interrogatoire, conduit par le commissaire Luigi Calabresi. Cet « accident » ne fut jamais éclairci par la police, qui parla plutôt d’un suicide, mais bouleversa très fortement les consciences des intellectuels et des milanais en général (mon grand-père m’en parlait souvent).

Le tableau est divisé en deux parties : à gauche un groupe de personnages sobres avec les poings levés et les drapeaux anarchistes, parmi lesquels on perçoit aussi deux fillettes, Claudia et Silvia, les filles de Pinelli; à droite, une horde de monstres déguisés en soldats et policiers qui acclament la chute de Pinelli. La force d’expression et la tension sont soulignées par les nombreux bras levés et les expressions des visages, comme celui de la femme à l’extrémité droite du tableau, l’épouse du protagoniste, défiguré par la douleur. Le sentiment de combat entre les forces du Mal et celles du bien, de la douleur et de la force, ainsi que la composition, évoque le Guernica de Picasso, tableau-phare pour tous les artistes engagés de l’après-guerre. L’artiste ne cache pas sa sympathie pour les anarchistes: il s'agit avant tout d'une déclaration de soutien humain plus que d’un engagement politique. 

Ce tableau faisait partie des œuvres de l’exposition personnelle d’Enrico Baj qui avait été programmée à Palazzo Reale au mois de mai 1972. Mais le jour du vernissage, le 17, le commissaire Luigi Calabresi fut assassiné. C’est pourquoi l’exposition fut annulée.

Les Funerali dell’anarchico Pinelli ont été montrés pour la première fois cette année, 40 ans après sa réalisation. Leur position, dans la Salle des Cariatidi, est celle que l’artiste, mort en 2003, avait fixé. Ce cadre, une magnifique salle de style néoclassique très grièvement endommagée par les bombardement des Alliés en 1943, est encore plus puissant et nous pousse à réfléchir à la valeur politique et civile du geste artistique contre les forces obscures de la violence et de la répression.


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