En 2010, le Printemps des Poètes était sur le thème « Couleurs femmes » et cherchait à « redonner simplement une juste place aux femmes dans la création poétique ».
A l’occasion de cet événement, les éditions du Castor Astral et du Nouvel Athanor avaient fait paraître le recueil « Couleurs Femmes » – anthologie de cinquante-sept poètes femmes contemporaines – préfacé par Marie-Claire Bancquart.
Dans ce recueil j’ai choisi six poèmes à vous faire découvrir :
Maram al-Masri
Je voudrais être une femme.
Signe distinctif :
un sourire éternel sur les lèvres,
des baisers
profonds comme le miel.
Je voudrais être une femme
Qu’on ne peut ni additionner
ni soustraire
ni multiplier
ni diviser
ni gommer
ni sommer
ni assommer.
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Marie-Claire Bancquart
Jetant mes notes et brouillons
je mets du temps à la poubelle.
Évocations en strates :
telle année fut écrit tel livre
Je parlais
en telle ville
à des inconnus, d’un sujet oublié depuis.
Des heures, des jours de moi ont tout à fait perdu leur trace
Je suis habitée
par une route à grande vitesse, à sens unique,
au terminus inconnu mais certain.
Me voici maintenant, vieil animal qui flaire l’horizon
s’interrogeant sur la nécessité de durer encore
Mais toi présent, je n’ai plus débat avec la mémoire
ton corps a la même odeur qu’il y a cinquante ans
ce morceau-là du temps n’est pas jetable.
Ah, que la route aille
en avant encore,
encore un peu
en avant !
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Marcelle Delpastre
FEMME EN FLEURS
Femme en fleurs comme un grand châtaignier qui répand ses senteurs puissantes
Tu te dresses sur la campagne, tu flambes de bonnes odeurs,
tu prends le soleil et la pluie à tes rameaux chargés de fruits,
Tu es debout sur la colline, le bleu de l’espace et le vent ruissellent sur toi de la bouche aux talons,
les moissons croissent sur tes bras ; la ronde blondeur de tes seins gonfle le temps des récoltes mûres,
et dans ton sein déjà la nuit profonde se fermente ; déjà la grande mer roule sur toi la courbe de ses vagues.
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ANISE KOLTZ
(…)
Mes souliers
sont troués
Mes béquilles
souillées de boue
Je regarde passer le corbillard
qui emporte
tout ce que je n’ai pas vécu
Je serai seule
à mourir
avec sous le lit
mes souliers déroutés
Je t’aime
parce que ton amour
inventé pour voler
est un faucon
qui s’est posé
sur mon poing
(…)
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COLETTE NYS-MAZURE
pour qu’un poème respire
il lui faut le silence
silence liminaire
des lentes germinations souterraines
lorsque jaillissent les mots
dans l’éclat des enfantements
silence
quand la voix se repose
et que le texte n’en finit pas de résonner
dans nos solitudes visitées
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LILIANE WOUTERS
Aimer c’est, à travers le corps,
rencontrer l’âme ; c’est aussi
par les sentiers de l’âme aller
à la découverte du corps.
Aimer, c’est mêler l’âme au corps,
le corps à l’âme, c’est encor
du bout des doigts au fond de l’être,
toucher, sentir et reconnaître
avec la chair, avec l’esprit
sans deviner lequel est pris
et lequel prend, sans pouvoir dire
qui se réveille et qui s’endort
lequel commence, où finit l’autre,
quel est le vif, quel est le mort.