Marc Buronfosse Sounds Quartet
Paris. Péniche l’Improviste.
Mercredi 28 novembre 2012. 21h.
Marc Buronfosse : contrebasse, direction, compositions
Benjamin Moussay : piano, synthétiseur
Antoine Banville : batterie, percussions
Jean-Charles Richard : saxophones soprano et baryton, flûte.
La set list est fournie sur les tables. Pratique pour le public et cela évite aux musiciens d’avoir à annoncer les morceaux.
La photographie d'Antoine Banville est l'oeuvre de l'Eminent Juan Carlos HERNANDEZ. Toute utilisation de cette oeuvre sans l'autorisation de son auteur constitue une violation du Code de la propriété intellectuelle passible de sanctions civiles et pénales.
« Mirrors », errance dans un palais des glaces imaginaire. Démarrage à 21h30. Dur pour l’honnête travailleur qui doit se lever le lendemain matin. Sax soprano. Le batteur fait des bruitages. La contrebasse produit une autre vibration. Le piano est mystérieux en diable. Le sax soprano évanescent. Bref, si les lumières s’éteignaient, nous aurions peur ! Maintenant, ça se pose et une superbe mélodie s’élève. Bonne vibration de la contrebasse. Batteur aux balais, tout en douceur. Jean-Charles Richard produit un chant d’oiseau avec une anche. Nous sommes en novembre et cela donne envie de migrer vers des terres ensoleillées. Deux ans après, je succombe de nouveau à l’envoûtement de cette musique en concert. Beau solo de contrebasse poétique, chantant, ponctué par les percussions.
Ils enchaînent sur « The cherry tree » qui me fait penser à la joyeuse folie de Don Cherry. Jean-Charles Richard est à la flûte. Ca vibre, éclate de mille feux. C’est déjà le printemps, le cerisier en fleurs. Benjamin Moussay joue main droite gauche sur le piano, main droite sur le synthétiseur pour produire encore plus d’effets sonores. Le batteur tient le rythme aux baguettes, la contrebasse impulse et ça décolle ma parole. Le sculpteur d’air passe au baryton. Là c’est le gros son. Ca chauffe comme une chaudière. Logique sur une péniche. Enfin des Jazzmen français qui savent enchaîner les morceaux sans temps mort, sans que le public ne s’en aperçoive, n’ait même l’idée d’applaudir. Bref, du professionnalisme à l’américaine. C’est suffisamment rare chez les musiciens français pour être signalé. Jeu de bruitages entre le synthétiseur et la flûte alors que contrebasse et batterie gardent le rythme mais moins vite, moins fort.
« AOC », A Ornette Coleman, une appellation d’origine incontrôlable. Ca commence par un solo de batterie à la Ed Blackwell. Roulez tambours, brillez cymbales ! Le sax soprano dialogue avec la batterie. Ca chante. Les deux autres musiciens assistent silencieux au duo/dialogue/duel. Puis ils se jettent dans l’arène à leur tour. Ca envoie du bois. Le sax s’arrête pour laisser jouer la rythmique dans un style hard bop libre. Ca swingue, saperlipopette ! C’est de plus en plus libéré et dynamique. Le batteur fait de belles grimaces dans l’effort comme tout bon batteur. Le sax soprano revient mettre son granum salis là dedans.
« Before the second round » suivi de « After the sound round », deux morceaux écrits pendant l’élection présidentielle française de 2007, toujours d’actualité en novembre 2012 à l’UMP, en plein combat des chefs. Benjamin Moussay joue à faire crisser les cordes de son piano en résonnance avec celles de la contrebasse et la batterie sous les maillets. Le sax soprano s’ajoute et ça vole plus haut encore. DJ Benji mêle à nouveau le piano et le synthétiseur. Puissante vague de la contrebasse et de la batterie. Les morceaux s’enchaînent toujours aussi bien. La musique devient galactique. Certains spectateurs sont fascinés, d’autres intrigués.
Ca décline doucement pour enchaîner sur l’après second tour et les lutteurs épuisés. Tout se mélange, étrange. Solo de piano hanté, réverbéré avec quelques ondes électroniques par-dessus. Benjamin appuie. Marc reprend en scandant les pas à la contrebasse. Ca sent la sueur, la fatigue, l’abandon, le relâchement après l’effort. Antoine ponctue avec ses percussions. La douce plainte du soprano vient s’y ajouter. L’archet fait vibrer la contrebasse. Ca monte, ça monte. La contrebasse scande à nouveau, le sax soprano crie, hurle mais mélodieusement. Bruitages des percussions et son d’avion du synthé. Ca repart au combat. Un petit air balkanique se glisse dans le chant du soprano. Benjamin Moussay est revenu au piano et le quartet envoie à nouveau du bois. Retour au thème et ça se calme, petit à petit, en decrescendo. Le piano revient au thème d’abandon. Comme une mer calme qui s’épuise inlassablement sur la grève.
PAUSE
Avis aux programmateurs. Le Sounds Quartet de Marc Buronfosse fait face à la musique (« Face the music » est le titre de l’album. Clin d’œil à la chanson « Race » de Prince ? ), la Péniche l’Improviste était remplie d’un public attentif et comblé. Pourtant, ce groupe ne joue pas assez, n’est pas assez entendu, diffusé, écouté. Engagez les, rengagez les, sapristi ! S’ils ne jouent pas en France, ils iront jouer ailleurs en Europe, dans le monde et ils nous manqueront ici.
Quant à moi, en honnête travailleur devant se lever tôt le lendemain matin, j’ai du quitter le concert à la pause, réconforté par la beauté de cette musique. Le Sounds Quartet de Marc Buronfosse tient la distance.
Voici le Sounds Quartet de Marc Buronfosse en concert à la Maison de la Radio à Paris le 18 décembre 2010. After the second round. Tout est dit.