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[anthologie permanente] Jean-Claude Pirotte

Par Florence Trocmé

Le prix Goncourt de la poésie/ Robert Sabatier 2012 a été décerné hier à Jean Claude Pirotte. Pour l’ensemble de son œuvre, précise le jury sur son site. Lire cet article du Nouvel Observateur 
Quelques extraits de « Veilleurs », poèmes dédiés à des poètes aimés de Pirotte.  
   (Jules Supervieille) 
nous entendons la voix de l’ombre 
que traquent les meutes casquées 
dans les replis et les lézardes 
des vieilles nuits mal consumées. 
nous entendons la voix du juge 
inquiet (on ignore pourquoi) 
au matin clair on condamne 
les chiens perdus qui aboient 
les enfants jamais muselés 
se terrent dans les décombres 
et fument les calumets 
de la paix imaginaire 
○ 
tu ne sauras jamais qui je suis 
dit l’enfant je passe mon chemin 
je vais vers les prairies lointaines, 
où l’herbe chante à minuit près des saules 
qui pleurent car c’est ainsi 
que s’ouvre à mon cœur la musique fidèle 
et que le monde enfin commence à vivre 
et que je commence à mourir 
tu ne me verras pas vieillir 
ni ne reconnaîtras mon ombre 
adossée au talus là où le sentier noir 
se perd dans un fouillis d’épines 
et les étoiles des compagnons blancs 
tu as beau regarder sans cesse derrière 
toi comme si tu craignais l’orage 
et que tu te hâtais poursuivi par l’éclair 
jamais tu ne surprendras mon sourire 
tendrement cruel comme celui d’un tueur triste 
• 
   (Gaston Chaissac) 
il n’y avait pas un chat 
sur la route de Montaigu 
le soleil dardait un œil 
vers le bocage à droite 
et le bocage à gauche 
(en été le soleil louche) 
les chemineaux s’endorment 
et meurent l’eau à la bouche 
la duchesse de Bourgogne 
était attendue comme une 
réclame de confiture 
et le tour de France allume 
des rêves chez les loupiots 
quand la caravane passe 
et que les chiens gémissent 
et que Chaissac se glisse 
dans un troupeau d’oies blanches.  
• 
   (Pierre Jean Jouve) 
pour vivre ici nous n’avons qu’un amour si pauvre 
pour vivre ici dans la rumeur du Bois des Pauvres 
écouter l’oiseau triste alarmé les voix sourdes 
des fantômes leurs pas lents sur les lichens morts 
nous sommes là créatures sans feu ni lieu 
parmi les souffles amers des poitrines creuses 
dans les allées du vent les dentelles du gel 
et les mots bredouillés de la misère veuve 
sous la glace du Temps les reflets déchirés 
d’une mémoire à jamais tue et méprisée 
pour vivre ici dans l’abandon des aubes 
ainsi nous connaissons le désastre et la paix 
Jean-Claude Pirotte, « Veilleurs », in Passage des ombres, La Table ronde, 2008, pp. 84 et 85, 88, 95. 
Jean-Claude Pirotte dans Poezibao :  
bio-bibliographie courte, bio-bibliographie commentée par les textes, Hollande (note de lecture de B. Moreau), Passage des ombres (parution), extraits 1, Revermont, extrait 1, le prix Kowalski, extrait 2; Le Promenoir magique



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