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La stratégie du Coucou et le syndrome de Stockholm

Par Baudouindementen @BuvetteAlpages

Par Bernard Pesle-Couserend
La chasse, une nécessité pour l'écologie« Le gouvernement a adopté une feuille de route dont l'un des objectifs est de faire [sans rire…] de la France un pays exemplaire en matière de reconquête de la biodiversité. A cette fin, le Président de la République François HOLLANDE s’est engagé sur l’adoption, en 2013, d’une loi cadre sur la biodiversité et sur la création d'une agence nationale de la biodiversité.

…Pour conclure, je voudrais insister sur l’éducation à l’environnement. Il est fondamental que tous nos citoyens aient conscience des valeurs de la biodiversité pour susciter l’envie d’agir en sa faveur. Cette prise de conscience passe par l’éducation à l’environnement et la diffusion des connaissances, afin que personne ne nuise à la biodiversité par ignorance. »

Delphine BATHO, Hyderabad (Inde), 18/10/2012

La stratégie du Coucou

« Le coucou pratique le parasitisme de couvée, qui consiste pour la femelle à pondre dans le nid d'une autre espèce afin que celle-ci assure la couvaison de l’œuf puis l'alimentation du jeune individu. On a pu observer que celui-ci éjecte tout autre objet que l'on introduit dans le nid, jusqu'à la limite de ses forces. La vue de son gosier rouge orangé déclenche chez ses parents adoptifs une irrépressible pulsion de becquée. » (*)
Le coucou « agriculture » est venu pondre son œuf dans le nid de la biodiversité. S'il y a une composante dont l'agriculture n'a jamais fait grand cas, c'est bien la biodiversité, y compris (mais pas surtout) du temps où ce mot n'existait pas. Il faut produire. Donc raser, arracher, drainer et éliminer tout ce qui ne travaille pas pour l'Homme. Enfin, pour l'agriculteur.

Mais depuis peu, comme le concept de « développement durable », la biodiversité est devenue un mot à la mode. En d'autres termes, à l’heure où les négociations sur le budget de la PAC piétinent, il y a du pognon à détourner et à récupérer sur ce thème. Mais on ne revient pas sur des millénaires d'exploitation sans scrupules du sauvage en deux temps trois mouvements.

Il y avait donc deux stratégies possibles.

1 - Reconnaître l'impact historique négatif de la logique agricole sur la vie sauvage.

Impact négatif en partie assez excusable au regard de la rudesse de la vie d'autrefois. Et qui ne culpabiliserait pas les agriculteurs modernes, à qui on ne saurait reprocher les excès de ceux ayant pratiqué la même profession. Notamment pendant les derniers siècles, durant lesquels l'essentiel des disparitions d'espèce pour cause humaine a eu lieu. Cet acte de contrition était évidemment peu vraisemblable et n'a logiquement pas eu lieu. Restait le second cas...

2 - Le révisionnisme, consistant à ériger la pratique agricole en garant de la biodiversité depuis l'origine.

Un peu comme Monsieur Jourdain qui faisait de la prose sans le savoir, l'agriculteur préservait la nature de l'autodestruction sans même y prêter attention : c’est la marque des vrais bienfaiteurs. Il y avait déjà le chasseur sans qui il n'y aurait pas de gibier. Il y avait déjà le forestier sans qui il n'y aurait pas de forêt. Il y aura désormais l'agro-pastoraliste sans qui la biodiversité n'existerait pas. Tout simplement.
Il est donc logique que l'agriculteur soit aujourd'hui rémunéré à ce titre par la collectivité. Non pas pour changer ses habitudes, grands dieux non. Pourquoi voudriez vous changer quoi que ce soit à une logique qui améliore la biodiversité, à l’insu de son plein gré, mais pour son bien? Non, la rémunération doit être basée sur la perpétuation des pratiques qui font le bonheur de la biodiversité en la protégeant d'elle même, depuis la nuit des temps. Car là où l'homme recule la biodiversité régresse, c'est bien connu.
Problème. Cette mode de la biodiversité arrive bien tard, malheureusement : quantité de terres arables ont déjà été réutilisées pour autre chose de plus rentable (lotissement, parking de supermarché, ...) et continueront à l'être encore. Contre ce type d’adversaire, le coucou agricole a peu de prises. En fait, ne reste réellement de récupérable que la partie de l'espace rural la moins convoité par l'industrie, le commerce ou les résidences secondaires.

Les Parcs Naturels Régionaux (PNR) ont clairement été créés pour ça. Oh certes, le mot « Naturel » figure en plein milieu du sigle. Mais dès que la belle nature jardinée est confrontée à une espèce ayant toute sa place dans l'écosystème, comme le loup, les masques tombent vite. Comme pour le PNR des Monts de l’Ardèche. Et tous les autres à l’avenir, n’en doutons pas.

Et quand la ministre de l'écologie déclare « L'objectif que je vous propose, c'est que 20 % du territoire national soit classé Parc Naturel Régional d'ici 2020 », il faut lire « 20 % du territoire français va être utilisé pour maintenir à grands renforts de subventions des pratiques agricoles en mal de rentabilité, y compris au détriment de la vie sauvage qui les gênerait, même de peu ».

Quant à la flore et la faune autochtones, si elles veulent survivre, elles doivent s’adapter au mouton. Ou à autre chose d’ailleurs, mais force est de constater que c‘est souvent la brebis qui est présentée comme le dernier rempart avant cette tragédie qu’est « l’ensauvagement » !
Pour résumer, les crédits « biodiversité » ne doivent pas être directement affectés à la biodiversité mais doivent être orientés vers la pratique agricole, la mieux à même de défendre la biodiversité contre elle même. Vous suivez ? Faute de remise en cause, cette stratégie cuculidoïde est nécessaire pour espérer la survie de certaines activités en perte de vitesse. Elle n’est cependant pas suffisante et serait même très peu efficace sans son corollaire obligatoire : le syndrome de Stockholm.

Le syndrome de Stockholm

« Le syndrome de Stockholm désigne la propension des otages partageant longtemps la vie de leurs geôliers à développer une empathie, voire une sympathie, ou une contagion émotionnelle avec ces derniers.

L'agresseur doit être capable d'une conceptualisation idéologique suffisante pour pouvoir justifier son acte aux yeux de ses victimes. Trois critères :

  • Le développement d'un sentiment de confiance, voire de sympathie des otages vis-à-vis de leurs ravisseurs ;
  • Le développement d'un sentiment positif des ravisseurs à l'égard de leurs otages ;
  • L'apparition d'une hostilité des victimes envers les forces de l'ordre. » (*)

Il ne suffit pas à la femelle coucou de pondre dans un nid. Encore faut-il trouver des parents adoptifs qui soient de « bons clients » pour son protocole de mystification. Et ils seront d’autant meilleurs clients qu’ils y trouveront (ou croiront y trouver) un avantage.
Ces parents idéaux existent : les services administratifs, les élus locaux et les politiques en général.
L’Administration est chargée de faire appliquer la réglementation, sauf auprès des administrés disposant d’un pouvoir de nuisance.

Il est courant de retrouver quasiment mot pour mot l’argumentaire des Chambres d’Agriculture dans les écrits des responsables de services d’économie agricole. Et c’est logique : c’est bon pour leur carrière. Un montant élevé de subventions versées est considéré comme un indicateur de bons contacts avec la profession. Peu importe du bon usage de ces fonds : les comptes sont à rendre à la profession, pas au contribuable. Et encore moins aux associations environnementales.

L’ennemi, ce n’est donc pas celui qui oblige à tordre, contourner ou retarder l’application de la réglementation. Non, l’ennemi c‘est le groupuscule de talibans de l’écologie ou la secte de khmers verts, qui pointent les manquements de fond et les vices de forme devant les tribunaux. Rompant ainsi la belle harmonie qui s’était installée entre geôliers et otages, conjointement financés par le contribuable.
C’est encore plus flagrant avec les élus locaux, qui ne peuvent se permettre de mécontenter un lobby localement puissant et pouvant causer leur perte au prochain scrutin :

  • « Un lobby qui pourrait me faire perdre l’élection a toujours raison. » (prière politique œcuménique)
  • « Une majorité silencieuse doit être constamment alimentée en vaseline pour rester démobilisée » (idem)

Les uns croient assurer leur tranquillité, les autres oeuvrent à leur réélection. Pour le citoyen contribuable, le résultat est le même : des coûts cachés très élevés et des résultats environnementaux lamentables (et finalement souvent ruineux, notamment en contentieux.)
Quant aux politiques « d’envergure nationale », est-il encore utile de revenir sur leur médiocrité environnementale ? Oui.

Quand l’actuelle locataire du maroquin environnemental reprend, carrément tel quel, l’argumentaire des pires anti-loups, on est dans du « Stockholm » en platine massif incrusté de diamants :

« L’enjeu décisif est de soutenir l’agro-pastoralisme pour avoir une montagne vivante, c’est aussi une condition du développement durable. L’évolution significative de la présence du loup nous amène à entrer dans une nouvelle phase de gestion et de régulation, tout en respectant la protection de l’espèce. » (Source)

En 2012, l’enjeu décisif pour un ministre de l’écologie français, c’est donner du crédit aux délires des partisans les plus écoréactionnaires d’une filière qui consomme beaucoup d’espace, produit pas grand chose, coûte cher, et demande l’éradication des espèces en haut de la pyramide alimentaire !

Pas un mot sur le rôle indispensable des prédateurs au meilleur fonctionnement des écosystèmes, ce qui serait pourtant le rôle d’une ministre en charge de l’environnement. Vous n’y pensez pas, Monsieur, ça pourrait énerver nos geôliers. Et sans moutons la montagne est morte. Véridique.

D’ailleurs, la plupart des pays européens qui n’élèvent que peu ou pas de moutons ont des montagnes sans vie, ça aussi c’est bien connu. Bref, le désert après l’ensauvagement et la mort du développement durable.

On ne va quand même prendre le risque de tuer un concept comme le développement durable, qui s’annonce juteux, pour défendre quelques espèces sauvages dont il suffit de relativiser l’utilité. Il est beaucoup plus pertinent de ravaler 250 loups au même niveau qu’un million de sangliers ou 2 millions de chevreuils : un simple gibier dont il convient d’offrir la régulation à nos amis les chasseurs, eux aussi grands défenseurs de l’environnement devant l’éternel.

Vous allez me dire que cette régulation par les chasseurs n’est pas au programme? Patience…

Exercice de prospective appliquée

Les exemples de détournements passés sont innombrables :

Réfléchir sur ce que pourrait (ou va) donner l’application de cette glorieuse stratégie est plus ludique.
On parle pas mal, surtout depuis fin 2010, d’un vieux serpent de mer : la chasse aux subventions nuisibles à l’environnement. En toute logique, une activité qui ne survit qu’à grands coups d’argent public, mais qui demande quand même, tout honte bue, la destruction d’espèces protégées devrait être obligée de faire profil bas pour ne pas voir se fermer le vital robinet à subventions.
C’est ce que vous pensez ? Décidément, vous ne comprenez rien à rien…

  • La stratégie du Coucou et le syndrome de Stockholm La stratégie du Coucou et le syndrome de Stockholm La biodiversité des milieux ouverts est d’un intérêt supérieurement supérieur (c’est in-dis-cu-ta-bleuh !)
  • La divagation des brebis entretient les milieux ouverts.
  • La divagation des brebis est donc bonne pour la biodiversité.
  • Il faut donc renforcer les aides à la divagation des brebis.
  • Et éliminer tout ce qui dérange leur libre et saine divagation.
  • Ces inutiles enfoirés de prédateurs nuisent à la libre et saine divagation des brebis.
  • Il faut donc éliminer ces prédateurs et réaffecter illico les budgets biodiversité fléchés par erreur au profit de ces nuisibles vers les vrais créateurs de biodiversité.

Et au final, on respectera scrupuleusement les recommandations de l’OCDE, l’UE et de qui vous voulez. Même pas d’amende à redouter…
La stratégie du coucou, c’est plus clair comme ça ? Vivement la mise en branle de la machine à supprimer les subventions nuisibles à l’environnement !

Bernard Pesle-Couserend

(*) Source : Wikipédia


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