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Prix Leroi-Gourhan 2012 – Ariadna Burgos

Publié le 06 décembre 2012 par Erwan Pianezza

 Créé en 2008 par la Société des Amis du Musée de l'Homme, le prix Leroi-Gourhan a pour objet d'aider dans ses travaux un étudiant du Muséum national d'Histoire naturelle engagé dans une recherche doctorale dont le résultat sera jugé susceptible de contribuer concrètement au contenu scientifique du Nouveau Musée de l'Homme. Ariadna Burgos, lauréate du prix Leroi-Gourhan 2012, est en 3e année de doctorat au Muséum national d’Histoire naturelle. L’objectif de sa thèse est d’étudier les interactions entre les communautés locales et la forêt de la mangrove. Son terrain d’étude se situe à Siberut, une île de l’archipel de Mentawai, située à 130 Km à l’ouest de Sumatra (Indonésie).

Le prix Leroi-Gourhan lui sera remis le vendredi 7 décembre 2012 à 17h30 à l’Institut de Paléontologie Humaine par le Professeur Eusebio DIZON, Professeur à l’Université de Manille.

Les femmes et les jeunes adolescentes cherchent taiknuktuk (Anondontia philippiana) et sikoira (Austriella corrugata). Une partie de leur corps est immergé dans l’eau, et leurs jambes sont enfoncées dans la vase. Avec leurs doigts de pieds elles parviennent à identifier les coquillages. © Ariadna Burgos / MNHN
Ariadna Burgos (à gauche) participe à une cérémonie familière traditionnelle à Siberut (Indonésie). © Thomas Guery


Les femmes de la baie de Katuraï, située au sud-est de l’île de Siberut en Indonésie, partent tous les jours dans la mangrove à la recherche de crabes, de poissons et de coquillages. Depuis leur enfance, elles ont une relation étroite avec cet écosystème et ont consolidé par leur expérience et la transmission de savoirs, un corpus de connaissances naturalistes qui leur permet d’évaluer leur milieu, d’identifier des changements et d’optimiser leur travail. Les savoirs en relation aux coquillages sont considérables. En effet, il existe 47 espèces de bivalves et de gastéropodes dont 38 sont très appréciées dans l’alimentation. Les femmes connaissent très bien leur habitat, leur mode de répartition et leur distribution dans la baie. Elles ont des techniques de récolte très précises pour chaque espèce, celles-ci varient et sont conditionnées par la hauteur de la marée.

Une des techniques d’extraction les plus remarquables à Katurai est pasigutgut. Cette technique est utilisée pour chercher deux bivalves, appelés taiknuktuk (Anondontia philippiana) et sikoira (Austriella corrugata), qui logent à proximité des racines de Rhizophora apiculata et R. mucronata, enfouies à environ 80 cm de profondeur dans la vase. Cette technique Pasigutgut s’effectue en général avec 70% du corps immergé dans l’eau et de préférence lors de la marée basse. Les femmes se placent à proximité des racines, et s’en servent comme appui pour se stabiliser sur la vase. Le bas du corps plongé dans l’eau, elles exercent avec leurs pieds un mouvement de pression répétitif et vertical pour pénétrer dans la vase. Avec leurs doigts de pieds, elles explorent le substrat et arrivent aisément à différencier les bouts de bois des coquillages.

Malgré la ressemblance physique de taiknuktuk et sikoira, les femmes de la mangrove font preuve d’une sensibilité et d’un sens du toucher très développés car elles savent parfaitement différencier les deux espèces en utilisant uniquement leurs doigts de pied.

La récolte des coquillages implique néanmoins un effort physique important : les femmes explorent pieds nus tous les recoins, grimpent sur les racines, soulèvent les morceaux de bois mort, marchent à moitié pliées... Elles sont couvertes de vase, d’eau et de sel durant toute la journée. C’est un travail très dur où les femmes sont également exposées à différents types de blessures comme par exemple s’enfoncer des échardes ou se couper avec des morceaux de bois affutés et/ou avec les huîtres fixées sur les palétuviers. Pourtant dans la mangrove de Katurai, on entend des chants, des éclats de rires, des voix qui s’interpellent à distance pour demander si tout va bien.

L'enjeu de la thèse d’Ariadna Bugos est de faciliter la prise en compte des connaissances et des savoirs locaux dans l’évaluation de l’état sanitaire de la mangrove et de son évolution face aux effets des changements climatiques et socio-écologiques locales. Au travers d’une approche ethnoécologique, il s’agit d’étudier les interactions entre les communautés locales de l’île de Siberut et la forêt de mangrove, et de définir un ensemble de savoirs – indicateurs locaux – qui pourraient être intégrés dans les dispositifs de suivi de l’environnement.



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