LITTÉRATURE - Pourquoi pas "Le Roman de Roman"? Non, dit Opalka, "Le Roman d'un être" me paraît plus juste: c'est ainsi le titre que Bernard Noël a retenu pour son livre paru chez P.O.L en octobre dernier.
De 1965 à sa mort, en août 2011, Roman Opalka a peint la suite des nombres tendant vers la blanc, 1% de blanc dans la peinture servant au fond de sa toile, initialement noir à 100%.
"Ma trace est faite de mon énergie", explique Opalka.
L'écrivain et critique d'art lui rend hommage dans un ouvrage à découvrir d'une seule traite, pratiquement sans ponctuation, des pages à lire à haute voix, pour le plaisir du mot, la jouissance du rythme, le vide et le plein.
Poète, récompensé en 1992 par le grand prix national de la poésie, ami de nombreux peintres, écrivains et intellectuels, de Louis Aragon à Maurice Blanchot, Bernard Noël signe ici un véritable acte créatif de méditation littéraire:
"L'horizontalité est perceptible au premier regard et la fixation attentive échoue à l'établir" écrit l'auteur à propos des lignes de chiffres peintes par l'artiste.
Parallèle évident entre le travail répétitif d'Opalka et celui obsédant de l'écriture. Les deux se chevauchent, s'entremêlent.
"Un Détail n'est pas un tableau mais la possibilité de se déplacer dans le temps et de créer de l'émotion".
Chaque nombre est la somme de ceux qui le précèdent, chaque instant de notre vie est la somme des précédents. Regarder peindre Opalka, ce que Bernard Noël a fait à plusieurs reprises, dès les années 70, révèle l'identité de son acte et de sa vie. L'écouter confirme l'accord entre sa langue et sa main. L'écriture parvient, ici, à entrer dans ce mouvement et même à se confondre avec lui. Une prouesse pour l'auteur du "Château de Cène" et des "Plumes d'Eros". Une danse poétique, visuelle et sonore.
> Feuilletez les premières pages du "Roman de l'être", par Bernard Noël
> Ecoutez Bernard Noël, invité d'Alain Veinstein dans l'émission "Du jour au lendemain" sur France Culture, le 8 décembre