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Quand la France met les gaz sur le diesel : une erreur ?

Publié le 08 décembre 2012 par Edelit @TransacEDHEC

Cela fait plus de cinquante ans que le gouvernement français favorise la consommation de diesel à travers de multiples mesures. Politique réussie étant donné que le gazole représente cette année plus de 60% de la consommation de carburant dans l’Hexagone contre uniquement 5% il y a trente ans. Or, c’est exactement ce que la Commission Européenne lui reproche : elle menace de condamner la France pour non-respect des normes en termes de qualité de l’air. Impossible de nier que le diesel est en grande partie responsable de cette pollution. Faut-il donc blâmer les décisions prises par les gouvernements français ces dernières décennies ?

Un parc automobile diésélisé

La diffusion du gazole commence dans les années 1950. A cette époque, seuls les tracteurs et camions roulent au gazole. Au nom du redressement économique, les lobbies les défendant parviennent à obtenir du gouvernement français une réduction des taxes liées à ce carburant. Les voitures sont alors rapidement équipées de moteurs Diesel afin de bénéficier de cette baisse. A partir des années 1990, le gouvernement français renforce sa politique. Il introduit en 1995 le mécanisme des bonus-malus qui booste les ventes de voitures utilisant du gazole. En 2005, il accepte le principe du « gazole professionnel » selon lequel les transporteurs peuvent déduire de leurs impôts la taxe sur les produits pétroliers.

Afin de s’adapter à la demande française, les constructeurs français se spécialisent dans les moteurs Diesel. PSA Peugeot Citroën, premier constructeur mondial de moteur Diesel, bâtit pendant des décennies son succès sur l’argument suivant : le moteur gazole brûle mieux son carburant que les autres types de moteur, donc il pollue moins. Malheureusement pour lui, cela s’avère être faux mais ne l’empêchera pas de se placer deuxième constructeur automobile européen en 2010 après Volkswagen.

Un choix économique problématique

Le gazole coûte certes moins cher à la pompe mais c’est loin d’être le cas pour l’environnement et la santé. Cette année, l’Organisation Mondiale de la Santé a officialisé le fait que le diesel était un « cancérigène certain » pour l’homme. Et pour cause, les moteurs Diesel émettent des particules fines et de l’oxyde d’azote (Nox) qui attaquent les bronches. Pas étonnant que le nombre d’asthmatiques recensé en France ces vingt dernières années ait augmenté de 40% et que le ministère de l’Ecologie estime que ces moteurs causent annuellement 42000 décès dans l’Hexagone !

L’Union Européenne lutte depuis plusieurs années contre les risques liés aux gaz d’échappement. Dès 1992 se succédèrent des normes européennes d’émission, dites normes Euro, afin de limiter la pollution. La dernière entrée en vigueur, la norme Euro 5 en 2009, imposa aux voitures Diesel d’être équipées d’un filtre à particules. La norme Euro 6, valable à partir de 2014, contraindra les constructeurs automobiles de réduire les rejets d’oxyde d’azote. Seule solution qu’ils ont trouvée pour l’instant : un filtre à Nox d’une valeur de 2000€. Or, ce sont essentiellement les moteurs Diesel qui sont touchés par cette norme.

Cette mesure n’arrange pas les constructeurs automobiles français, complètement dépendants du gazole, qui vont déjà au plus mal. Les ventes de véhicules neufs sont très mauvaises sur le marché français cette année. Il faut s’attendre à une baisse de 14% pour l’ensemble des groupes français, soit moins de 1,9 millions de véhicules vendus. Il faut remonter à 1997 pour trouver une performance plus mauvaise,  même 2008 fut une meilleure année, de quoi s’inquiéter! On comprend alors mieux pourquoi la norme Euro 6 risque d’achever les constructeurs français : vont-ils pouvoir remonter la pente si leurs prix de vente augmentent de 2000€, ce qui représente près de 20% pour une Renault Twingo ?

Le choix du tout-gazole a été pendant longtemps un succès mais ce temps est résolu. L’industrie automobile française se porte aujourd’hui au plus mal et la dépendance au diesel n’est autre qu’un poids supplémentaire à supporter. Certes, les constructeurs automobiles français ne peuvent pas se séparer de la technologie Diesel à très court terme mais la pression européenne a le mérite d’accélérer la conversion vers d’autres technologies telles les moteurs hybrides, électriques et piles à combustible.

Marjolaine Basuiau


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