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La marchande d'enfants de Gabrielle Wittkop

Par Catherine93

Ames sensibles, s'abstenir et âmes moralisatrices, passez votre chemin!!

Ce roman se présente comme un roman épistolaire dont on ne lit, cependant, que les lettres de Marguerite, une maquerelle cynique et admirative de Sade. Oui! Le lecteur est averti dès le début du récit par la préface de Nicolas Delescluse, qui s'intitule "En guise de paratonnerre" et par la mention de "Donatien l'Admirable", à qui le livre est dédié.

Marguerite, qui vit à Paris, écrit à Louise, qui souhaite, elle aussi, ouvrir à Bordeaux un commerce bien particulier, celui de la prostitution enfantine. Notre épistolière lui conte les déboires, les joies et les peines, les nécessités domestiques d'un tel travail. Elle lui donne des conseils pour que la jouissance soit meilleure et le plaisir des clients décuplé. Et les mots claquent dès l'incipit:"le matériel", "la fraîcheur des objets", "ballot" etc. pour désigner des enfants de sept à huit ans, parfois plus jeunes. Marguerite, fidèle en cela à Sade dont l'ombre plane tout au long du roman, narre à sa destinataire (dont on ne lit qu'une seule lettre à la fin du récit) les tortures infligées aux petits corps, la ruse et l'astuce pour ne pas éveiller les soupçons car nous sommes en pleine tourmente révolutionnaire. Les échos de 1789 se font entendre très discrètement, constituent le décor où évoluent les libertins, les couples incestueux, les couples férus de satanisme qui sacrifient à leur croyance des nourrissons, les couples férus de chirurgie qui s'essayent à cette médecine sur des innocences à peine nées. Mais Tirésias, le bel hermaphrodite, bouleverse Marguerite qui s'éprend violemment de lui, qui joint enfin aux plaisirs de la chair celui du coeur terrassé par une telle beauté:" Pour la seule fois de ma vie, j'éprouvai que les voluptés de l'âme peuvent se joindre à celles du ventre, que l'extase qui soulève le bienheureux répond à celle de l'entrecuisse, que tout ce qui dans le coeur s'élance vers l'autre était fil d'Ariane jusqu'à cette brûlante amande que suçait Tirésias."

La langue de Gabrielle Wittkop est superbe d'élégance sans raffinement précieux, précise sans  aucune complaisance. Elle suggère, plutôt, conférant à son récit une très grande force qui ne nous laisse pas indemne. On reste effarée devant l'étendue de la perversité humaine mais encore une fois, on ne saurait lire un tel livre avec une intention moralisatrice.


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