C'est curieux comme les mots paraissent une nécessité, une consolation, en même temps qu'ils sont une faute, un égarement, une source d'incompréhension. Je suis ébahi et consterné devant l'aisance oratoire, devant ces bouches pleines d'elles-mêmes, ces voix qui portent, qui proclament haut et fort leur appartenance à la réalité: je veux dire à l'autorité. Bien sûr, des abîmes s'ouvrent devant ce vaste bruit trop bien ordonné, et je n'en crois pas un mot. Je crois au balbutiement, à la parole déchiquetée dans ses ronces et sa broussaille. Je crois en une vérité totale et absolue, et parfaitement inexprimable.
Frédéric Pajak, Manifeste incertain, I (Noir sur Blanc, 2012)