Julien Salaud, Les pièges à rêves, 2012 Papillon nocturnes naturalisés, tambours à broder, coton, perles de rocaille, colle, Dimensions variables, Courtesy Suzanne Tarasieve Paris
Une épidémie de naturalistes semble avoir surgi ces dernières années dans l’art contemporain. En effet, de jeunes artistes utilisent l’animal empaillé pour créer des œuvres d’une très grande poésie. Je place dans cette même catégorie une artiste dont je vous ai déjà parlé ici, Claire Morgan.
Aujourd’hui il s’agit d’évoquer l’artiste Julien Salaud que j’ai découvert lors de la réouverture du Palais de Tokyo en avril 2012.
Habituellement taxidermiste, voire entomologiste, Julien Salaud a cette fois délaissé l’animal empaillé. Ce dernier n’était pas présent dans sa chair mais dans sa forme. L’artiste a créé un réseau de fils blancs à l’aide de clous afin d’obtenir des silhouettes de biches et d’autres cervidés. Cette grotte stellaire recouvrait, et recouvre encore aujourd’hui, la majeure partie de la salle Alice Guy dans les sous-sols du Palais de Tokyo. L’espace est totalement plongé dans l’obscurité à l’exception de fils blancs éclairés par une lumière aux ultra-violets. Effet enivrant et planant assuré. Je vous conseille d’écouter l’interview de l’artiste faite au moment de la création de cette œuvre.
Dans le monde onirique de Julien Salaud, la biche, le daim, le faon et le cerf tiennent une place primordiale. Je perçois cette récurrence du sujet un peu comme une façon de célébrer la nature dans un monde où l’on n’a de cesse de la faire reculer et de la maitriser. Néanmoins, cette faune semble ici bien docile, et pour cause ces animaux sont tous morts depuis longtemps. Par conséquent, ils se laissent recouvrir de perles et de fils par l’artiste à l’image de ces papillons prisonniers de tambours à broder. Quelle délicatesse et quelle impression de légèreté!
Pourtant un certain malaise demeure car, que nous dit ce type d’œuvres? Des oiseaux empaillés incrustés de pierres colorées et brillantes… Est-ce une critique de notre façon de traiter les animaux et la nature en général ou est-ce qu’il s’agit de beaux objets réalisés par un habile artisan ? Les deux mon capitaine ! Répondront probablement les défenseurs de l’artiste. Cela est pourtant loin d’être évident et pour ma part la question reste en suspens. Julien Salaud est, seulement pour une partie de son travail, sans doute un artiste-piège au sens où il capte votre attention par la beauté et la grâce de son travail mais laisse une impression d’inachevé car une fois la beauté admirée que reste-il ? J’avoue que je me posais déjà cette question pour Claire Morgan mais parfois il faut laisser mijoter pour mieux comprendre.
La réponse est plus claire dans ses « photonirismes » où Julien Salaud apparait dans sa posture de chercheur d’une sorte d’ethnologie appliquée aux animaux très prometteuse. La violence et la beauté se côtoient dans une explosion plastique fascinante. A quand une véritable exposition monographique hors du marché de l’art, un peu trop tenté par le glamour et donnant une fausse image du travail de l’artiste, pour bien comprendre ce travail?
Je vous laisse découvrir l’ensemble de l’œuvre de cet artiste foisonnant sur son site.