Par Bernard Vassor
UN ENDROIT OU UNE MERE PEUT SANS DANGER Y MENER SA FILLE.
Une des curiosités des Champs-Elysées est « le concert Besselièvre »qui prit la succession du « concert Musard » créé en 1835. Les soirées du vendredi étaient une grande curiosité. La place du Cours de la Reine devint le rendez-vous du monde élégant, un de ces endroits où la mode tient sa cour et où il fallait être vu. Les dames distinguées venaient y étrenner leurs robes nouvelles et leurs chapeaux les plus insolites. La particularités de cet établissement était, dirons-nous....: la rigidité des contrôleurs vis-à-vis du public féminin. Sous leur regard suspicieux, une dame non accompagnée ne pouvait obtenir de passeport d’entrée que si elle présentait au regard du surveillant, une figure donnant toutes les garanties de son honnêteté. La tâche du vigile était des plus délicates, car, rien ne ressemble plus à une honnête femme à une dame qui ne l’est pas, et que les dames du meilleur monde victimes de la mode, imitaient par leur tournure, sans le savoir celles qui ne l'étaient pas, elles, de leur monde.
Dès que l'on apprit que l'endroit attirait les favorites de l'empereur, les irrégulières du demi et du quart-monde s'y précipitèrent en troupeaux. C'est pour cela qu'il lança :"Plus de biches ici !" Mais rien n'y fit, on ne retient pas le courant d'un fleuve avec une petite cuillere. LLes vigiles, plantons, agents des moeurs ne purent empêcher celles qui furent nommées pour l'occasion "Les Musardines", soeurs des Lorettes ou des Lolottes du quartier latin.
Ce fut aussi le rendez-vous des princes, princesses, barons et barones célébrités littéraires artistiques et politiques se réunissant sous les marroniers pour causer sans façon. La politique restait au vestiaire.
Monsieur Charles "de" Besselièvre avait un temps collaboré au "Corsaire", le vrai, celui de 48, Baudelaire et avait dirigé en 1857 la salle Musard de la rue Basse-du-Rempart. Fils d'un marchand de draps, Il n'avait pas plus que moi, droit à une particule. Il avait fait jouer en collaboration avec D'artois, une dizaine de pièces aux Variétés et au Vaudeville dont une avec Roger de Beauvoir. Il avait moyennant 10 000 francs sortis de sa poche fait publier sous son nom des articles vantant la pièce qu'il avait fait jouer la veille. Il se fit le commanditaire de "La Chronique", une feuille royaliste dirigée par l'inéffable Villemessant.
Le coup d'Etat du 2 décembre précipita sa perte et celle du petit marquis.
Emile Goudeau qui fréquentait le concert Besselièvre entendit un jour un air cristalin intitulé "Hydropathen-valse" Goudeau serina tellement ses amis avec cette musique, qu'ils le surnomèrent "L'Hydropathe".
Besszelièvre après avoir dilapidé son héritage, fit faillite, et tomba dans un oubli total. Il est mort à Passy en 1882 dans la plus grande pauvreté semble-t-il.