Le cinéma espagnol est bien loin de se résumer à son Fantastique que vous croisez souvent sur Doorama... En 1998, Julio Medem (L'Ecureuil Rouge) réalisait cette fable fragile, tendance conte moderne et tragique, tout empli de poésie et d'espoirs. Les Amants du Cercle Polaire est un de ces jolis films, à l'ambiance très travaillée, au climat délicat, qui enveloppe les rêveurs et les amoureux. Le voyage commence en Espagne...
Le monde immuable et prévisible que les enfants attendent, leur vision de l'amour éternel, s'accommode mal des réalités du monde adulte. A l'âge de huit ans, Otto souffre de la séparation de ses parents. Pour Ana, la séparation entre son père et sa mère est encore plus "définitive", la mort de son papa ayant laissé un trou béant. Lorsqu'ils se rencontrent c'est presque une évidence, Otto et Ana se comprennent, même sans parler, ils vivent dans ce même univers que les parents aperçoivent à peine, avec des problèmes qu'ils ne comprennent pas Ce sont ces deux mondes que confronte et oppose Julio Medem pour l'enfance de ses personnages, il installe une double univers qu'il remplace progressivement, quand Otto et Ana grandissent par une double réalité, par une perception différente qu'ils ont chacun du monde et de leurs sentiments. Dans Les Amants du Cercle Polaire, ce sont ces décalages qui vont déboucher sur une suite de rendez-vous manqués qui vont à la fois nourrir et perturber leur belle histoire d'amour.
A La manière de Roméo et Juliette, Les Amants du Cercle Polaire raconte aussi une histoire d'amour tragique, à la différence que ce n'est pas la famille qui va directement empêcher le déroulement de leur amour, mais les traces involontaires qu'elles impriment chez Otto et Ana jeunes. Julio Medem embarque son histoire d'amour, poétique, pure et nostalgique, dans une société de familles décomposées puis recomposées. Il confronte l'éternité de l'amour chez les enfants aux réalités, bien différentes. Construit comme un jeu de miroirs, Les Amants du Cercle Polaire alterne le monde vu par Otto avec le monde vu par Ana, donnant à voir au spectateur chaque moment clé de leur longue histoire sous deux angles différents, et de ce fait deux perceptions divergentes, deux sensibilités, deux lectures de celle-ci. Successivement par les yeux d'Ana, puis ceux de Otto, Les Amants du Cercle Polaire met à nu les blessures intérieures de chacun et leurs répercussions immédiates sur leur construction personnelle et leur vie. Très joliment mis en image (et en musique), par touches et points de vue successifs, Les Amants du Cercle Polaire expose la fragilité des personnages, la fragilité des sentiments et semble démontrer au spectateur que l'on passe à coté du bonheur à chaque instant, tout près, mais qu'un simple détail peut vous en éloigner... Dans cette fragilité des choses et des destins, se concentre toute la beauté du film de Medem. Otto et Ana se raccrochent à leurs rêves d'enfants et d'amour éternel, pour tenter de récupérer ce dont ils ont été privés, détournés ou simplement distraits, par des éléments extérieurs (décès, séparation, etc...).
Délicat, poétique et rêveur, traversé d'un humour discret et de beaux moments d'émotion, Les Amants du Cercle Polaire, avec ses couleurs froides et son déroulement fragmenté des points de vue alternés de Otto et Ana, sème ses détails et ses souvenirs tout au long de son déroulement, comme un Petit Poucet ses cailloux. Sa piste mènera ses amants séparés jusqu'au Cercle Polaire qu'ils idéalisaient lorsqu'ils étaient enfants, en Finlande, mais empruntant pourtant le même chemin, ils se croiseront régulièrement sans jamais se voir. Les Amants du Cercle Polaire place le spectateur en témoins impuissant d'un ratage amoureux, lui seul à tous les éléments pour réunir les amoureux. Volontairement baigné d'une certaine naïveté, le film rappelle étrangement un des rendez-vous de l'enfance... Souvenez-vous de Guignol qui ne vous entendait pas crier "le gendarme derrière toi !". De la plus belle des manières qui soit, les Amants du Cercle Polaire, vous replonge dans cette implication totale avec ce que vous avez sous les yeux. En mêlant habillement les sensibilités de l'enfance avec celles des adultes, Julio Medem vous emporte dans une fable contemporaine idéaliste et psychologique, grandement poétique et tragique, dans un récit à cheval entre deux monde. Comme si la violence du monde adulte s'invitait dans celui de l'enfance, et qu'en retour la pureté et la simplicité tentait de guérir les maux des adultes, Les Amants du Cercle Polaire vous offre sa parenthèse enchantée... Triste, émouvant, mais aussi plein d'espoir, sa jolie fable comme sa réalisation élégante offre un bien élégant moment de beauté et de délicatesse. Un poil maniéré et très stylisé (sur-stylisé ?), l'émotion et l'amertume qu'il fait naître font un bien fou ! Les Amants du Cercle Polaire, n'est certainement pas exempt de défauts, mais qu'est ce que c'est beau...
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