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[Critique] L’ODYSSÉE DE PI

Par Onrembobine @OnRembobinefr
[Critique] L’ODYSSÉE DE PI

Titre original : Life of Pi

Note:

★
★
★
★
½

Origine : États-Unis
Réalisateur : Ang Lee
Distribution : Suraj Sharma, Irrfan Khan, Adil Hussain, Tabu, Ayush Tandon, Gautam Belur, Rafe Spall, Ayaan Khan, Elie Alouf, Mohd. Abbas Khaleeli, Vibish Sivakumar, Gérard Depardieu…
Genre : Aventure/Drame/Adaptation
Date de sortie : 19 décembre 2012

Le Pitch :
Pi Patel, 17 ans, vit depuis toujours à Pondichéry en Inde, avec son frère et ses parents, tenanciers d’un grand zoo. Une existence paisible dédiée en grande partie à l’apprentissage des différentes religions, qui fascinent Pi. Jusqu’au jour où son père décide de partir pour le Canada afin de débuter une nouvelle vie. En cours de route, alors que la famille Patel voyage sur un gigantesque cargo, avec tous les animaux du zoo, une tempête provoque le naufrage de l’embarcation. Apparemment seul survivant de la catastrophe, Pi se retrouve sur un canot de sauvetage en plein océan Pacifique, en compagnie de quelques animaux rescapés, dont un tigre du Bengale…

La Critique :
Il ne faut pas se fier aux apparences. Le dernier film du réalisateur Ang Lee, adapté du livre de Yann Martel ne traite pas uniquement de la cohabitation périlleuse entre un jeune homme et un tigre, sur une petite embarcation, en plein milieu de l’océan. Tout comme il ne faut pas avoir de crainte quant à la crédibilité d’une telle situation. Une situation qui découle d’une succession de péripéties et qui ne déboule pas d’un seul coup sans crier gare. Qui verra le film comprendra et inutile de trop en dévoiler ici. Ce qu’il faut savoir, c’est qu’un abandon total au talent de conteur d’Ang Lee est indispensable pour saisir l’essence profonde de ce magnifique film, beaucoup plus complexe et dense qu’il n’en a l’air. Sauf si vous avez lu le bouquin, il y a peu de chance que vous ne soyez pas surpris au fil des minutes, par la tournure que prend cette curieuse épopée chargée en questions et en poésie.

C’est après une introduction qui prend son temps (dans le bon sens), que le héros, le dénommé Pi, se retrouve coincé avec Richard Parker, le tigre. Une sorte de prologue indispensable, qui pose les bases du protagoniste principal. Dès le début, quand la caméra se promène parmi les animaux du zoo et dans les rues de Pondichery, suivant cet étrange petit garçon fasciné par Dieu, le film happe le spectateur dans une dimension spirituelle, qui jamais au grand jamais ne tombe dans la caricature bigote. L’Odyssée de Pi est ainsi une brillante et on ne peut plus riche allégorie de la religion, où un homme se cherche dans le regard d’un Dieu omniprésent.
La volonté d’Ang Lee, d’embrasser avec autant de bravoure et de dévotion, un récit qui tourne principalement autour des religions, à notre époque, où celles-ci sont souvent l’objet d’un fanatisme aveugle ou à l’inverse, d’un rejet en bloc, traduit un courage admirable.
Très casse-gueule, le récit prend pour héros un personnage qui adopte à la foi les us et coutumes de plusieurs cultes, lui permettant, contre vents et marées (et contre l’avis de son père), d’entrevoir avec ce qui semble être une perspicacité accrue, le monde qui l’entoure.
Quand il se retrouve sur les flots, confronté au danger que représentent le manque de nourriture, d’eau et la présence du tigre, le jeune garçon interroge sa foi. Les moyens sont légions comme le précise Pi en début de film, mais la finalité et le Dieu auquel il s’adresse sont les mêmes.

Franchement atypique, L’Odyssée de Pi ne donne aucune leçon à personne, mais s’avère être une merveille leçon de courage. Il ne ressemble à pas grand chose de connu, ce qui représente en soi, déjà un exploit notable. Plutôt que de multiplier les clichés inhérents aux films où la religion tient un rôle central, Ang Lee préfère exprimer celle-ci via les évènements qui jalonnent l’aventure de son héros et la relation que ce dernier entretient avec son camarade félin. Utilisant la foi comme le moteur d’un instinct de survie indéfectible.
Concernant le tigre justement, nommé comme un humain (Richard Parker), le film, là non plus, ne choisit pas d’illustrer une relation humain/animal à l’américaine, comme souvent. Un choix louable, qui se pose néanmoins comme étant à la source du caractère un poil déconcertant de l’entreprise.
Certaines séquences, où le tigre et Pi tentent de s’apprivoiser mutuellement, relèvent du génie absolu, tant elles dégagent une émotion dont il est difficile de se défaire, y-compris une fois le film terminé. Mais, à d’autres reprises, la distance entre l’homme et l’animal est rappelée à l’ordre. Chacun tient son rôle, a son territoire propre et ne se rapproche de l’autre, physiquement parlant, qu’à une petite demi-heure de la fin (et là encore c’est terrible d’un point de vue émotif). De plus, la question de la captivité du tigre et plus largement de tous les animaux du zoo, n’est jamais vraiment abordée, plaçant implicitement l’homme encore et toujours sur un niveau supérieur, par rapport à l’animal. Un choix qui rend la relation entre Pi et Richard Parker plus réaliste que prévue, étrangement opposée à certains partis-pris visuels et narratifs, très oniriques et métaphysiques.

Quoi qu’il en soit, L’Odyssée de Pi est peut-être avant tout un chef-d’œuvre visuel. Extrêmement spectaculaire, basé sur une 3D qui demeure parmi les plus réussies et pertinentes que l’on ait pu voir depuis l’invention du processus, le long-métrage s’apparente à une toile de maître  Les tonalités des couleurs de la nature s’entremêlent dans un ensemble qui atteint parfois un tel niveau de féerie  que les images à elles seules suffisent à vous coller une boule grosse comme un ballon de basket dans la gorge. La bande-annonce ne représentant que la face visible de l’iceberg, l’éblouissement est total.

Ang Lee signe ici son meilleur film, démontrant d’une maitrise totale d’un point de vue technique et narratif. Seules les voies empruntées par le réalisateur et son récit peuvent déconcerter, mais impossible de ne pas saluer le courage du cinéaste. Les comédiens, pour leur part, servent remarquablement le film, à commencer par la révélation ultime, Suraj Sharma, dont on espère entendre parler très prochainement à l’occasion d’autres productions.
Ambitieux, L’Odyssée de Pi marque en profondeur la rétine et la psychée. Et ce malgré une fin qui ne surprend pas forcement dans le bon sens. C’est à chacun de voir, mais une chose est sûre, ce serait vraiment dommage de passer à côté de cette œuvre à la personnalité tellement affirmée que cela en devient troublant.

@ Gilles Rolland

[Critique] L’ODYSSÉE DE PI

Crédits photos : 20th Century Fox France


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