Les droits de l’homme

On les lit sur toutes les lèvres et ces quatre mots sont à la mode. Leur puissante symbolique est utilisée partout, brandie au secours des conflits éthiques, nouvelle garantie et nouvelle caution magique de la politique. On les élève et ils nous font taire. Rappelons en effet que dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, ils étaient proclamés sacrés. Il y a du divin dans l’homme…

Mais on en use et abuse tant, qu’on est lassé, et même fort désintéressé de les entendre rappelés sans cesse, à tout propos, sans doute à tort et à travers, vidés de leur sens et privés d’un contenu clair. Que nous disent-ils précisément ?

Ils nous rappellent que pour régler la plupart des questions de société, et même pour légiférer en toute légitimité, nous avons besoin d’une référence, d’un modèle ou d’une idée. On ne débat pas autour de l’euthanasie ou de la rétention de sûreté sans s’adosser à des exigences soufflées par une idée, invisible et résistante – celle d’humanité.

Celui qui est convaincu qu’on ne peut pas juger quelqu’un pour ce qu’il pourrait faire, ou qu’on n’a pas le droit de laisser souffrir en vain, s’appuie sur un modèle d’humanité. Oui, même le plus relativiste est toujours un idéaliste. Du fond de nos convictions, on ne débat jamais sans idéal. On ne se passe pas de cette idée pour juger.

On a donc une idée d’homme qui nous sert de norme. Ce qui signifie qu’elle est antérieure au droit et qu’elle le fonde. Le droit n’est donc pas complètement inventé, mais est conforme à quelque chose de déjà là. Est juste ce qui lui est conforme. Mais quelle est cette idée, où trouve-t-on cette nature ? Evidemment, elle est invisible, inobservable, constatée nulle part. Il n’y a pas plus différent, plus variable, plus évolutif qu’un homme. Partout, les hommes divergent et se distinguent.

Cette nature n’est que pensable – ce qui ne veut pas dire qu’elle n’existe pas. C’est comme le temps, ou l’espace, ou l’univers. Ce sont des notions abstraites et réelles. Ne criez pas qu’elle n’est nulle part. Sans pouvoir être donnée, elle peut être pensée : liberté, égalité, dignité, tout cela peut être justifié.