Big Boi « Vicious Lies and Dangerous Rumors » [Deluxe Edition] @@@@
Même quand il est question d’un album solo d’un membres des Outkast, c’est toujours la même question qui revient: qu’est-ce qu’on va découvrir dans ce nouvel album? Jusqu’où va-t-il nous emmener? Le sujet, Big Boi, avec son troisième opus Vicious Lies and Dangerous Rumors. Les gens n’étaient pas prêts.
Sans trop nous faire languir par une brève introduction (« Ascending« ), Big Boi est rejoint par le crooner Sleepy Brown sur « The Thickets« , un titre résolument contemporain qui adopte l’idée du flashback en samplant la voix de K-Ci des Jodeci. Sampler les années 90 n’a plus rien d’étrange ces temps-ci, cette tendance se démocratise doucement donc quelque part Boi confirme le caractère post-moderne sa sa musique rap. Puis Jodeci, c’est la grande classe. Il nous entraîne ensuite sur « Apple of my Eye« , un morceau un brin pop produit par le fidèle Mr DJ (actif depuis Aquemini). Comme à son habitude, Big Boi aime beaucoup jouer sur les métaphores et sur ce morceau, il est question d’être tenté par les stimulis visuels que provoque une femme.
Et là, arrive « Objectum Sexuality » et son plasma électronique qui peut chez certains sujets provoquer une addiction comme une pluie de questions sur le pourquoi du comment Big Boi s’est subitement attaché à l’électro. En prenant du recul, on observe que ce crossover est une des trois collaborations avec le duo indie-rock electro Phantogram, et qu’il existe trois autres chansons sur la version deluxe avec les scandinaves de Little Dragon (qui aurait dû être quatre si on considère le fait que la version originale de « Mama Told Me » devait se produire avec eux et non pas Kelly Rowland). Que ce soit en une ou plusieurs écoutes, « CPU« , autre incartade électro efficace, et « Lines » featuring ASAP Rocky démontrent que le travail commun avec Phantogram méritait d’être expérimenté, la question des goûts de chacun tranchera les avis. Concernant Little Dragon, le voix de leur meneuse fait merveille sur « Thom Pettie » et « Ascending« , surtout sur « Thom Pettie » feat Killer Mike (il fallait qu’il soit présent sur un disque de Big Boi!) qui avait besoin d’un quelque chose de supplémentaire pour compléter sa rythmique minimaliste et son refrain à base de grosse voix passée au ralenti.
Sans doute que beaucoup seront agacés par les refrains pop des quelques pistes concernées et c’est tout à fait compréhensible. Des deux Outkast, Big Boi était la moitié rap sudiste, le représentant d’ATL qui renouvelait sans cesse le genre. Ce qu’il ne manque pas de faire sur »In The A » en compagnie des poids lourds multi-platines T.I. et Ludacris. Cette bombe trap muzik vaut bien aisément un « General Patton« . Mais pour en revenir à cette approche stylistique orientée pop et électro, il est normal que tout le monde n’appréciera pas la tournure des choses ou comprendra ces choix. Il est clair que la connexion avec Kid Cudi, « She Hates Me« , et « Tremendous Damage » sonnent trop ‘commercial’ pour quelqu’un comme Big Boi qui n’a clairement pas besoin de tomber dans ce format. Quand Andre3000 chantait le tube radio « Hey Ya« , cela restait du Outkast avant tout, c’est nettement moins évident sur Vicious Lies and Dangerous Rumors, ce qui peut expliquer pourquoi une partie des fans pourront se sentiront déboussolés et grinceront des dents. Mais la philosophie des Outkast n’est-elle pas d’explorer des voies nouvelles à chaque album?
Rien n’est perdu pourtant, quand on ouvre finement l’oreille et que l’on connaît la discographie des Outkast jusqu’au bout de la cochlée, on décèle ces éléments en filigrane solidement rattachés à la nature du groupe, que ce soit des instruments, des mélodies, des gimmicks,… un tas de petites molécules qui s’associent à la nature musicale du groupe. Une fois les repères de disposés, on en revient à apprécier ce qui nous paraissait par moment difficile à cerner (pas tout non plus) et on prend son pied à suivre le flow ultra-rapide de Big Boi sur « Shoes For Running« , avec une bonne prestation de B.o.B., et « Raspberries » (feat Scar & Mouche), un OVNI comme seul les membres de Outkast savent confectionner. Heureusement que le flow de Big Boi est toujours novateur et la touche de funk qu’il affectionne se présente sur le single « Mama Told Me » ou encore le low-tempo mélancolique « Descending« , avec sa batterie funkturistique.
La version deluxe de Vicious Lies & Dangerous Rumors est recommandée, d’abord si vous êtes fans de Big Boi. Les trois morceaux supplémentaires pourront combler cette frustration de ne pas avoir eu affaire à un album plus typique d’un membre des Outkast. « Higher Res » transite parfaitement avec « Descending« , il a suffi de garder une rythmique funk signée Jai Maul en augmentant les BPM tout en conservant les Little Dragon. « Gossip« , produit par les légendaires Organized Noise, a ceci d’important que Big Boi collabore avec les UGK (Pimp C a été ressuscité pour cet épisode), le groupe qui a fortement influencé les Outkast à leurs débuts. La relève Big K.R.I.T. participe également dessus. Il fallait aussi posséder le single érotique « She Said OK« , le titre arrive en dernière position, pour un ‘sexytime’ langoureux s’achevant sur un solo de guitare bien fiévreux.