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Autoportrait au Revolver de Marie-Christine Bernard

Par Venise19 @VeniseLandry
Autoportrait au Revolver de Marie-Christine BernardVoici un roman particulièrement construit, pour ainsi dire comme un recueil de nouvelles où les personnages auraient des liens par leur état d’âme, ou de lieu, ou de sang. Je vais nommer un à un les personnages, en espérant qu’ils répondent « présent ». Es-tu là, June ? Présente dans la tête de Ringo, je serai toujours là. Toujours.
Es-tu là, Jude ? « Oui, je suis là, surtout là quand je m’installe devant une toile en écoutant de la musique. Je ressemble à un adulte accompli quand je peins, sinon, je ne sais pas trop quoi faire de mon corps. Il ne m’écoute pas. 
Es-tu là, Ringo ? Mon corps est là mais mon esprit envolé dans les tréfonds de ma mémoire qui me torture de ses souvenirs. Mon esprit est plus usé que mon vieux corps.
Es-tu là, June ? Présente dans la tête de Ringo, je serai toujours là. Toujours.
Es-tu là, Nathalie ? Ma mère, June disparue, est-ce mon devoir de disparaitre aussi ? Dans cette famille, on se lèguerait les absences de mère en fille. C’est Jude, mon fils, qui en souffre. Il s’invente des voix.
Es-tu là, Angélique ? Oui ! Avec joie en plus. Mon corps prend tant de place que mon esprit s’efface. Je ne sais pas m’affirmer autrement qu’en donnant. Trop. Comme je donne trop de chair sur mes os.
Es-tu là, Keith ? Oui, il le faut bien, si je veux manipuler les esprits les plus absents, comme celui d’Angélique avec qui je m’amuse comme un diable.
Es-tu là, Joseph ? Oui, je suis la sentinelle de la sagesse. Je ne parle pas, je vois et j’écoute.
* * *
Excusez cette mystérieuse entrée en matière, elle devait sortir de moi, faut-il croire.
Plusieurs de ces personnages vivent dans une résidence de personnes en perte d’autonomie. Ringo y est pour son absence au présent, et trop de présence au passé. Officiellement, ça s’appelle de l’alzheimer. Tandis qu’Angélique, affublée d’une sévère obésité, donne son temps, probablement parce qu’elle juge qu’il ne vaut pas un salaire. Keith y est infirmier et s’ennuie. Pour s’occuper, il joue méchamment avec la crédulité, et celle d’Angélique le comble. Jude, l’enfant fou, y vient régulièrement pour visiter son grand-père. Jude est beau, Angélique l’a remarqué plus que les autres. Joseph est un fantôme de concierge. Il n’est pas très ancré dans le physique, il a le don d’entendre ce qui ne se prononce pas. C’est un vieil Amérindien.
June et Nathalie, les mères absentes entrent dans cette résidence en passant par les têtes de ceux qui pensent à elles.
* * *
Je prends beaucoup d’espace et de temps avant d’aboutir à mon opinion sur ce roman, peut-être parce que j’ai raté plusieurs rencontres. Comment expliquer pourquoi je n’ai pas accroché à Ringo et à son histoire qui enferme celles de June et de Nathalie.  Les péripéties de cette équipée de chanteurs western m’ont laissée indifférente, je n’avais de cesse de réclamer à l’auteure qu’elle revienne à Angélique.
Angélique vaut un roman à elle toute seule. Ce personnage prend de la place et mérite cette place. À mes yeux, elle est devenue trop captivante, comparativement aux autres. Tout ce qu’Angélique approchait, touchait, me captivait au plus haut point. Elle ne s’aime pas du tout, dans le sens de ne même pas s'accorder le respect, et dans quels bas fonds une personne peut descendre pour recevoir de l’amour ? Devenir une bête consentante entre les mains de bêtes malfaisantes ? L'intensité de cette histoire a volé la vedette à toutes les autres, c’est tout ce que je peux dire. Il faut peut-être rajouter que cette histoire se vit dans le moment présent.
Je me suis rabattue, et repue, du style de Marie-Christine Bernard, avec ses courants d'accents poétiques, pendant les moments où je peinais à me concentrer sur les aléas de certains personnages. L’entrée en matière de quelques pages, en italique, est fabuleuse. L’auteur met la table pour l’histoire, comme le conteur aguiche son assistance, en nous aiguillant sur une possible histoire d'amour. 

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