"Alors, c'était bien naze ton film ?" (le coloc)
En quête de légitimité après que Matt Damon et Paul Greengrass jetèrent l'éponge, cet opus n'a pour ainsi dire pas de raisons d'être, ne gardant de Bourne que son mugshot vu subrepticement dans quelques plans. Apprêté par Tony Gilroy, scénariste de la trilogie originelle se croyant aussi professeur en géopolitique (Michael Clayton, L'échange, State of Play), ce nouveau récit se base sur l'univers étendu créé par Robert Ludlum, écrivain et créateur du personnage, décédé en 2001 : chez Universal, on prend ce qu'on a sous la main.
Un premier plan semble entamer le film là où se terminait le précédent : la silhouette d'un homme, immergé dans l'eau, les bras en croix. Tout au long du récit, c'est à ce schéma de la passation de drapeau qu'on assiste, en retrouvant dans les grandes lignes les thématiques des films précédents, l'amnésie en moins. Précédemment, le personnage de Jason Bourne avançait et se construisait, tout comme le spectateur, au gré de ses découvertes, créant un lien quasiment indéfectible entre les deux qui aura tenu bon le temps de trois films. En repartant sur de nouvelles bases avec Jeremy Renner, le personnage que l'on découvre a le mérite de savoir qui il est et d'où il vient, mais pas ce qu'il devient, soit le nouveau point de départ d'une quête prétexte.
Rachel Weisz dans The Bourne Legacy : s'égosiller, pleurer, courir.
De l'hérésie d'engager une actrice pareille pour ce type de boulot.
Si l'acteur a l'occasion de montrer de quoi il est capable, c'est une fois de plus au détriment des scènes d'actions, rendu illisibles par leur montage et leur décadrage constant : le comble, quand on réalise comme Paul Greengrass et son montage cut ont à ce point influencé le film d'action de ces dernières années, sur une technique similaire, jusqu'à l'abstrait. Peut-être plus grave, le film partage une unité narrative avec le troisième épisode (La Vengeance dans la peau - 2007), qui lui-même raccrochait les wagons avec le deuxième épisode en son temps. Une façon comme une autre pour Tony Gilroy de s'envelopper de la petite mythologie restante, et de placer plus facilement son film en zone de tempête quand les cadavres s'amoncellent autour de Jeremy Renner. Pourtant, de spectaculairement embarrassant dans ces premiers temps (45 minutes quand même), le film finit par prendre une routine de série B qui lui sied mieux par la suite. Le tout, évidemment emballé dans cette espèce d'urgence mêlant services de renseignements (téléphones, écrans, jargon obscur) et embrouilles politiques qu'on nous agite sous les yeux, alors que ce n'est de toutes façons plus le sujet du film, lequel s'embourbe et nous sort un bad guy de dessous les fagots une demie-heure avant le générique de fin.
Essayant de faire illusion en s'agitant avec beaucoup de conviction, alors que sont assénés toutes les 5 minutes les noms de 'Bourne' 'Blackbriar' et 'Treadstone', le film ne s'encombre plus d'expliciter quoi que ce soit pour sa fidèle audience. Il faudra se contenter des efforts de Jeremy Renner et de Rachel Weisz pour nous tirer du sommeil. L'actrice, scandaleusement sous-exploitée, avait d'ailleurs évité ce type de rôles depuis quelques années ; il faut croire que l'appel d'une nouvelle franchise semble conserver ses attraits, quand bien même il en prend des atours bien communs. Pour une fois, la sentence est claire et le film ne semble même pas vouloir se cacher de faire simple : proposer une variante d'aventure déjà connue, et terminer avec les points de suspension de rigueur pour s'ouvrir la voie une prochaine fois. Les Jack Ryan, Jack Reacher et autres licences similaires à l'horizon devraient en profiter pour se remettre rapidement en question, et s'inquiéter de proposer un contenu original et surtout inédit.