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La négritude de Prague vue par Enrique Vila-Matas

Par Christian Tortel

Lu un extrait du dernier Enrique Vila-Matas, Explorateurs de l’abîme, un recueil de nouvelles qui vient de sortir chez Christian Bourgois (l’auteur barcelonnais sera à Paris le 17 avril pour rencontrer ses lecteurs).

Voici un extrait de l’extrait. Ça commence comme un haïku de Maxence Fermine [Papalagui, 01/04/08], un haïku tronqué, mais dont l’effet est tout aussi beau, bien qu’il soit faux, nous explique le narrateur :

Obscure la noirceur / du marbre dans la neige.

J’ai parlé à l’ami qui était avec moi de mon lien très mince et étrange avec Vladimir Holan : deux vers inventés non par caprice, mais parce que j’avais besoin d’une citation parlant du contraste entre le blanc et le noir et je ne l’avais trouvée dans aucun livre. Au fur et à mesure que nous marchions dans le quartier de Malá Strana, je me remémorais ce chapitre sur Prague de mon vieux livre et j’ai raconté à mon ami comment, à l’aide de faux vers de Holan que j’y avais inclus, j’avais transféré dans cette ville ma passion de l’époque pour la négritude. J’avais spéculé dans mon chapitre sur une Prague blanche et enneigée faisant clairement contraste avec la présence de la négritude dans ses rues, ses bars et ses cabarets. Je me demandais pourquoi je l’avais fait et je ne savais pas moi-même très bien me l’expliquer. « Je cherchais la discordance, surtout le contraste », ai-je conclu en hésitant et en ayant presque honte de la simplicité de ma recherche. « Blanc et noir », a-t-il dit, lui aussi en parlant simplement comme s’il voulait se mettre à mon niveau. Tant de simplicité était presque inquiétant. Même si je ne le lui ai pas dit, le blanc et le noir étaient en fin de compte l’un des dilemmes simples et éternels de ma vie. C’est que je suis simple, simple comme bonjour. Aux échecs, par exemple, j’ai toujours joué avec les pièces noires. Si on me propose les blanches, je me volatilise, disparais ; sans aucune acrimonie, je m’en vais en essayant de dissimuler ma légère stupeur. Le blanc !

Le blanc et le noir ont toujours été l’un de mes éternels dilemmes. Mais pourquoi l’avais-je, dans ma jeunesse, déplacé à Prague, ville où, en plus, je n’étais jamais allé ?


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