Le meilleur film de Christopher Nolan à ce jour, et c'est pas peu dire.
Fondé sur une structure narrative au départ apparemment alambiquée et inutilement nébuleuse, ce jeu de flashbacks et de flashforwards, d'avants et d'arrières, ne devrait pas surprendre ceux qui ont vu et estimé l'impact formel de MEMENTO (des plus déstabilisants) et de BATMAN BEGINS (du moins dans sa première heure, le reste étant beaucoup plus linéaire) et, surtout, se révèle infiniment judicieux au fur et à mesure que l'on progresse dans le récit et que l'on est amené à penser des événements qui se déroulent tout en en connaissant les conséquences à venir et leurs ancrages passés.
Porté par un casting simplement monstrueux (les seconds rôles sont tous stupéfiants), notamment les deux têtes d'affiche, surprenantes d'humilité dans leur jeu et dont le poids qu'elles acquièrent au fil de l'œuvre révèle une force ainsi qu'une malice iconique (on est quand même devant Batman et Wolverine) particulièrement jouissives, LE PRESTIGE joue constamment sur la thématique du chiffre 2, du double, de la dualité – à croire que Nolan poursuit une quête thématique après BATMAN BEGINS – et n'hésite pas à renverser et renverser encore les statuts et les rôles tout le long du film. Rien n'est tout blanc ou noir, et aucun n'est plus gentil ou moins méchant. Les deux hommes se renvoient constamment la balle au sein d'un jeu fascinant de respect, d'envie, de compétition et de vanité.
Ancré dans un contexte au charme scénique
irréprochable (l'atmosphère légèrement fantastique d'une époque charnière – l'année 1899 n'est pas anodine – qui abandonne les croyances
païennes au profit d'une foi sans borne en la science et, notamment, l'électricité), LE PRESTIGE est un formidable tour de passe-passe au sein d'un
univers de spectacularisation, où les magiciens sont les stars du rock d'aujourd'hui et les vitrines de l'art populaire par excellence, par
encore éclipsées par un cinéma naissant.
Outre sa réalisation intrinsèque inspirée, ses acteurs
passionnants et son récit fabuleux, LE PRESTIGE réussit l'exploit de se construire comme un long et entier tour de magie. Retenez bien le tout premier plan et les tous premiers mots qui ouvrent l'œuvre. « Avez-vous bien regardé ? » Car lorsque le
dernier acte du film, qui aura suivi tout un processus de dupes (mais jamais de tromperie) révélera le Prestige, le lever de rideau vous aura depuis bien longtemps époustouflé !
LE PRESTIGE est au final est pur jeu cinématographique qui nous modèle une réalité pour mieux nous la remodeler au fil de l’enchaînement des plans dans une jubilatoire optique mystificatrice. Ca faisait longtemps que je n’avais pas été aussi friand de me prendre à un jeu aussi intelligent, complexe et obsessif. Du très grand cinéma de divertissement – que dis-je ? – de « spectacularisation » !
Ma note (sur 5) :
4,5
Lire aussi : l'article de Vance lors de sa sortie ciné.
Titre original
The Prestige
Mise en scène
Christopher Nolan
Genre
Duel fantastique
Production
Syncopy & Touchstone, distribué en France par Warner Bros.
Date de sortie France
15 novembre 2006
Scénario
Christopher & Jonathan Nolan d’après le roman de Christopher Priest
Distribution
Hugh Jackman, Christian Bale, Michael Caine, David Bowie & Scarlett Johansson
Durée
128 min
Musique
David Julyan
Support
Blu-ray Warner 2007 region B
Image
2.35:1 ; 16/9
Son
VOst DD 5.1
Synopsis : Au début du XXe siècle, à Londres, deux jeunes illusionnistes se retrouvent adversaires et concurrents à la suite du décès tragique de la femme de l’un d’entre eux. Dans ce monde fondé sur le spectacle et le secret, poussés par une obsession de plus en plus vive, ils vont chacun leur tour tenter de dérober les trouvailles de l’autre, jusqu’à ce que l’un d’entre eux y perde la vie et que l’autre risque la pendaison.