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Yossi sans Jagger

Par Mickabenda @judaicine
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À l’occasion de la sortie de son film Yossi en France, Etan Fox revient sur les motivations qui l’ont poussé dans cette nouvelle réalisation…

Le film est une étude de caractère, une étude de l’esprit et de l’âme de Yossi. Au commencement du film, il est toujours en proie au traumatisme et au désarroi causés par la mort de son amant sur le champ de bataille, 10 ans plus tôt.

Aujourd’hui, il est cardiologue, reconnu par ses pairs, mais il n’arrive pas à tourner la page : il est resté au front dans une guerre contre lui-même.
Le film parle de la façon dont Yossi finit par faire face, du combat qu’il mène pour aller de l’avant. Il découvre alors une nouvelle manière de se définir lui-même et la possibilité de commencer une nouvelle vie.

Je ne veux manquer de respect à aucun des autres acteurs avec qui j’ai travaillé, mais je pense que je n’ai jamais autant aimé un personnage que celui de Yossi tel que l’incarne Ohad. Je suis tellement fier de ce que nous avons accompli en tant qu’acteur et réalisateur. Quand je suis arrivé au montage, j’ai découvert des choses que faisait Yossi que je n’avais pas vue sur le tournage.

En fait, la première séquence que nous avons tournée est celle où, assis dans la salle des fêtes de l’hôtel, il écoute chanter Keren Ann, les yeux mouillés de larmes. Ensuite arrive Oz, qui s’assoie à ses côtés, et l’on comprend qu’il a préféré Yossi à une fête avec ses amis soldats. J’ai dit à Ohad : « Si tu te mets à pleurer autant avant que Tom n’arrive, les gens vont croire que tout est couru d’avance, qu’il n’y a plus de suspense. Ne joue pas autant l’émotion. » J’avais peur qu’il n’y ait plus de suspense quant à l’issue de leur relation et Ohad m’a répondu : « Il ne s’agit pas de Tom. Il s’agit de Yossi, de son passé qui revient à la surface, du deuil qu’il fait enfin. La nouvelle vie qui est en train de naître se fera-t-elle avec Tom ? Peut-être, ce n’est pas encore sûr. » Et nous sommes finalement tombés d’accord.

À la base, ce sont mes étudiants qui m’ont donné l’idée de faire cette suite à Yossi et Jagger. Je fais une master class de cinéma sur le campus de l’Université de New York à Tel-Aviv. À chaque fois, j’utilise mes films comme outils de travail. Quand je montrais Yossi et Jagger, les étudiants me demandaient toujours « Qu’est-il arrivé à Yossi ? Qu’est-il devenu aujourd’hui ? »

Je me suis donc mis à réfléchir à la question, 10 ans après ce premier film, et je me suis rendu compte que tout avait changé. Je me suis demandé si Yossi serait parvenu à s’adapter à ces changements, ce qu’il serait advenu de son identité gay. Il fallait que je le redécouvre. Avec Ohad, après avoir hésité à nous lancer dans ce projet, nous avons pris conscience de la force du lien qui nous unissait à ce personnage. Nous l’imaginions dans un mauvais pas, et nous avons voulu l’aider à en sortir.

Israël a changé. Israël dans laquelle j’ai grandi était un État très militaire, très machiste. Aller à l’armée faisait partie de la vie de chacun ; c’est ce qu’on attendait de vous, devenir un dur. Cela faisait partie de votre éducation, de votre identité. Il n’y avait pas d’alternative. On vous envoyait habituellement dans une unité de combat, comme ça a été le cas pour Yossi, pour Jagger, pour Tom. Il fallait être dur, il fallait être fort, et il fallait être hétéro. La possibilité d’être gay n’était même pas envisagée.

En Israël, aujourd’hui, même l’armée a changé. Il peut maintenant y avoir des officiers ouvertement gays dans l’armée et je crois que Yossi et Jagger a eu un rôle incroyable pour ouvrir l’esprit des gens, pour rendre l’armée plus tolérante. De nombreuses manières, je pense que le film a permis à un personnage comme Tom d’exister et d’être un soldat différent. Il est gay, ne s’en cache pas, et il a une grande confiance en lui. Il fait partie d’un groupe de soldats réellement machos, et il sait se défendre et s’entendre avec eux. Il ne cherche personne en particulier lorsqu’il rencontre Yossi, mais progressivement, les deux personnages se lient.

S’il fallait résumer le film par une phrase, je crois que ce serait : « Il n’est jamais trop tard pour commencer votre vie. » ou « Il n’est jamais trop tard pour repartir de zéro. » On pourrait dire que ce sont des clichés, mais cela demande infiniment de travail que de changer de vie. Il faut d’abord comprendre ce que vous avez besoin de changer, puis faire preuve de courage et travailler à vous aimer vous-même.

Voir notre article sur le film ICI


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