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Les partis ont-ils fait leur temps ?

Par Alaindependant
mercredi 2 janvier 2013

UNE DEMOCRATIE A BOUT DE SOUFFLE

« L’Humanité, que nous voulions ou non, est en marche », dit Christian Maurel.

Et il poursuit : «  Nous avons le plus grand besoin d’une « science politique » bien différente de celle du Siècle des Lumières, ne venant pas, en surplomb, guider des peuples qui ne sont plus aussi ignorants du monde dans lequel ils vivent et de la place qu’ils pourraient y occuper. D’une science politique construite dans une confrontation coopérative des points de vue et des expériences. Et surtout, d’une éducation populaire qui, en nous mettant à l’école de réalités en transformation accélérée, nous conduirait à une meilleure conscience des transformations en cours pour pouvoir les conduire jusqu’à leur terme. »

Les partis politiques ont-ils fait leur temps ?

Son questionnement est aussi le mien, et certainement de bien d'autres, même si les réponses et les modalités peuvent être multiples.

C'est certainement pourquoi Christian Maurel parle de « proposition de discussion ».

Michel Peyret
31 décembre 2012


Les partis politiques ont-ils fait leur temps ?

Proposition de discussion de Christian Maurel
dimanche 23 décembre 2012

Les partis politiques ont-ils fait leur temps ?

Ce n’est pas seulement l’actuelle déconfiture de l’ UMP qui nous conduit à nous poser cette question de l’inadaptation et, en quelque sorte, de la fin possible des partis politiques, ces organisations sociales et publiques qui sont consubstantielles de notre démocratie et qui émergent, dans notre pays, dans la deuxième partie du 19ème siècle. La réalité dont nous parlons et qui fonde notre propos n’est pas de nature conjoncturelle (une défiance démocratique passagère) mais bien structurelle - même s’il y a fort à parier que le dépérissement de ces partis politiques, dans leur forme actuelle, ne soit que progressif et que leur passé glorieux ne dure encore longtemps.

Les signes de cette crise profonde, qui pourrait les condamner au discrédit, à leur étiolement et à leur perte, sont nombreux. Ils sont aussi ceux d’une démocratie représentative à bout de souffle : perte d’audience électorale et citoyenne, désengagement militant, clientélisme, recherche effrénée et accumulation des pouvoirs entre les mains de quelques uns, affaiblissement des vertus publiques servant l’intérêt général, personnalisation de la vie politique, impuissance face aux lobbies économiques et financiers … Leur organisation et leur fonctionnement sont chez tous (on aurait beaucoup de mal à trouver des exceptions, de la droite extrême à la gauche radicale) dépassés par une histoire qui se construit en dehors d’eux, comme ce fonctionnement hiérarchique et centralisé d’une autre époque : il arrive encore souvent que le militant de base soit condamné à distribuer localement, dans son quartier, sur son marché, le tract élaboré et envoyé par Paris…. Et en période électorale, à n’être mobilisé que pour « faire du collage et du boitage », remplir les bus et assurer la claque du meeting.

Ces remarques peuvent apparaitre caricaturales et même des lieux communs. Cela tient moins à une opinion largement partagée qui s’évertuerait à discréditer injustement ce qui serait encore le fondement de notre démocratie, qu’au fait que, malgré leur discours de modernisation, les partis politiques se caricaturent et s’affaiblissent eux-mêmes. Cela tient surtout, et il y a quelques raisons d’être optimiste, au fait qu’un monde nouveau est en train de naitre dans l’ancien. Mais que de ce monde nouveau, les partis politiques n’en ont aucune réelle vision pertinente qui, si c’était le cas, devrait éclairer leurs pratiques en vue de radicalement les transformer.

Ce monde nouveau, quel est-il ? Il est encore balbutiant comme une vie naissante qui palpite encore maladroitement et se cherche dans les contradictions de l’ancien qui peine à enfanter. Ce sont les mouvements altermondialistes et leur forums sociaux mondiaux, dont le prochain aura lieu en Mars 2013 à Tunis ; ce sont ailleurs toutes les initiatives coopératives, mutualistes et solidaires ; c’est, partout dans le monde, l’émergence d’une société civile dans laquelle une multitude diverse et de plus en plus large prend ses affaires en main, là où elle vit, pense, souvent souffre et lutte pour sa survie ; ce sont aussi tous ces mouvements d’indignation, de conscientisation et d’émancipation qui nous indiquent que le monde ne peut continuer en l’état et qu’il est nécessaire de le transformer ; ce sont également tous ces cercles du silence se réunissant dans les lieux publics qui témoignent de ce qui est intolérable et en disent souvent plus que de longs discours venus d’en haut ….

Tous ces mouvements ne prennent pas encore, ou pas toujours, des formes massives et coordonnées au service d’alternatives et de mobilisations dont on sait que, peu ou prou, elles auront une dimension planétaire. Leurs convergences, dans les idées comme dans leurs modes d’action, sont cependant porteuses de la volonté et de la capacité d’agir de ceux qui s’y investissent comme de ceux qui n’en sont encore que les spectateurs. Et c’est là tout ce qui les distingue des partis politiques envers lesquels ils ont une grande méfiance, parce qu’ils ont compris que ceux-ci se préoccupaient bien plus de la prise du pouvoir et de sa conservation, que de ce qui importe le plus, à savoir de créer les conditions d’une nouvelle puissance individuelle, collective et démocratique d’agir permettant de faire l’Histoire et de ne plus la subir.

Mais toutes ces manières de penser et d’agir ne sortent pas de terre comme des champignons après une bonne pluie d’automne. Ne serions nous pas dans une nouvelle période de « révolution sociale » au sens où Marx l’entendait, notamment dans la préface de sa Contribution à la critique de l’économie politique de 1859 ? Le développement accéléré des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication n’est-il-pas en train de remettre en cause les rapports productifs, économiques, sociaux, politiques et interindividuels hérités de la modernité industrielle ?

L’Humanité, que nous voulions ou non, est en marche. Nous avons le plus grand besoin d’une « science politique » bien différente de celle du Siècle des Lumières, ne venant pas, en surplomb, guider des peuples qui ne sont plus aussi ignorants du monde dans lequel ils vivent et de la place qu’ils pourraient y occuper. D’une science politique construite dans une confrontation coopérative des points de vue et des expériences. Et surtout, d’une éducation populaire qui, en nous mettant à l’école de réalités en transformation accélérée, nous conduirait à une meilleure conscience des transformations en cours pour pouvoir les conduire jusqu’à leur terme.

Ces processus à la fois éducatifs et politiques sont à l’œuvre, dans les mouvements sociaux, dans les associations, dans les nouvelles formes coopératives de production, de partage des richesses et de ce qui devrait être le bien commun. Nous sommes au milieu du gué. N’est-il-pas temps de prendre le chemin d’Etats Généraux de la transformation sociale et politique appuyés sur les doléances, expériences, propositions et revendications du plus grand nombre, de construire de manière ascendante une déclaration des droits humains fondamentaux, et de jeter les bases d’une nouvelle organisation économique, sociale et politique ? Qui prendra l’initiative de les convoquer ? Il y a à craindre qu’aucun parti politique au pouvoir ne le fasse et qu’il faille collectivement les imposer. Ce serait l’acte fondateur d’un nouveau contrat social qui, loin de considérer la démocratie comme une forme de gouvernement parmi d’autres, affirmerait l’engagement d’individus devenus des sujets politiques venant déborder, subvertir et transformer les logiques sociales en place.

Christian MAUREL, sociologue, cofondateur du collectif national « Éducation populaire et transformation sociale ».


 On lira sur ce sujet les propositions générales que faisait Roger Garaudy en 1980: http://rogergaraudy.blogspot.fr/2012/12/la-nouvelle-communaute-humaine.html


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