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Certaines n'avaient jamais vu la mer

Publié le 03 janvier 2013 par Lorraine De Chezlo
CERTAINES N'AVAIENT JAMAIS VU LA MERde Julie Otsuka
Roman - 140 pages
Editions Phébus - août 2012
Prix Fémina Etranger - 2012
Californie, début du XXe siècle. Un bateau arrive avec à son bord des dizaines de jeunes japonaises promises en mariage à des hommes qu'elles n'ont jamais vus, hormis peut-être sur des photos mensongères. Une émigration douloureuse auprès de maris qu'elles découvriront sous leurs vrais jours, paysans et non notables, et qu'elles accompagneront souvent dans le labeur des champs, offrant là leur main d'oeuvre complémentaire. Des maris auxquels elles donneront des enfants qu'elles élèveront dans une Amérique xénophobe où plane l'ombre de la guerre et de l'attaque de Pearl Harbor.
L'attaque est brutale, dès la première page les premières lignes sont sans concession, le rythme est vite donné : des phrases incisives qui se succèdent de manière lancinante. Une petite musique insidieuse qui est là pour égrener l'expérience de chacune, leurs expériences communes, générales et particulières. Des juxtapositions d'affirmations démarrant par "nous" ou "certaines d'entre nous". 
Extrait :"Sur le bateau, nous ne pouvions imaginer qu'en voyant notre mari pour la première fois, nous n'aurions aucune idée de qui il était. Que ces hommes massés aux casquettes en tricot, aux manteaux noirs miteux qui nous attendaient sur le quai, ne ressemblaient en rien aux beaux jeunes gens des photographies. Que les portraits envoyés dans les enveloppes dataient de vingt ans. Que les lettres qu'ils nous avaient adressées avaient été rédigées par d'autres, des professionnels à la belle écriture dont le métier consistait à raconter des mensonges pour ravir le cœur. Qu'en entendant l'appel de nos noms, depuis le quai, l'une d'entre nous se couvrirait les yeux en se détournant - je veux rentrer chez moi - mais que les autres baisseraient la tête, lisseraient leur kimono, et franchiraient la passerelle pour débarquer dans le jour encore tiède. Nous voilà en Amérique, nous dirions-nous, il n'y a pas à s'inquiéter. Et nous aurions tort."
Ce roman court se dévore, hypnotisant presque le lecteur par cette implacable vérité historique qui est ici romancée mais cinglante. Tout y passe, les viols conjugaux, la privation de liberté, le dénuement, les désillusions, les enfants, l'intégration impossible, la barrière de la langue, le rejet des américains, l'internement dans des camps tenu secret. Des vies qui sont passées par tout ça. C'est très beau à lire, très équilibré avec peut-être le seul bémol : l'antépénultième chapitre "Traîtres" est plus long, trop long peut-être, voulant donner un caractère plus historique au roman. Il peut lasser. Mais cela ne remet pas en cause la force de ce roman qui m'a évidemment poussée à en savoir plus sur la réalité des faits de cette sombre époque.
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