Magazine Culture
La création a eu lieu ce soir au Théâtre 14, dans une salle bondée, très attentive et radicalement enthousiaste à la fin du spectacle. Je n'ai entendu que des compliments. Et je les partage.
J'avais eu quelques doutes et avais failli décaler ma venue de quelques jours à la lecture du synopsis, craignant une débauche de violence sur la scène, estimant que nous en subissons déjà suffisamment pour ne pas en rajouter, et me disant que j'allais attendre de lire les premiers avis. Mais je suis venue et n'ai pas été déçue un instant.
Le Rock' N ' Roll High School des Ramones (ceux-là mêmes que j'avais appréciés à la fin du dernier Astérix) mettent d'emblée l'ambiance. Nous sommes le lundi 6 octobre. Il est 8 h 31. Admirez la précision. William et Lily font connaissance dans la bibliothèque, et semblent illico s'accorder. Le décor est simple mais suffisant pour rendre l'atmosphère anglaise et les costumes créés par Philippe Varache évoquent très bien un lycée anglais.
Les lumières d'Antonio de Carvalho y sont probablement aussi pour beaucoup.On sent tout de suite combien l'expression d'une opinion détermine le regard que l'autre porte sur soi. Par chance, et à titre d'exemple, les deux jeunes gens partagent une haine identique à l'égard de ceux qui exhibent de la vraie fourrure.Quel écart cependant entre l'affirmation qu'il clame ce jour-là : je suis le mec qui va le mieux au monde, et ce qu'il révèlera un peu plus d'un mois plus tard, avec les paroles de la chanson de Daniel Johnston – Desperate Man BluesThere ain't no color in the sky, anymore (...)There ain't no comfort in this life, anymore (...)Maybe something will happen to make it all better, better (...)My hope is gone and left me a desperate man
Mais pour le moment tout roule, même si on sent quelques tensions dans le groupe. Cissy redoute que "sa mère ne la tue" si elle n'obtient pas les meilleures notes. L'intelligence de Chadwick et son statut de boursier lui valent d'être traité de petit chien savant.
On sent aussi poindre quelques malaises existentiels et une propension au défi et à la provocation : je vais aux examens blancs sans avoir rien préparé. Si on révise cela ôte tout leur intérêt puisqu'on ne saura pas où on se situe et quel progrès il reste à accomplir pour être au niveau.
Les problèmes d’identité et d’aliénation se font de plus en plus nets au fil des séquences qui se suivent à quelques jours d'intervalle. Lily a un comportement masochiste. Les autres filles expriment des désirs d'enfants et de vie nouvelle. Les garçons sont en compétition permanente. Leur agressivité éclate d'abord verbalement mais on comprend qu'un détail pourrait mettre le feu.
Cela pourrait être le vrombissement d'une guêpe, un chagrin amoureux, la crise cardiaque d'un professeur, une hypersensibilité aux désastres qui se produisent dans le monde. Le climat de violence gagne du terrain. Jusqu'à l'irrémédiable.
Des faits terribles ont eu lieu dans des écoles et des universités, en France et aux Etats-Unis ces derniers mois. La violence en milieu scolaire n'est pas de la fiction. On se demande toujours ce qui provoque de tels actes sans trouver de réponses satisfaisantes.
Simon Stephens pointe les déroutes de la jeune génération de la classe moyenne qui perd pied dans une société sans concession, et qui agite en permanence des miroirs aux alouettes. En ce sens les personnages de Punk Rock peuvent être vus comme des victimes de l'incompréhension et de l'absence de communication de leurs parents en particulier, et des adultes en général, avec une absence d'écoute et de dialogue. C'était un constat semblable que nous inspirait Michel Franco avec le film Despuès de Lucia.Tanya Lopert (au centre sur la photo ci-dessus, entre Alice Sarfati et Aurélie Augier) est parfaitement en phase avec cette analyse. Sa mise en scène est très équilibrée, mettant en valeur les qualités de jeu de chaque comédien à travers les contradictions qui animent les personnages. On les sent partager un esprit de troupe qui apparait dans la photo du groupe, soulagés et heureux après cette "Première" réussie.
Punk Rock de Simon Stephens par la Cie Ilya au Théâtre 14, avec Aurélie Augier, Alice de La Baume, Issame Chayle, Clovis Guerrin, Roman Kané, Mathilde Ortschreidt, Laurent Prache et Alice Sarfati.
Du 8 Janvier au 23 Février 2013
Théâtre 14 - 20 avenue Marc Sangnier, 75014 Paris (Porte de Vanves) contact@theatre14.fr- Mardi, vendredi, samedi à 20h30- Mercredi et jeudi à 19h- Matinée samedi à 16hSite de la Compagnie : http://www.punkrocklapiece.com/