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Le fil d'Ariane

Publié le 10 janvier 2013 par Toulouseweb

Le fil d’ArianeL’«Airbus spatial » se porte bien.


La réussite de l’Europe spatiale est fréquemment sous-estimée et on est en droit de le regretter. En témoignent les bons résultats d’Arianespace, sorte d’Airbus de l’espace, aux structures complexes mais capable d’une grande efficacité industrielle. Non moins de 21 actionnaires et l’Agence spatiale européenne, ainsi que le CNES chargé de la haute technique, travaillent en bonne entente et permettent au Vieux Continent de s’arroger 60% environ du marché mondial des mises sur orbite commerciales. Or, davantage qu’Airbus, il s’agit d’ici d’un défi permanent de souveraineté, le maintien du libre accès des Européens à l’espace, sans devoir se plier aux conditions politiques de quiconque, par exemple des Etats-Unis.
Bien sûr, cela va de soi et il y a longtemps qu’il n’y a plus débat sur ce thème. L’Europe, forte du Centre spatial guyanais idéalement situé sur l’équateur, dispose aujourd’hui d’une gamme de trois lanceurs : Ariane 5, le navire amiral, le Soyouz russe depuis peu lancé lui aussi de Guyane, et le petit Vega, de conception italienne. Ensemble, ils couvrent l’essentiel du marché, très concurrentiel, en pleine évolution dans la mesure où de nouveaux intervenants pointent à l’horizon, à commencer par la société américaine Space X, très ambitieuse.
L’année dernière, Arianespace a réalisé un chiffre d’affaires de 1,3 milliard d’euros, en progression de 30%, grâce à dix lancements qui, ensemble, ont permis de mettre sur orbite 75 tonnes de satellites aux vocations diverses, tous à l’image des technologies très pointues qui caractérisent ce secteur différent des autres. Une belle réussite, «la conséquence de décisions prises il y a 25 ans», se plait à rappeler Jean-Yves Le Gall, PDG d’Arianespace.
Tout n’est pas rose pour autant. La souveraineté spatiale a un coût et, dans ce domaine, loin des contraintes réglementaires internationales qui pèsent sur Airbus et Boeing, le mot «subvention» n’est pas tabou, encore que rarement utilisé. Pour atteindre l’équilibre financier, Arianespace doit pourtant compter sur un apport étatique d’une centaine de millions d’euros par an –c’est proportionnellement peu- une contribution des Etats d’ailleurs en forte diminution par rapport au passé. Un lancement est facturé aux environs de 100 millions d’euros, résultat d’efforts sans cesse renouvelés pour réduire les coûts de production, dans un contexte très particulier.
La notion de production en série prend ici un sens particulier, Ariane 5, au mieux de sa forme, étant construite à moins de 10 exemplaires par an. Dès lors, il est pour le moins problématique de trouver des économies d’échelle, de créer des synergies industrielles avec d’autres productions. D’autant que les fabrications, régies par Astrium, bras spatial du groupe EADS, sont réparties selon une loi ancestrale du «juste retour». La charge de travail confiée à chaque partenaire est directement proportionnelle à sa contribution financière. Laquelle implique des investissements considérables en recherche et développement, les cycles spatiaux étant exceptionnellement longs.
Ainsi, une Ariane 5 améliorée («Mid-Life Evolution») est en préparation et livrable dans 5 ans environ tandis qu’a été arrêté, en novembre dernier, le principe de créer une Ariane 6 qui devrait prendre la relève vers 2021. Plus performante dans tous les sens du terme, elle sera capable de placer 7 tonnes sur orbite géostationnaire pour 70 millions d’euros environ, aux conditions économiques actuelles. 
Une telle décision, qui engage l’avenir jusqu’à l’horizon 2050, ne donne aucun droit à l’erreur. D’où l’extrême prudence qui caractérise le processus de décision des Etats membres qui réunissent régulièrement des sommets ministériels préparés avec le plus grand soin. C’est donc là un monde qui n’a rien à voir avec celui d’Airbus, mis à part le dénominateur commun d’une Europe qui gagne, dans des secteurs qui ne sont accessibles qu’aux meilleurs. Qui plus est, dans un cas comme dans l’autre, la France, depuis l’origine des premiers programmes, d’Ariane 1 à l’A300B, a constamment joué un rôle moteur qui s’est avéré décisif. D’où un contraste spectaculaire avec la plupart des autres secteurs industriels.
Autre grande leçon : la qualité paie. Arianespace a réussi au cours de ces dernières années 53 lancements successifs, affichant une fiabilité inégalée, son argument commercial le plus solide.
Pierre Sparaco - AeroMorning


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