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L’arche de Noé

Par Jacquesmercier @JacquesMercier

Si l’on accepte que le hasard n’existe pas et que les coïncidences sont des signes de piste dans notre vie, force m’est de constater que l’arche de Noé recoupe plusieurs fois ma route !

Alors que ce passage de la Genèse m’intrigue depuis toujours, il se fait qu’on me demanda, en 2003, d’interpréter le rôle de « Dieu » – pas moins ! – dans l’opéra de Benjamin Britten « L’arche de Noé », une aventure magnifique qui se déroula dans la collégiale Sainte Gertrude de Nivelles. Un chœur d’enfants, des chanteurs et des cantatrices, un orchestre sous la direction de Michel Keustermans et l’émotion du spectacle me rendent ce souvenir très cher. (Début juillet, je proposerai en sa compagnie des « Contes enchantés » à la Bibliothèque Solvay) Dans la nouvelle traduction de la Bible, je lis : « La ruine a envahi la terre, la violence est partout… parmi tous tes contemporains, tu es juste… Une lourde pluie s’abat sur la terre quarante jours et quarante nuits… Est effacée toute vie debout sur la terre ; il reste seulement Noé et ceux qui sont avec lui… Dieu bénit Noé et ses fils et leur dit : A vous d’être féconds et multiples, de remplir la terre… Tout est entre vos mains ».

Marcel Proust dans « A la recherche du temps perdu » commente : « Jamais Noé ne put si bien voir le monde que de l’arche malgré qu’elle fut close et qu’il fit nuit sur la terre. »

Mais je suis loin d’être le seul à rêver de cette barge qui aurait sauvé les êtres vivants, comme le prouve encore le roman de Bernard Werber « Le papillon des étoiles », qui transpose ce mythe dans le futur et dans l’espace : « Comme les mots « Dernier Espoir » sonnaient de manière pessimiste, ils décidèrent de conserver ce nom pour le projet mais le vaisseau lui-même serait baptisé le « Papillon des Etoiles ». Le nom convenait d’autant mieux qu’il avait l’allure d’un insecte géant. »

On sait qu’après bien des jours de navigation, l’arche vint s’échouer sur les Monts d’Ararat. En réalité, ils sont appelés « masis » et sont deux. On ignore si les épisodes du corbeau et de la colombe sont vrais, mais est-ce si important ? De même, on ne sait pas si la poésie de la création d’un arc-en-ciel pour sceller la promesse de Dieu de ne plus maudire la Terre à cause des hommes est exacte. D’ailleurs on a joué sur le chiffre 7, mais on ne voit que les six couleurs fondamentales, la septième, l’indigo, étant à la limite de la visibilité. Cela dit, que ce soit le soleil qui brille durant la pluie qui provoque ce phénomène de l’arc-en-ciel est déjà un miracle à méditer !

Pourtant un je ne sais quoi de fondamental sourd de cet épisode biblique, – comme de ceux presque semblables racontés dans d’autres civilisations – qui rend symboliquement plus forte encore la préoccupation actuelle de la sauvegarde de notre planète.

Que le mont Ararat soit le symbole national de l’Arménie accentue encore sa force ! Ce volcan en sommeil, qui culmine à plus de 5000 mètres et dont le sommet est toujours enneigé, figure sur les armoiries du pays, alors que depuis le génocide de 1915, – le premier du XXe siècle – il est situé en Turquie. L’histoire localise la plantation du premier cep de la première vigne par Noé au pied du mont Ararat. « C’est Noé, homme du terroir, qui le premier plante une vigne. Il boit du vin jusqu’à l’ivresse, et se met tout nu au beau milieu de sa tente. » (Genèse) Je ne connais pas de plus belle définition du vin que celle de Galilée ; oui, celui de « Et pourtant elle tourne », de l’invention du thermomètre, de l’université de Pise (mi XVIe, mi XVIIe) : « Le vin c’est de l’eau emplie de soleil ! »

Pendant des mois, lorsque j’ouvrais mon ordinateur personnel, je voyais sur mon écran qui s’allume non pas les sigles publicitaires qui tournent ou une photo de plage avec des palmiers mais… le mont Ararat ! C’est une impressionnante masse montagneuse de base noire, grisâtre et qui s’éclaircit jusqu’à devenir dorée sur ses flancs ensoleillés. Elle m’apporte la sérénité : je pense à l’escalade, aux efforts à accomplir pour être meilleur, au sommet perdu dans le ciel crépusculaire, comme si c’était un autre monde, une autre dimension…

Pour mêler le vin et la montagne, Noé et le mont Ararat, la Bible et l’Arménie éternelle, voici ce court texte du poète chinois Li Tai Po : « L’ivresse venue, nous coucherons sur la montagne nue avec le ciel pour couverture, et la terre pour oreiller. »

mont ararat


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