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Vietnam : Phở – Soupe Pho au boeuf : recette et origines

Par Misstam @KitchenMissTam

Vietnam :  Phở – Soupe Pho au boeuf : recette et origines

Vietnam :  Phở – Soupe Pho au boeuf : recette et origines
Vietnam :  Phở – Soupe Pho au boeuf : recette et origines
Vietnam :  Phở – Soupe Pho au boeuf : recette et origines

Depuis ce dimanche, la Kitchenette s’est transformée en gargote vietnamienne le temps d’un pho ou en vietnamien phở (prononcez feu-euh – et cela ne s’écrit pas phô, c’est faux ! hihihi) ! Mes amis me réclament toujours cette délicieuse soupe vietnamienne au boeuf et pâtes de riz qui, faite dans les règles de l’art, demande beaucoup de temps de préparation et de cuisson. Alors les occasions sont plutôt rares, et quand j’en fais, c’est en grande quantité, avec environ huit litres de bouillon qui mijote pendant pas moins de six heures ! Et de subtils parfums d’épices caractéristiques de cette fabuleuse soupe embaument agréablement toute la maison… Des amis sont passés hier pour goûter à mon phở et ce soir, c’est le verdict avec mon père, gourmet et grand connaisseur ! Pression, pression…

Mon meilleur souvenir de phở est celui de mon enfance. La grosse marmite, tel un chaudron magique contenant plein de mystères, fumait à petits bouillons pendant des heures. On attendait son bol de soupe avec autant de ferveur que devant un miracle. Et le miracle se produisit : une explosion gustative dès le premier contact des papilles avec ce liquide brûlant parfumé d’épices et d’herbes magiques ! L’attente qui parut des siècles en valait vraiment la peine. Et jamais ma soupe phở n’a pu atteindre ce degré de perfection gustative !

Mais est-il encore nécessaire de vous présenter la soupe phở de Hà Nội (capitale située au Nord du Vietnam), ce grand classique des mets, voire le symbole de la cuisine du Vietnam ?

A l’origine, c’était une simple soupe composée d’un bouillon clair à base d’os à moelle et de viande de boeuf, des lamelles de boeuf, d’oignon, des épices, du nuoc mam et de pâtes plates de riz accompagnée d’herbes aromatiques qui se dégustait au petit-déjeuner. Dès 1945, le phở au poulet a fait son apparition dans la capitale. A son entrée dans le Sud du Vietnam, la version originale au boeuf a évolué en s’enrichissant de plus grande quantité et de variétés de viandes, de germes de haricots mungo (pousses de soja), d’autres herbes aromatiques (comme le basilic thaï), de rondelles d’oignon crues marinées dans le vinaigre, et de sauces Hoisin et Sriracha, correspondant davantage à l’opulence culinaire et au goût des gens du Sud. Ce plat populaire, jamais servi pour les fêtes ou les grands occasions, se déguste depuis aussi bien au petit-déjeuner, qu’à midi ou le soir.

Dans le monde entier, là où il y a des restaurants vietnamiens, on trouve ce plat incontournable au menu. Notamment en Amérique du Nord où il y a une grande population vietnamienne issue de l’immigration, la soupe phở est quasiment une institution culinaire. Des milliers de restaurants se spécialisent dans le phở et proposent plusieurs variations : au boeuf et/ou boulettes de boeuf, au poulet, aux tripes, et même au porc. En France dans les grandes villes, et notamment à Paris, il y a aussi un grand choix de lieux pour déguster ce plat populaire.

Sachez qu’il existe de nombreuses façons de faire ce plat, et de nos jours, on dispose peu de temps pour faire mijoter des heures un bouillon. La plupart utilise des cubes de bouillon au boeuf ou même des cubes de bouillon phở et ajoute du glutamate de sodium (un exhausteur de goût très prisé dans la cuisine asiatique en général). Au goût, c’est bien sûr très flatteur, et l’utilisation des cubes est bien pratique. Cependant, pour moi, faire un phở avec des cubes de bouillon n’a plus aucun sens ni aucun plaisir, puisque toute la saveur bien particulière de ce plat vient de la longue cuisson des os, de la viande, des oignons et des épices…et du savoir-faire de celle ou de celui qui le fait.

Avant de vous donner quelques informations sur l’origine de cette fameuse soupe du Nord du Vietnam, voici d’abord ma recette du phở. 

Pour 6 personnes.

Temps de préparation : 20 minutes pour le bouillon. 20 minutes pour le service.
Cuisson : 20 minutes + 6 heures de cuisson pour le bouillon en deux temps (la veille : 5 h + le  jour J : 1 h)
Pour une grande marmite de 5 à 6 litres.

Ingrédients :

Bouillon :

  • 1 kg de plat-de-côte avec os
  • 400 g de jarret de boeuf
  • 3 gros os à moelle (idéalement plus, mais les bouchers sont avares en os !)
  • 3 gros oignons (plus il y aura d’oignons, plus le bouillon sera naturellement sucré sans avoir besoin d’ajouter de sucre !)
  • 1 vieux gingembre (un gros morceau de 7 ou 8 cm)

Epices :

  • 10 clous de girofle
  • 6 badianes (étoile d’anis)
  • 1/2 boule à thé remplie de graines de coriandre
  • 1/2 café de grains de poivre noir dans la boule à thé
  • 2 grosses gousses de cardamome noire (Attention pas de la cardamome verte ! Les noires ressemblent à une petite noix de muscade, et ont un goût légèrment camphré et plus poivré)
  • 1 bâtonnet de cannelle de 3 cm

Condiments :

  • 1 cuillère à soupe de gros sel
  • 3 ou 4 cuillères à soupe de nuoc mam pur (sauce d’anchois en saumure)

Pour le service :

  • 400 g de rumsteak
  • 400-500 g de pâte de riz pour le phở (vendu par paquet de 400 g dans les épiceries asiatiques)
  • 6 tiges de menthe
  • 1/2 botte de coriandre (persil chinois)
  • 1/2 botte de basilic thaï
  • 6 tiges de coriandre longue (ou coriandre chinoise, ou littéralement traduit, coriandre épineuse)
  • 6 tiges de ciboules (cives)
  • 500 g de pousses de haricot mungo (communément appelé germe de soja)
  • 1 oignon
  • 1 citron vert (soit 1/8 de citron vert par personne)
  • (facultatif) Petits piments rouges frais

Sauce pour tremper la viande :

  • Sauce Hoisin (à base de pâte de soja fermenté) dilué dans un peu de bouillon
  • Sauce pimentée Sriracha (sauce de piment)

(on en trouve dans toutes les épiceries asiatiques)

  • Grands bols à soupe évasés
  • Baguettes et cuillères
  • Coupelles pour la sauce

Préparation :

La veille :

  • Dans la marmite, mettre 3 litres d’eau et porter à ébullition. Mettre les os à moelle et laisser cuire pendant 20 minutes à feu doux. Les sortir et réserver.
  • Mettre le plat-de-côte entier avec os et le jarret coupé en gros dé de 5 cm dans l’eau bouillante. Sur feu moyen, laisser cuire 10 minutes puis les réserver. Cette pré-cuisson des os et de la viande permet d’avoir un bouillon propre et clair.
  • Ecumer le gras à la louche et le réserver dans un récipient pour le refroidir. Jeter l’eau de pré-cuisson. Nettoyer la marmite.
  • Dans la même marmite, mettre les os et la viande de boeuf dans 5 litres d’eau froide. Laisser cuire à feu vif jusqu’à ébullition, puis réduire à feu moyen pour maintenir un petit bouillon pendant 1 heure.
  • Durant ce temps, faire griller le gingembre nettoyé, les oignons entiers épluchés dont un piqué de clous de girofle (voir photo), et les autres épices au four sur grill quelques minutes.
  • Après l’heure de cuisson des os et de la viande, ajouter le gingembre grillé (non épluché), les oignons entiers, le bâtonnet de cannelle, les badianes, les gousses de cardamome noire, une boule à thé contenant les graines de coriandes et de poivre noir, le gros sel et le nuoc mam. Maintenir le bouillon à petits frémissements et laisser mijoter encore 2 heures. Ne pas couvrir.
  • Au bout de 2 heures de cuisson douce, sortir la viande boeuf (jarret et plat-de-côte en laissant son os dans le bouillon), laisser refroidir et mettre la viande au frais pour la nuit. Rajouter 1 ou 2 litres d’eau chaude (selon la réduction du bouillon) et poursuivre la cuisson en maintenant à petits frémissements sur feu doux pendant 2 heures. Arrêter la cuisson. Laisser refroidir le bouillon dans la marmite. Puis mettre au frais pour la nuit. (Si la marmite est trop grande pour votre réfrigérateur, vous pouvez réserver le bouillon dans deux récipients ou grandes boîtes hermétiques + les os, les oignons, le gingembre et les épices, pour le remettre ensemble dans la marmite le lendemain pour la suite de la cuisson).

Le jour J :

  • Une heure avant de servir, sortir la marmite de bouillon du réfrigérateur (ou les récipients servis à conserver le bouillon avec les os et les épices). Une couche de gras aura figé à la surface du bouillon avec le froid durant la nuit. Dégraisser le bouillon en écumant ce gras pour le jeter à la poubelle (le froid permet de figer le gars et de faciliter le dégraissage – ce procédé évite de boucher inutilement vos canalisations).
  • Remettre le bouillon dégraissé avec les os, les oignons, le gingembre et les épices, sur le feu, amener tranquillement à petite ébullition et laisser mijoter encore 1 heure.
  • Durant ce temps, pour la préparation des bols et le service :
  • Faire tremper les pâtes de riz dans l’eau 30 minutes avant le service. Cuire les pâtes de riz dans l’eau bouillante pendant 1 à 2 minutes. Egoutter sous l’eau froide pour éviter que les pâtes ne collent. Puis égoutter complètement à nouveau. Mettre les pâtes dans chaque bol.
  • Sortir la viande de boeuf cuite et le rumsteak du réfrigérateur. Couper de fines tranches de viande (le plat-de-côte et le jarret étant froids, la coupe fine en est facilitée). Couper le rumsteak en fines lamelles et réserver pour le service.
  • Laver les herbes aromatiques, les ciboules et les ciseler (garder de côté quelques branches de menthe, de coriandre chinoise (coriandre longue) et de basilic thaï et les présenter dans un plat pour le service). Laver les pousses de soja et les blanchir une minute dans l’eau bouillante. Réserver. Couper l’oignon en fines rondelles, le citron vert en 8 demi-quartiers et les piments rouges en biais. Réserver.
  • Dans un plat ou une grande assiette, garnir de quelques branches de menthe, de basilic thaï, de coriandre chinoise, des pousses de soja, les demi-quartiers de citrons verts et le piment rouge.
  • Préparer la sauce Hoisin en diluant avec un peu de bouillon chaud. Verser cette sauce dans une coupelle pour chaque convive, et ajouter à côté un peu de sauce pimentée Sriracha (facultatif), pour tremper les morceaux de viandes à table.
  • Dans chaque bol de nouilles, déposer quelques lamelles de viande boeuf cuite. Réchauffer 1 minute au four à micro-onde. Ajouter une poignée de pousses de soja blanchies, parsemer de ciboules ciselées et de quelques rondelles fines d’oignon (certains trempent au préalable les rondelles d’oignon dans le vinaigre blanc, mais je trouve que cela dénature le goût du bouillon). Terminer en déposant quelques lamelles de rumsteak cru bien à plat (pour une meilleure cuisson lors de l’arrosage du bouillon brûlant).
  • Sur feu vif, rectifier d’abord le bouillon avec du nuoc mam (si nécessaire) et porter à ébullition. Verser bien brûlant le bouillon dans chaque bol en veillant à bien arroser la viande crue. Parsemer d’herbes aromatiques ciselées et servir aussitôt.
  • Chaque convive presse un peu de citron vert dans son bol de phở et trempe sa viande dans la sauce Hoisin.  Les herbes aromatiques sont à disposition pour celui qui souhaite en rajouter dans sa soupe phở.

Et c’est prêt à la dégustation !!! Bon appétit !

Tout cela paraît compliqué, mais c’est simplement un peu long à préparer et demande une bonne organisation pour la préparation. Cependant le résultat final en vaut vraiment la peine !

Pour la petite histoire…

L’origine de la soupe phở reste tout à fait floue. Nul ne sait qui l’a nommé ainsi, ni qui en fut son créateur. Et pourtant, le phở est devenu un symbole de la cuisine vietnamienne, et même élevé au rang de patrimoine culinaire d’exception, sous l’égide de la communauté européenne et du chef Didier Corlou, lors d’une série de conférences mises en oeuvre en 2002 pour mieux connaître ce plat.

Les premières traces du phở se situeraient vers 1925 à Hà Nội où les archives mentionnent son existence. Cependant le phở actuellement connu comme étant de Hà Nội (capitale du Vietnam) serait vraisemblablement d’origine de la ville de Nam Dinh, à une centaine de kilomètres de la capitale, dans le Delta du Fleuve rouge, selon M. Nguyễn Đình Rao de l’Unesco. Cette ville, à une trentaine de kilomètres de la mer, avait au début du XXe siècle, une tradition de soupe aux nouilles avec du poisson, du crabe ou des crustacés. La présence des nombreux Français aurait fait évoluer cette soupe avec l’utilisation du boeuf, très peu cuisiné par les Vietnamiens à ce moment-là. En effet, ceux-ci considéraient le boeuf comme élément essentiel du bétail et avaient donc rarement l’occasion de goûter à sa viande.

Selon une autre hypothèse, Nam Dinh ayant été un grand centre textile colonial avec une forte présence d’employeurs français et d’employés vietnamiens, un cuisinier de la ville aurait inventé le phở inspiré du pot-au-feu (d’où la légende non confirmée du nom phở qui en aurait pris sa source) en accommodant le goût des Français avec le boeuf et le goût des Vietnamiens avec un bouillon et des pâtes de riz. Aucune certitude à ce sujet tant le pot-au-feu est bien éloigné de notre plat.

Si le phở est connu comme étant originaire de Hà Nội, il est certain que les premiers vendeurs de phở connus soient en majorité issus du village de Vân Cù, de la province de Nam Dinh. En effet, un des premiers stands de phở fut ouvert vers 1925 dans la capitale par un cuisinier de ce village dans la rue Hàng Hành. Suivi de bien d’autres villageois de Vân Cù qui ont migré vers Hanoï pour échapper à la pauvreté et pour ouvrir des stands / gargotes de phở.  Selon l’Association des habitants de Vân Cù à Hà Nội, cinq cents personnes de Vân Cù auraient vendu de la soupe phở loin de leur village et 80% des propriétaires de stands ou de restaurants de phở  à Hà Nội seraient originaires de ce village. De la tradition de soupe de nouilles aux produits de mer, les cuisiniers de Vân Cù auraient alors amélioré ce plat avec du boeuf en s’installant dans la capitale.

Une autre hypothèse moins connue : Y aurait-il eu une influence chinoise ? La consonance de « fun » ou « fen » (assez proche du mot phở) pour désigner en cantonais des nouilles plates et larges de riz, ainsi que la légère similitude des ingrédients, pourraient être une éventualité. En effet le « cantonese beef chow fun » (également en version soupe) est assez troublante avec des lamelles de boeuf, du « hor fun » ou « fen », du gingembre, des oignons, de la ciboule ciselée, qui à la différence du phở, sont revenus dans une sauce de soja et sauce d’huître. Cela reste toutefois une hypothétique option peu évoquée, mais plausible.

Pour conclure, selon M. Nguyễn Đình Rao de l’Unesco : « Le phở combine une ingérence culturelle et des ingrédients locaux [...] et cet ensemble a engendré une soupe universelle. » Ainsi, quel que soit l’origine du phở, tous ces brassages et influences culinaires assimilés de l’étranger ou au sein même de la nation (du Nord au Sud) auront permis aux Vietnamiens d’améliorer une simple soupe populaire en un mets typique, aujourd’hui sans conteste un symbole du Vietnam.

SourcesPhở A Speciality of Hà Nội, éditeurs Hữu Ngọc and Lady Borton, Hà Nội, Thế Giới Publishers, 2006

Informations complémentaires : des articles très intéressants sur le pho (en anglais) du chef Didier Corlou, du journaliste Franck Renaud, et d’autres connaisseurs, sur le site de Vietworldkitchen.

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