Weller © Gallmeister 2013
Le prologue se déroule en 1965. Dans la petite chambre de sa maison de retraite, Jane Dao-ming Poole est submergée par les souvenirs. La vieille femme, aveugle depuis que ses yeux ont gelé au cours d’un hiver fort lointain alors qu’elle n’était qu’une petite fille, repense à ses trois pères. De son premier, il ne lui reste rien. Elle sait juste qu’il a été tué en même temps que sa mère, dans les montagnes, alors qu’elle avait cinq ans. C’est son second père, Abel Truman, qui l’a secourue et l’a sauvée d’une mort certaine. Le troisième a pris le relais peu après. Glenn Makers l’a adoptée et éduquée au mieux. Lui, l’homme noir marié avec une femme blanche, qui sera retrouvé pendu à une branche de peuplier.C’est Abel Truman qui est au cœur du roman. Les chapitres alternent entre deux époques. On suit d’une part son parcours en mai 1864, au moment de la terrible bataille de la Wilderness, une des plus sanglantes de la guerre de sécession. Soldat confédéré (sudiste), Abel vit l’horreur absolue pendant plusieurs jours avant d’être recueilli et soigné par une esclave en fuite. Fait prisonnier, il décide à la fin du conflit de rejoindre la côte pacifique, au nord-ouest. On l’y retrouve en 1899, vivant en ermite dans une cabane au bord de la plage avec son chien pour seul compagnon. Malade et fatigué, il décide d’effectuer un dernier voyage au cœur de la forêt. C’est là, après de douloureuses péripéties, que sa route croisera celle de la petite Jane.
Encore un premier roman américain impressionnant. Quel souffle, quelle de maîtrise de la narration ! L’écriture de Lance Weller est très visuelle, riche de bruits et d’odeurs. La longue partie consacrée à la bataille de la Wilderness est d’un réalisme sidérant qui m’a laissé groggy. Du très grand art ! Weller est un peintre subtil de la nature. Il procède par petites touches, entre ombre et lumière, s’attardant sur les moindres détails. Il serait toutefois injuste de limiter Wilderness à un simple exercice de Nature Writing. Il y est aussi question de blessures enfouies, de convictions ébranlées et de rédemption. Aussi solidement charpentée qu’ambitieuse, cette épopée à travers l’Amérique sauvage de la seconde moitié du 19ème siècle est une nouvelle pépite dénichée par les éditions Gallmeister. Pour mon premier roman de l’année 2013, je ne pouvais pas rêver mieux ! Wilderness de Lance Weller. Gallmesiter, 2013. 335 pages. 23,60 euros.