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Des affiches de l’Opéra de Montréal qui suscitent des débats…et font beaucoup parler d’art lyrique!

Publié le 12 janvier 2013 par Turp

12 janvier 2013
(No 2013-02)

Des affiches de l’Opéra de Montréal qui suscitent des débats…et font beaucoup parler d’art lyrique!

Le début de l’année lyrique 2013 au Québec est marqué par un grand débat sur des affiches…qui font parler d’opéra et en particulier de l’Opéra de Montréal ! Dans un article publié dans le Journal de Montréal le 8 janvier 2013 sous le titre « Marc Hervieux- L’opéra de Montréal a-t-il honte de ses chanteurs », la chroniqueure Sophie Durocher racontait la « grève de la voix » entreprise par le ténor Marc Hervieux dans le cadre des répétitions de la prochaine production de Die Fledermaus (La Chauve-souris) de Johann Strauss fils dont la première est prévue pour le 26 janvier 2013. Cette « grève » visait la campagne publicitaire de la saison 2012-2013 de la compagnie lyrique montréalaise qui a fait appel à des mannequins plutôt qu’à des artistes pour les affiches et les autres formes de publicité de ses cinq productions. Dans son blogue diffusé le lendemain, la chroniqueure précisait « Les raisons de la colère » de Marc Hervieux et suggérait que « la « campagne de pub [était] aussi insultante pour tous les autres artisans des productions de l’Opéra de Montréal ». Elle y présentait notamment de façon comparative les photographies des deux artistes lyriques du Québec qui tiendront les principaux rôles dans les deux prochaines productions, Étienne Dupuis (Dead Man Walking de Jake Eddie) et Marianne Fiset (Manon de Jules Massenet) et les affiches de ces deux productions. « Marie-Josée Lord appuie Marc Hervieux » pouvait-on également lire dans le même Journal de Montréal le 10 janvier 2013 où la soprano affirmait quant à elle : « L’Opéra de Montréal se vante d’avoir une distribution complètement québécoise pour La chauve-souris, mais on ne voit aucun visage ».

Dans un communiqué du 9 janvier 2013 sur la « Position de l’Opéra de Montréal sur sa stratégie publicitaire », la compagnie lyrique a réagi en déplorant « l’ampleur de cette polémique », tout en rappelant que Marc Hervieux lui avait fait part, en avril [2012], de son insatisfaction face au fait qu’aucun artiste ne figure sur le matériel promotionnel de la saison ». Elle a indiqué qu’à la suite de « nouveaux échanges », l’Opéra de Montréal [acceptait] de répondre à la demande de M. Hervieux et « de modifier la campagne entourant La chauve-souris ».  L’OdM annonçait également que « [p]our le bien de l’Opéra, du public et des artistes, « elle accept[ait], comme il le fait pour La chauve-souris, de revoir sa stratégie promotionnelle et de modifier les outils de communication des deux autres spectacles : Dead Man Walking et Manon ». Cette nouvelle position a été rapportée et commentée le lendemain dans des textes de Caroline Rodgers de La PresseMarc Hervieux fait plier l’Opéra de Montréal ») et de François Lévesque dans Le DevoirL’Opéra de Montréal modifie sa campagne de publicité après les critiques de Marc Hervieux ». Ce dernier était d’avis que ce débat concernait « [u]ne certaine de la beauté est écrivait :

« Il n’empêche que l’affaire est symptomatique d’une tendance lourde dans la mise en marché du produit artistique, fût-il lyrique ou cinématographique, laquelle recourt à un canon qui associe beauté et minceur extrême. Engendré par le monde de la mode, ce modèle tout-puissant remonte aux années 1960, alors que la silhouette filiforme de Twiggy s’imposa comme nouveau standard. L’époque contribua à ce que les Jane Birkin, Cher et autres Veruschka atteignassent alors le statut d’icônes. Au début des années 1990, le créateur de mode Calvin Klein en rajouta avec la tendance dite « heroin chic », dont la maigrelette Kate Moss fut le porte-étandard. Toujours active, cette dernière continue d’être représentative de la physicalité privilégiée par le milieu ».

Et il rapportait pour conclure son article les propos de Marc Hervieux selon lequel « l’Opéra de Montréal n’a rien inventé, la plus récente campagne publicitaire de la compagnie se comparant à celles que l’on observe dans d’autres pays. Au final, il est permis de se demander si l’art lyrique ne serait pas simplement une autre victime de la mode ».

Dans La Presse de ce matin, Nathalie Petrowski signe une chronique intitulée « Opéra du faux débat » (p. 10-ARTS). Tout en considérant la campagne de publicité conçue pour l’Opéra de Montréal par Orangetango est magnifique et visuellement inspirante, elle donne en partie raison à Marc Hervieux en soulignant que les affiches de la saison 2012-2013 « entretiennent effectivement une certaine confusion » et que l’on peut, comme le ténor québécois, « crier à l’usurpation d’identité ». Mais elle soulève un autre débat qui est susceptible de créer encore plus de remous : « Le vrai problème, c’est que les opéras annoncés et présentés par l’Opéra de Montréal ne sont pas souvent à la hauteur de la beauté fulgurante et de l’audace de leurs affiches ». Elle ajoute : « S’il faut protester contre quelque chose dans cette affaire, ce n’est pas contre le marketing de l’Opéra de Montréal. C’est contre sa direction artistique », écrit-elle. Et elle s’explique : « Pourquoi, année après année, l’Opéra de Montréal présente-t-il des opéras prévisibles , aux mises en scène poussiéreuses, aux décors sans imagination, loués à Calgary ou à Austin au Texas ? Pourquoi l’Opéra de Montréal réserve-t-il trop souvent un conservatisme pompeux à une expression artistique qui à Bruxelles, Berlin, Lyon ou Londres explose d’innovation et de modernité ? Pourquoi François Girard, qui signe à l’Opéra de Montréal ? Et que dire de Robert Lepage, engagé et acclamé par les opéras les plus prestigieux du monde, mais jamais, jamais appelé à faire de mise en scène de Montréal ». Bien qu’il y ait lieu de rappeler dans le diptyque Le Château de Barbe bleue d’Arnold Schoenberg et Edwartung de Bela Bartok a pu être présenté durant le saison 2003-2004 de l’Opéra de Montréal dans une mise en scène de Robert Lepage, Nathalie Petrowski soulève des questions qui méritent des réponses et pourraient susciter des débats de fond dans le milieu lyrique québécois.

Le débat suscité par Marc Hervieux me semble comporter, tant sous l’angle du marketing que la production lyrique, des interrogations plus que légitimes. Comment expliquer par exemple que les campagnes publicitaires de l’Opéra de Montréal des dernières années aient fait tantôt appel aux solistes des productions (voir les affiches des deux protoganistes du débat Marie-Josée Lord et Marc Hervieux ainsi que celle d’Antoine Bélanger ci-après), tantôt à des stagiaires de l’Atelier lyrique de l’Opéra de Montréal, que la campagne pour l’année 2010-2011 ait donné lieu au concours « Tête d’affiche » pour que « le public participe lui-même à son art, devenant sa tête d’affiche, son image de marque » et que la campagne de 2012-2013 met en présence des mannequins ? Sans doute, a-t-on voulu diversifier les approches publicitaires et ne pas se répéter ? Mais comment se fait-il que la mise en valeur de nos artistes lyriques, et en particulier de la relève, est parfois vue comme utile et gagnante au plan du marketing et que ces mêmes artistes font l’objet d’une évacuation complète, comme en 2012-2013, de l’effort promotionnel de l’Opéra de Montréal.

Des affiches de l’Opéra de Montréal qui suscitent des débats…et font beaucoup parler d’art lyrique!

Au Québec, l’Opéra de Montréal n’est pas la seule, pour reprendre les propos de Marc Hervieux, à être « victime de à la mode ». Pour sa saison 2012-2013, l’Opéra de Québec n’a pas non plus choisi de mettre en valeur choisi les artistes des distributions de La Traviata et de La Vie Parisienne, comme en font foi les affiches ci-après. Et on peut en dire autant de Société d’art lyrique du Royaume qui a fait appel à la bande dessinée, alors que les compagnies lyriques que sont l’Opéra bouffe du Québec et Opéra immédiat ont quant à elles mis en valeur leurs interprètes dans leurs affiches de La belle Hélène et de Roméo et Juliette.

Des affiches de l’Opéra de Montréal qui suscitent des débats…et font beaucoup parler d’art lyrique!

S’agissant du débat de fond qui est soulevé par Nathalie Petrowski, il mérite d’avoir lieu car Montréal a tous les ingrédients pour être l’une des capitales lyriques des Amériques, de la Francophonie et du monde. La planète lyrique acclame nos chefs Yannick Nézet-Séguin et Jacques Lacombe ainsi que nos metteurs en scène Robert Lepage, le tandem André Barbe et Renaud Doucet et François Girard. Et leur présence à Montréal est sporadique, voire inexistante. Et lorsqu’il s’agit des interprètes, l’on s’étonne de constater qu’un grand artiste comme Jean-François Lapointe n’ait pas été entendue à l’Opéra de Montréal depuis fort longtemps ou que l’on a entendu Marie-Nicole Lemieux dans un rôle qui n’est certainement pas à la mesure de son grand talent. Et qu’attend la compagnie lyrique montréalaise pour commander des opéras à des compositeurs et librettistes d’ici ? À créer de l’opéra, à faire en sorte qu’il y ait un opéra québécois, comme il y a un cirque québécois ? À cet égard, Montréal s’est véritablement fait damer le pion par l’Opéra de Québec et son dynamique directeur général et artistique de l’Opéra de Québec Grégoire Legendre. Celui-ci a fait preuve d’audace en créant notamment un Festival d’opéra et en présentant et lors de ses deux premières éditions estivales en 2011 et 2012 des opéras contemporains comme Le Rossignol et autres fables d’Igor Stravinsky et The Tempest de Thomas Adès. Sans doute, la complicité de Robert Lepage n’est pas étrangère aux réussites de l’Opéra de Quéec et au fait que The Tempest soit notamment une coproduction de l’Opéra de Québec, du Metropolitan Opera de New York et le Staatsoper de Vienne!

Les lyricomanes de Montréal méritent une grande compagnie lyrique et le débat sur l’avenir de l’Opéra de Montréal est maintenant lancé !

Concert-conférence sur le talent musical à la Salle Claude-Champagne

La directrice du Laboratoire de recherche sur le cerveau et la musique (BRAMS) et la très lyricomane Isabelle Peretz me prie de vous inviter à un concert-conférence gratuit à l’occasion duquel Gary McPherson de l’Université de Melbourne et Danick Trottier de l’Université de Montréal chercheront à expliquer et démystifier sur le talent musical (y compris le talent lyrique !). La jeune pianiste virtuose de 16 ans Tiffany Poon participera à l’événement en interprétant des œuvres de Scarlatti, Beethoven, Mahtieu, Ravel, Chopin et Listz. Organisé par l’Observatoire interdisciplinaire de création et recherche en musique (OICRM) de l’Université de Montréal et le Centre for Research of Brain, Language and Music (CRBLM) de l’Université McGill, l’événement aura lieu le samedi 19 janvier 2013 à la salle Claude-Champagne à compter de 16 h. Ce concert-conférence viendra clôturer l’atelier de recherche scientifique sur le talent musical qui se tiendra au Carrefour des Arts et Sciences de l’Université de Montréal. Pour plus d’informations sur le concert-conférence, vous pouvez clique ici.

Des affiches de l’Opéra de Montréal qui suscitent des débats…et font beaucoup parler d’art lyrique!

À L’Opéra du samedi, Sylvia L’Écuyer présentera aujourd’hui, le samedi 12 janvier 2013, Il Trovatore de Giuseppe Verdi. La distribution comprend Patricia Racette, soprano (Leonora), Stephanie Blythe, mezzo-soprano (Azucena), Marco Berti, ténor (Manrico), Alexey Markov, baryton (Le Comte di Luna), et Christophoros Stamboulis, basse (Ferrando). L’Orchestre et le chœur du Metropolitan Opera sous la direction de Daniele Callegari. À l’entracte, l’animatrice recevra le musicologue Michel Veilleux qui poursuit sa série sur « Les voix verdiennes » en abordant les mezzo-sopranos. Dans ses acutalités lyriques, Sylvia L’Écuyer présentera un reportage d’Amanda Klang sur la tournée de l’opéra  Svadba / Wedding d’Ana Sokolovic au Canada et celle de la soprano Marie-Josée Lord au Québec avec son CD « Yo soy Maria ».

À « L’opéra…le dimanche aussi ! » et prévision de la visite de Jonas Kaufmann à Pro Musica, je consacrerai la première émission de l’année 2013 à la présentation d’extraits du disque où le ténor chante le cycle Die schöne Müllerin (La Belle meunière) qu’il interprétera à la Maison symphonique de Montréal le 20 janvier 2013. Pour débuter la commémoration du cinquentenaire du décès de Francis Poulenc, je ferai entendre en deuxième partie de l’émission le premier acte de son opéra Le Dialogue des Carmélites dans une production de l’Opéra de Lyon sous la direction de Kent Nagano.

S’agissant des projections d’opéra, la série Operamania présente le vendredi 18 janvier à 19 h une soirée spéciale sur le thème « Deux géants de l’école allemande : Dietrich Fischer-Dieskau et Jonas Kaufmann ». Cet hommage est rendu à celui qui fut le plus grand baryton allemand de la seconde moitié du XXe siècle ainsi qu’à l’un des plus grands ténors de la scène lyrique actuelle. Des extraits vidéo de quelques-unes de leurs plus grandes prestations seront projetés. Les diffusions d’opéra du Café d’art vocal reprendront quant à elles 26 janvier 2013.

La chaîne de télévision TFO fait aussi relâche d’opéra jusqu’au 27 janvier. Dans le cadre de l’émission Great Performances at the MET, le réseau PBS et le Vermont Public Television qui sont accessibles au Québec présentent L’Elisir d’Amore de Gaetano Donizetti le vendredi 18 janvier à 22 h, le samedi 19 janvier à 02 h et le dimanche 20 janvier à 13 h 30. La distribution Anne Netrebko, Matthew Polenzani et Mariusz Kwiecien. La mise en scène est de Bartlett Sher et l’Orchestre et le Chœur du Metropolitan Opera sont sous la direction de Maurizio Bennini.

Des affiches de l’Opéra de Montréal qui suscitent des débats…et font beaucoup parler d’art lyrique!

L’Elisir d’Amore de Gaetano Donizetti
Metropolitan Opera de New York
PBS/VPT
, 2013

Bonne semaine lyrique!


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