Titre original : District 9
Note:
Origines : Afrique du Sud/Canada/États-Unis/Nouvelle-Zélande
Réalisateur : Neill Blomkamp
Distribution : Sharlto Copley, Jason Cope, Nathalie Boltt, David James, William AllenYoung, Robert Hobbs, Kenneth Nkosi…
Genre : Science-Fiction/Drame/Action
Date de sortie : 16 septembre 2009
Le Pitch :
Il y a 20 ans, un gigantesque vaisseau spatial est apparu dans le ciel de Johannesburg en Afrique du Sud. Depuis, le vaisseau se désagrège lentement, en suspension au-dessus de la ville. Les aliens, quant à eux, sont devenus un problème national. Parqués dans le District 9, ces curieuses créatures vivent dans l’insalubrité et la violence inhérente à la domination des gangs, qui font régner leur loi sur le camp. Géré par le MNU, une société privée sans scrupule intéressée principalement par les armes des aliens, le District 9 est en passe d’être rasé. Les extraterrestres devant quant à eux être relogés loin des humains, dans un gigantesque camp de fortune. Chargé de notifier aux aliens leur évacuation, l’agent Wikus van der Merwe se rend dans le District 9 accompagné de soldats. Sur place, il est exposé à une substance qui provoque chez lui une transformation. Désormais traqué par ses semblables, Wikus trouve refuge dans le District 9…
La Critique :
Quand il réalise le court-métrage Alive in Joburg, le réalisateur Neill Blomkamp attire l’attention. Les thèmes abordés par le cinéaste sont puissants et actuels et la maîtrisé visuelle de son film indéniable. Peter Jackson, notamment, décide alors d’investir, via sa société Wingnut Films, dans une adaptation grand format du court-métrage.
Ainsi est né District 9. Un film puissant, politique, audacieux, remarquablement monté et filmé, et du même coup ancré dans notre époque.
Porté par l’interprétation du comédien Sharlto Copley, déjà présent dans Alive in Joburg, District 9 adopte dans un premier temps une approche documentaire, à grand renfort d’interviews et d’images caméra à l’épaule. Vive et intriguante, l’introduction du film pose beaucoup de questions et introduit un contexte brûlant car faisant clairement et sans détour un parallèle avec les problèmes récurrents d’une Afrique du Sud post-Apartheid. Un pays toujours très marqué par la violence qui se dégage d’un racisme omniprésent qui sert de toile de fond à une réflexion très pertinente et politisée, en forme d’exemple flagrant de ce que la science-fiction -et le cinéma de genre en général- peut produire de meilleur quand il s’agit d’utiliser son imagerie et ses symboles au service d’un message tout à fait sérieux.
Appelés « crevettes », de par leur apparence, par les humains, les aliens du District 9 sont hais par une grande majorité et utilisés par le gouvernement à des fins militaires, sans qu’aucune pitié ne leur soit accordé. Parqués dans un bidonville insalubre, les extraterrestres voient leur œufs réduits à l’état de cendres et sont sans cesse les victimes d’humains peu regardant sur leur bien-être où la façon dont ils perçoivent cette violence latente.
Le personnage principal, Wikus, ne vaut pas mieux. Un peu lent et extravagant, il brille par un excès de zèle qui le pousse entre autres à commettre des actes ignobles envers ceux qui appelle les « crevettes ». Haineux lui-aussi dans le seul but de valoriser son rôle dans le délogement des créatures, Wikus n’est pas un héros. Il n’est jamais vraiment sympathique, à part quand il souffre, suite à l’infection dont il est victime. Une infection cruelle pour un être raciste (pas au sens humain/humain, mais bien au sens humain/alien) vu qu’elle le transforme peu à peu en ce qu’il déteste. Mais pour autant, Wikus n’est pas réellement conscient de tous les tenants et les aboutissants de ses employeurs. Il devient leur cobaye et découvre un envers du décors horrible où les pires atrocités sont commises au nom de la course à l’armement.
C’est là que le film prend une autre dimension, quasi philosophique. Entre deux feux, le « héros » devient un alien, étape par étape, et se voit confronté au traitement qu’il faisait jusqu’à présent subir aux créatures. Il souffre, mais conserve son caractère obstiné et égoïste, refusant de s’abandonner à son sort. Narrativement, le film appuie là où ça fait mal. Neill Blomkamp revisite l’histoire de son pays, sans détours, sous couvert d’une science-fiction âpre et violente.
Et il touche au but. Très doué, Blomkamp utilise son savoir-faire pour distiller une tension qui monte crescendo, pour débouler sur une dernière demi-heure démente. À tous points de vue. L’action s’emballe, le spectacle est grandiose. Les corps explosent, la rage aussi, dans un formidable élan viscéral où la chair et le métal fusionnent, avant de s’apaiser dans un élan poétique aussi touchant que bref. Un tour de force aussi brillant qu’original qui renoue avec la tradition d’un cinéma fantastique en adéquation totale avec son époque.
La fable morale est pleine de sens, ne tourne pas quarante ans autour du pot et les codes du found footage d’être ici remarquablement bien maitrisés, surtout si on considère que le cinéaste sait aussi les laisser de côté, quand il s’agit de donner de l’ampleur à son récit.
De plus, et c’est la aussi qu’est la marque des grands, District 9 peut tout à fait s’apprécier au premier degré. Avec son humour noir, son ton souvent badass, bien méchant et ses effets-spéciaux remarquables (les créatures sont étonnantes de réalisme et d’humanité), le long-métrage de Neill Blomkamp possède plusieurs niveaux de lecture. De quoi lui assurer une aura grandissante au fil des ans et une valeur tout aussi exponentielle.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : Metropolitan FilmExport