Pour rattraper mon retard des fêtes, j’ai commencé par le fil d’animation de Noël : « Les mondes de Ralph ». Persuadée que ça me plairait au moins pour le côté jeux, j’ai effectivement été séduite par l’univers quelque peu régressif du film, notamment pour d’anciens joueurs. Dès le début le film exauce un de nos souhaits d’enfant : donner vie à nos héros des jeux vidéo. Ceux-ci prennent vie dès que l’arcade ferme ses portes, et il est amusant de découvrir nos héros passer pour certains de la 2D à la 3D.
Dans cette réalité, certaines trouvailles sont savoureuses : l’existence du train qui les cueille de leur arcade en les conduisant par une voie ferrée, le long du fil électrique, vers la gare centrale qui est la multiprise sur laquelle sont branchées les bornes. Les décors soignés sont travaillés jusque dans la précision de leur texture, et on imagine assez bien l’aspect des bonbons dans le monde sucré ou ceux des machines dans le monde de guerre. Les animations des personnages sont retranscrites fidèlement à leur jeu d’origine, certains se meuvent ainsi parfois de manière un peu saccadée.
Dans cette société virtuelle, il y a des problèmes inhérents : la misère dans laquelle les héros des jeux débranchés se trouvent, réduits à faire la manche pour qu’on puisse rouvrir leur borne. Ou la vision manichéenne du monde, séparant radicalement les gentils et les méchants. C’est elle qui, au cœur du film, va forcer notre héros, Ralph à se révolter contre son destin. Pour continuer d’exister, il ne faut pas être démodé ou comporter de bugs, il faut être dans l’air du temps. Difficile pour le jeu de Ralph, aux graphismes vintages en 8-bit, ses héros commencent à sentir le poids des années. Et pour cause : cela fait 30 ans que jour après jour, Ralph détruit indéfiniment un immeuble dans lequel vivent de gentils locataires, que Félix incarné par le joueur dans l’arcade, répare de fond en comble. Rejeté par les « gentils », il décide de rallier la réunion de méchants anonymes. Les connaisseurs se délecteront de cette scène où tous les méchants disent un mot de leur quotidien. C’est cette répétition journalière, sans surprise, qui commence à peser à Ralph.
C’est aussi cette vision du bien et du mal qui est à l’œuvre dans le film, présentée d’emblée, puis déclinée, et développée. Si l’intérêt du méchant a déjà été mainte et mainte fois démontré, il s’agit ici d’un regard assez naïf que porte ce héros des années 80 sur le monde actuel. Tantôt projeté dans un monde noir, de jeu de guerre, il devient un guerrier dans un escadron mené par une capitaine plutôt sévère, et il s’étonne de cette violence nouvelle, dans les jeux vidéo ; tantôt empêtré dans un monde sucré fait de confiseries, il découvre une petite fillette, victime de bug sur son personnage. Bannie de la normalité et de toutes les activités de son jeu, elle en est la prisonnière mais sent « au fond de son code » qu’elle a un rôle important à y jouer, un destin à accomplir. C’est en s’alliant à elle que Ralph entrevoit la possibilité de rejoindre son propre jeu : constant à mesure du temps les conséquences de ses actes. Bientôt son jeu aussi est menacé, considéré comme défaillant.
Le monde suave dans lequel il s’englue est celui du bien, très bisounours, il n’en contient pas moins des mauvais côtés, des caractéristiques très actuelles et réalistes : l’élitisme des clans de filles, rivalisant de cruauté, ou l’exclusion tyrannique de la petite héroïne qui n’étonne personne. S’il on compte dans cette partie quelques longueurs, on retient tout de même cette tentative de montrer que les choses ne sont pas aussi tranchées, et que le bien et le mal ne sont pas des notions aussi radicales : un méchant peut faire des choses utiles et avoir un grand cœur, le monde sucré n’est qu’illusion et cache peut être un terrible secret, les gentils en excluant notre méchant héros se montrent plutôt sans pitié. Si la fin est prévisible et s’essouffle un peu en bout de course, le film passe très bien et on en ressort avec un sentiment agréable.
A voir :Les mondes de Ralph, un film d’animation de Rich Moore (1h41)