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Bronson (2009) de Nicolas Winding Refn par Cyril Tuloup

Publié le 16 janvier 2013 par Flow

Bronson. (réalisé par Nicolas Winding Refn)

Film carcéral philosophique, Bronson est autant l'étude psychologique du prisonnier le plus violent d'Angleterre que le portrait d'un réalisateur y trouvant le reflet de son art.

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Nicolas Winding Refn avait impressionné tout le monde en 2011 avec le remarquable Drive. Illustrant la solitude et faisant parler haut et fort la musique de son long métrage, le réalisateur était parvenu à sortir un superbe mélange des genres. Avec Bronson, réalisé deux années auparavant, il annonçait déjà la grandeur de son cinéma dans un film plus intelligent mais moins accessible dans sa mise en scène.

Michael Peterson, connu sous le pseudonyme de Charles Bronson, a passé sa vie en prison. Arrêté à l'âge de 19 ans pour un braquage qui ne lui rapportera que quelques dollars, il se fera connaître en cellules pour sa violence envers les gardiens et ses prises d'otages. Il sortira au bout de plusieurs années mais retournera vite derrière les barreaux. Alors qu'il n'a jamais tué personne, il a écopé, pour les dégâts et le vacarme causé dans les prisons, de la perpétuité.

L'impasse.

«J'ai toujours voulu être célèbre [...] mais il ne me restait plus beaucoup de choix...». Le film commence sur des propos sur lesquels on pourrait tous s'identifier. Si l'envie d'être célèbre n'est pas aussi prononcée chez tous les individus, chacun a besoin d'un minimum de reconnaissance, et cette recherche est le point de départ de nos activités. Le premier constat du film est simple: la vie ne nous propose pas grand chose. Un peu à la manière de Fight Club et de sa puissante réplique : «On fait des boulots qu'on déteste pour se payer des merdes qui nous servent à rien», le film retrace la prise de conscience d'un personnage pour sa vie. Bronson ne vas pas se suffire du monde.
La prison comme liberté.

En prison, Bronson trouve ses «outils», le moyen de s'exprimer et de donner un sens à sa vie. Dès qu'il en a l'occasion, il se bat avec les gardiens, se démêle et frappe encore. Il n'a le temps de ne porter que deux coups? Tant pis, ça le valait quand même!
Loin des superflus du monde ordinaire, la prison délivre l'homme de toute obligation financière et de toute contrainte. Sans devoir à rendre à personne, l'individu se retrouve avec lui même. Le réalisateur, qui parvient à filmer les scènes de violence avec subtilité, invente un cinéma presque abstrait: Il utilise l'image du théâtre, emploie de nombreux ralentis, construit son histoire sans logique précise. Il en tire un ensemble brut. La vitesse de certaines scènes contraste avec la quasi immobilité des autres, jusqu'à ressentir le malaise.

On découvre l'Angleterre le mal au cœur. En filmant les lotissements ou des bâtiments qui ne sont pas sans rappeler l'ambiance difficile de The Full Monty, le réalisateur dévoile une Angleterre morte et oppressante rien que dans son architecture. Les lotissements sont le reflet de la vie rangée du citadin moyen et les maisons sont les chaînes d'un peuple engagé au crédit...

Nuances.

Si le film sait rendre justice à son héros et à ses gestes, il parvient à montrer les limites de sa quête. La célébrité est passagère et sa recherche provoque beaucoup de mal: plus le prisonnier est connu, plus il se retrouve en isolement. Mais ce n'est pas contre son personnage que le film s'adresse, mais face à l’obsession médiatique de la célébrité. Nicolas Winding Refn propose à travers ce film une projection de sa personne: lui aussi a toujours voulu être célèbre, mais lui aussi n'a pas eu beaucoup de choix. Il a choisi le cinéma car c'est de ce milieu que viennent ses parents et c'était la seule chose qu'il savait faire. Il réalise un film très honnête envers lui même.

À l'image du prisonnier, l'art est un acte de violence qui permet, mieux que la politique, de changer le monde. Si le film ne fait pas la morale, il tend à défendre la lutte caractéristique de l'art contre les choses convenues. Bronson est le personnage idéal pour porter le message: ses combats sont la beauté intense d'un homme insoumis. Alors que l'individu s'est habitué à obéir spontanément à l'ordre, Bronson ne ferme jamais les yeux sur ses principes et gêne de par sa différence. En assistant à la violence, on extériorise la notre.

Puissance musicale.

Comme dans Drive, la musique prend une énorme importance dans le film. À chaque fois qu'elle apparaît, elle fournit à l'image toute la puissance dont elle a besoin pour saisir l'attention. On vibre littéralement à l'écoute de Glass Gandy ou des Put Shop Boys qui font alors figure de drogue dure. On peut là aussi parler de contraste, car le réalisateur mélange des morceaux Electro/Pop à des musiques classiques de Schubert ou Wagner.

Bronson réussit à parler d'un personnage sans lui enlever ses mystères. Porté par un Tom Hardy qui livre ici sa meilleur performance, le film ne ressemble à rien de déjà vu auparavant dans le cinéma.


Note:

Pastèque de premier choix


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