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[Critique] DJANGO UNCHAINED

Par Onrembobine @OnRembobinefr
[Critique] DJANGO UNCHAINED

Titre original : Django Unchained

Note:

★
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Origine : États-Unis
Réalisateur : Quentin Tarantino
Distribution : Jamie Foxx, Christoph Waltz, Leonardo DiCaprio, Kerry Washington, Samuel L. Jackson, Don Johnson, Walton Goggins, James Remar, Amber Tamblyn, Jonah Hill, Tom Savini, Zoe Bell, Laura Cayouette, Dennis Christopher, M.C. Gainey, Cooper Huckabee, James Russo, Franco Nero…
Genre : Western
Date de sortie : 16 janvier 2013

Le Pitch :
Aux États-Unis, deux ans avant le début de la Guerre de Sécession, le Docteur Schultz, un chasseur de primes, demande l’aide de Django, un esclave qu’il affranchit, afin de retrouver trois hors-la-loi. Associé du Docteur Schultz, Django affine sa gâchette au fil des contrats, mais nourrit un unique but, qu’il ne tarde pas à partager avec l’homme qui lui a retiré ses chaines : retrouver et sauver sa femme, retenue dans la plantation du tyrannique Calvin Candie…

La Critique :
Quentin Tarantino a changé ! Depuis Reservoir Dogs, l’enfant terrible, ancien employé de vidéo-club et cinéphile acharné, a évolué. Cela signifie-t-il que Reservoir Dogs justement est moins bon que Django Unchained ? Non, pas nécessairement. Cela signifie surtout que désormais, Tarantino fait du cinéma de grande ampleur. Il ne se fixe plus de limites. Les budgets sur lesquels il s’appuie sont plus conséquents, il se permet -pour Django Unchained- de tourner quasi-exclusivement en décors naturels et tout le monde (ou presque) veut jouer sous sa direction. Aujourd’hui, Tarantino est un grand. Même si au fond, il l’a toujours été. Il est alors tentant de faire une analogie musicale.

Prenons les Beatles. Leurs premiers albums étaient constitués de reprises de standards du rock et leurs premieres compositions s’inspiraient très largement de cette scène là (Elvis Presley, Chuck Berry et compagnie). Par la suite, dès Rubber Soul, les Quatre Garçons dans le Vent ont donné de l’ampleur à leur musique, multipliant les expérimentations et les coups d’éclats audacieux. Une évolution notable donc, qui n’a pourtant jamais dépossédé les Beatles de leur style. La patte qu’ils avaient lors de leurs concerts au Cavern Club n’a pas véritablement connu de bouleversement total. Dès le début, dès leur rencontre, tout ce qui faisait des Beatles, les Beatles était là.
Et bien, avec Tarantino, c’est la même chose. On reconnaît un film de Tarantino dès les premiers plans et les premières notes de son générique. Une observation valable pour tous ses films. Son style est marqué. Très marqué. Son son est constitué d’influences diverses et variées et les cocktails qu’il nous sert depuis Reservoir Dogs, de partager un goût prononcé pour le mix suave, indomptable et respectueux de ses références.

Dans cette optique, sachant que son précédent long-métrage, Inglorious Basterds, avait, de par son ambition et son contexte, marqué un tournant dans la carrière du réalisateur, on peut affirmer que Django Unchained suit la même voie. Inglorious et Django portent tous les deux ce désir d’aborder un sujet grave, tout en le mixant à des éléments issus de la pop culture, qu’elle soit musicale, cinématographie ou même littéraire. On peut d’ailleurs carrément parler de culture au sens large, vu certaines références présentes dans Django (Alexandre Dumas par exemple).
Avec sa dernière livraison, Tarantino jette à nouveau son regard sur l’Histoire (notez la majuscule) et passe des contrées européennes de 39/45 ravagées par le nazisme, aux plantations de coton d’une Amérique raciste, alors aux portes d’une guerre qui changera pas mal de choses (la Guerre de Sécession donc). Et non, il n’abandonne pas sa légendaire verve, ni son humour, ni la violence grand-guignolesque largement gore qui pousse encore et toujours ses détracteurs à l’ouvrir pour exprimer leur mécontentement.

Django Unchained est un film puissant. Pour les thèmes qu’il aborde, à savoir le racisme, l’esclavage, mais aussi l’amour, l’amitié, la rédemption et la vengeance ; et pour la façon dont il met tout ceci en œuvre. Quand il se la jouait révisionniste, en mettant en scène des personnages historiques connus de tous dans Inglorious Basterds, Tarantino préfère opter ici pour une symbolique éloquente. Django incarne un ange exterminateur, prêt à tout pour retrouver son amour, y-compris à louer son âme au diable (et non à vendre ! La nuance est importante et ce pour des raisons qui ne seront pas évoquées ici pour éviter tout spoiler). Au début, renfermé, Django prend confiance au terme d’un rapide épisode initiatique et se forge un caractère et une apparence qui achèvent de le transformer en héros mystique, dans la stricte lignée du lonesone cow-boy cher à Clint Eastwood, Sergio Leone ou bien sûr -vu que c’est tout d’abord à lui que Tarantino fait de l’œil- à Sergio Corbucci, le réalisateur de Django, l’un des westerns fétiches du cinéaste, datant de 1966.
Un héros complexe, crépusculaire, mais aussi redoutablement funky.
L’inconisation fonctionne à plein régime. Jamie Foxx trouve l’un de ses plus grands rôles, il a la classe et sa capacité à conserver en permanence cette cool-attitude sans jamais sacrifier une certaine gravité quand les circonstances l’exigent, fait merveille.
Un personnage somme qui trouve chez son acolyte, campé par le décidément extraordinaire Christoph Waltz, un compagnon d’aventure rêvé. Garant d’un humour, mais aussi d’une émotion touchante, via une amitié à la force exponentielle et dévoué à une noble cause, le comédien continue lui aussi dans la lignée du salopard qu’il jouait dans Inglorious Basterds. Cette fois-ci du bon côté, Waltz impressionne constamment. Dans sa bouche, les dialogues toujours finement ciselés de Tarantino trouvent un réceptacle idéal. À la seule force de son charisme et de sa propension à s’intégrer à tous les environnements, Waltz contribue à donner au film son identité et sa saveur sucré-salé. Il peut être grave, affecté, léger et menaçant, en l’espace de 5 minutes et ses joutes avec les autres acteurs de se transformer, sous l’objectif du chef d’orchestre, en véritables scènes d’action palpitantes et jubilatoires.

Il ne faut pas oublier de chanter également les louanges de Leonardo DiCaprio, parfait en immonde salopard esclavagiste. Avec ses chicots et son arrogance, il campe un bad guy de haut-vol, à la hauteur des ambitions de l’œuvre. Il effraie, est pathétique, cruel et ne faillit jamais.
Dans Django, personne ne tire la couverture à soi et chacun donne le meilleur. On peut évoquer la formidable performance du trop rare Don Johnson (Deux Flics à Miami), celle de l’habitué Michael Parks, celle de Jonah Hill, caution comique aussi brève que notable, celle de Tom Savini (bon ok, on ne le voit presque pas, mais il est génial quoi qu’il fasse alors…) et bien sûr, celles de Samuel L. Jackson et de la sublime Kerry Washington.
Le premier tient peut-être le rôle le plus difficile. Ambigu et porteur de tous les travers de l’Amérique du Ku Klux Klan, Jackson, fidèle lui aussi du réalisateur, est fabuleux. Métamorphosé, il incarne également (et surtout), le côté insidieux de la haine raciale, et personnifie ses effets vicieux. Un tour de force totalement oublié des Oscars ou des Golden Globes, ce qui au passage est scandaleux.
Kerry Washington est quant à elle l’une des seules femmes de la distribution. Avec Django Unchained, Tarantino est revenu à un cinéma plus riche en testostérone. Cependant, la poésie et l’espoir qu’incarne Kerry Washington en dit long sur l’amour intact que le réalisateur a pour ses actrices. Il les malmène certes, mais au final, leur réserve un rôle plein de sens.

Derrière la caméra, Quentin Tarantino fait preuve d’une maestria incroyable. En réalisant son fantasme de toujours, Tarantino livre à son public un grand western. Toujours honnête et franc, jamais irrespectueux de ses ainés et courageux dans son intention d’aborder des thématiques qui n’ont pas manqué de provoquer le courroux de quelques personnalités notoires (Spike Lee en tête), Quentin produit un cinéma plein de caractère et d’audace.
Avec Django, il franchit une nouvelle étape, mais garde le même son. Celui qui nous fait jubiler et qui ici, sait aussi tirer les larmes et provoquer la chair de poule. De la musique (Johnny Cash, Ritchie Haven -passage monumental-, RZA…), à la mise en scène, Django Unchained est un classique instantané certes, mais c’est surtout un classique instantané cohérent, qui devient culte dès que les dernières mesures de son générique ont fait entendre leur mélodie. Chef-d’œuvre donc !

P.S : oui, les 2h45 sont totalement justifiées…

@ Gilles Rolland

[Critique] DJANGO UNCHAINED

Crédits photos : Sony Pictures Releasing France


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