Magazine Cinéma

Furie

Publié le 17 janvier 2013 par Olivier Walmacq

1

Genre : Drame, Film noir

Année: 1936

Durée : 1H28

L’histoire : Joe Wilson un citoyen américain honnête et intègre, part rejoindre sa fiancée. Sur la route il est arrêté par la police qui l’accuse d’enlèvement. La nouvelle se répand bien vite dans la petite ville et la foule surexcitée réclame un lynchage. Les habitants incendient la prison laissant Wilson pour mort. Plus tard les journaux publient la preuve de l’innocence de Wilson.

La critique de Vince12 :

Attention Chef d’œuvre ! Furie réalisé par Fritz Lang en 1936. A l’époque le réalisateur allemand a déjà un beau palmarès à son actif et est unanimement reconnu.

 Au milieu des années 30, l’Allemagne est sous le régime nazi, Hitler est au pouvoir. Lang pour sa part déteste ce régime et a longtemps prévenu des dangers de la montée du nazisme à travers ses films. Paradoxalement, le Führer est un grand admirateur de l’œuvre de Lang et prétend même que Metropolis est son film préféré. Hitler propose donc à Lang de réaliser des films de propagande pour les nazis. Lang a le cul entre deux chaises, d’un côté il hait l’idéologie nazie, d’un autre côté il sait qu’on ne peut pas dire non à Hitler. Il décide alors de s’exiler aux Etats Unis.

Une fois chez les ricains, il compte bien reprendre son travail de réalisateur, cependant il va découvrir que les libertés sont parfois restreintes par la machine Hollywood. Cela ne l’empêche pas de se lancer dans la réalisation de Furie, son premier long métrage tourné sur le sol américain.

Attention SPOILERS

2

Joe Wilson est fiancé avec Katherine Grant. Tous deux rêvent de se marier. Cependant Katherine doit partir travailler dans une autre ville loin de Joe qui promet de la rejoindre. Alors que Katherine part, Joe rejoint ses deux frères, qu’il tient à l’écart des mauvais coups. Joe est en effet un homme intègre pour qui l’honnêteté prime par-dessus tout.

Les trois frères parviennent à monter un garage et les affaires vont plutôt bien. Joe décide alors de rejoindre Katherine en voiture. La route est longue et il s’arrête pour camper. En lisant le journal il apprend qu’une jeune fille a été enlevée par des kidnappeurs qui réclament une rançon. Le lendemain alors qu’il reprend la route il est arrêté par un des hommes du shérif de la ville de Strand. Bien vite il se retrouve suspecté d’avoir participé au Kidnapping en raison du fait qu’il est friand des cacahuètes salées tout comme l’un des ravisseurs d’après les signalements.

Amené au bureau du shérif il se démène mais les évènements s’enchaînent. La police se demande pourquoi il a campé dehors en voiture, de plus elle retrouve sur lui un billet de cinq dollars qui aurait fait partie du lot de la rançon. Joe est emprisonné, de forts soupçons pèsent sur lui.

3

Bien vite la rumeur se répand à travers toute la ville. Et alors que la première bouche murmure qu’un homme seulement soupçonné de faire parti du kidnapping a été arrêté avec cinq dollars sur lui, la dernière oreille entend que le kidnappeur a été arrêté avec 10 000 dollars sur lui. La tension monte dans la ville, Kirby Dawson un voyou du coin qui a déjà fait quelques séjours en prison joue les agitateurs affirmant que la ville doit châtier le kidnappeur bien vite. Et c’est l’effet boule de neige, la foule se rassemble devant le bureau du shérif et demande à voir le prisonnier. Alors que le shérif essaie de calmer la population, les choses dégénèrent, les projectiles commencent à voler et bien vite la foule devient incontrôlable. Les gens de la ville parviennent à prendre le bureau du shérif, mais ne possédant pas la clé des cellules, ils ne parviennent pas à atteindre celle du prisonnier et décident de faire brûler la prison.

Pendant ce temps, Katherine qui a appris que son mari avait été arrêté, se rend sur place et découvre avec horreur son mari derrière les barreaux de sa cellule dans la prison en feu, ses hurlements couverts par les rires de la population.  Plus tard Les journaux annoncent que les vrais kidnappeurs ont été retrouvés et que la foule a lynché un innocent. Ivres de rage les frères de Joe rêvent de vengeance quand ce dernier apparaît alors au seuil de la porte. Il n’est pas mort mais dévasté par la haine. Joe décide de rester caché et de continuer de faire croire à sa mort pour que les lyncheurs soient condamnés à mort lors du procès intenté contre 22 habitants de la ville de Strand.   

4

Voilà donc pour l’intrigue du film. J’en ai dit beaucoup (cela dit j’ai averti des SPOILERS), mais c’était le seul moyen pour analyser ce film un minimum. On ne va pas tourner autour du pot, Furie est clairement l’un des plus grands chefs d’œuvres du réalisateur qui signe un film fort et dénonciateur.

Tout d’abord ce qui me chagrine un peu avec les films de Lang, c’est que beaucoup de gens ont tendance à les résumer trop simplement. Par exemple M le Maudit est résumé à une dénonciation de la montée du nazisme, c’est incroyablement réducteur, pour un film si riche. Idem pour Furie on le réduit à une simple dénonciation du lynchage, or c’est beaucoup plus que cela.    

Certes la critique du lynchage est bien là, commençons par cela. Il faut savoir qu’en Amérique le lynchage est carrément devenu un mythe, voire un rituel à l’époque. C’est simple, au moment ou Furie a été fait, l’Amérique comptait déjà pas moins de 6000 lynchages (et encore ce sont là ceux qu’ont a recensé). Clairement pour Fritz Lang, c’est l’occasion de taper fort. Autant dire que le cinéaste a parfaitement saisi l’essence de ce mouvement. Une rumeur qui s’amplifie par le bouche à oreille et une population blasée du quotidien qui se moque de savoir si oui ou non on a un coupable, mais qui veut seulement se faire une victime. On se souvient de la phrase d’un des lyncheurs « Allons nous amuser un peu ». L’Amérique profonde en prend pour son grade. Furie est une analyse parfaitement réussie du lynchage, cependant sur le sujet, ce film n’est pas être pas autant dénonciateur que M le Maudit dans le fond, sinon Fritz Lang n’aurait sans doute pas choisi de prendre le schéma classique de l’innocent accusé à tort.

5

En fait Furie va plus loin dans le sens ou c’est carrément une analyse sur la folie humaine, la folie de la foule dans un premier temps, mais la folie de la vengeance dans un second. Ici Lang nous dresse le portrait d’un personnage honnête et optimiste qui va découvrir la noirceur de l’homme et qui va lui-même se transformer en un être redoutable. Le personnage de Joe est alors métamorphosé, obstiné par sa vengeance, au point de vouloir se séparer de sa fiancée ou encore de rester caché jusqu’à la fin de ses jours pour faire croire à sa mort et pour s’assurer du même coup que les lyncheurs trouvent bien le chemin de l’échafaud. A un moment donné on le voit même prêt à tuer ses deux frères pour aller jusqu’au bout de sa vengeance.

En fait dans Furie Lang s’attaque à nouveau à un de ses sujets de prédilection, pas tellement le lynchage, pas tellement la vengeance mais plutôt la bestialité de l’homme. On se souvient bien sur de la foule de lyncheurs en furie, d’un Joe Wilson ivre de rage et de vengeance racontant une séance au cinéma ou il a assisté à un documentaire sur son lynchage aux côté d’une foule joviale devant le spectacle (malgré le fait qu’à ce moment là tout le monde sait que Wilson était innocent).

6

Bref Fritz Lang signe un film sombre sur la noirceur de l’âme humaine. Pour le cinéaste c’est aussi l’occasion de s’en prendre à la société américaine sous ses différents aspects, la police qui arrête un individu pour de simples cacahuètes, les représentants du gouvernement qui bien qu’étant au courant de la possibilité d’un lynchage refusent d’envoyer l’armée pour ne pas déplaire à la foule à quelques mois de la campagne électorale. Même la justice est ici représentée de façon sinistre aussi bien du côté de la défense que de l’accusation, les deux parties étant visiblement prêtes à tout pour atteindre leur but.

Furie est donc un film riche qui aborde des thèses passionnantes. Mais aussi faut t’il dire que le film est appuyé par une réalisation virtuose de Fritz Lang. Une fois encore le cinéaste s’impose comme un maître absolu du film noir. La tension monte crescendo, le réalisateur joue avec la lumière et les ombres pour créer une ambiance exceptionnelle, il n’hésite pas à faire des métaphores comme montrer un groupe de poules pour symboliser la foule, ou encore des endroits sombres et déserts pour faire transparaître la folie et la solitude du personnage principal.  

Le film peut également s’appuyer sur un très bon casting, Sylvia Sydney, Walter Abel, Bruce Cabot entre autres. Mais bien évidemment on retient surtout la prestation démoniaque de Spencer Tracy qui une fois encore prouve qu’il est le ou l’un des meilleurs acteurs de sa génération. L’acteur est totalement investi par son rôle et contribue largement à la métamorphose du personnage.

7

Tous ces éléments font de Furie un chef d’œuvre absolu, pourtant on ne peut qu’être un peu déçu quand on sait que le film a souffert du système hollywoodien qui imposa une durée assez courte et un « Happy end » obligatoire. Lang disait lui-même que le film aurait gagné à finir de façon pessimiste et sombre. De même qu’avec une durée plus importante, la folie de Spencer Tracy aurait pu être beaucoup mieux développée.

Malgré ses petits défauts à mettre sur le compte du système hollywoodien, Furie reste un chef d’œuvre qui se range facilement dans les meilleurs crus du réalisateur.    

  

Note : 18/20


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Olivier Walmacq 11545 partages Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines