Le Restaurant L’Hôtel par Patrick Faus
: cuisine banale
: cuisine d’un bon niveau
: cuisine intéressante et gourmande
: cuisine de haut niveau… à tous les niveaux
: cuisine exceptionnelle
… des plats aboutis, bien pensés et parfaitement réalisés…
On a tout dit sur l’Hôtel de la rue des Beaux-Arts. Le quartier, l’église Saint-Germain à deux pas en remontant la rue Bonaparte ou la rue de Seine. La rue des Beaux-Arts (ce nom, déjà) paisible et so arty avec les plus belles galeries d’art de Paris. Le bélier en bronze au-dessus de la porte, seul symbole reconnaissable pour ne pas passer devant l’hôtel sans le voir. L’entrée déjà étonnante sinon mystérieuse, donnant sur une enfilade de pièces. Ce décor d’un autre âge et pourtant sans âge, son ambiance ouatée, presque sans bruit qui incite à parler doucement pour ne pas troubler ce fragile équilibre qui vous isole du monde et vous transporte dans un autre. Une esthétique en clins d’œil successif due à Jacques Garcia qui a revisité les influences et les références de l’histoire du lieu. Ses clients, passés et trépassés, avec cette chambre d’Oscar Wilde où il mourut « au-dessus de ses moyens » aurait-il dit, première victime historique d’une cabale qui lui valut la notoriété plus que ses écrits. Il y eut aussi Jim Morrison des Doors, au début de sa fin, et tant d’autres dont les noms se perdent dans le fond de notre mémoire, Dali, Cocteau, Borges, si différents mais dont le lien fut, l’espace d’une nuit, ce lieu hors du temps.Pour revenir au présent et à des plaisirs plus terre à terre, on mange aussi à l’Hôtel. Et fort bien. La salle de restaurant, unique dans son genre, cosy, chic, siglée Garcia elle aussi, est tout à fait dans l’esprit du reste. La clientèle est au diapason, presque en harmonie, sage, en couples ou petits groupes, avec des petits coins presque sombres propices à une intimité discrète le soir venu. Dilemme : la cuisine du nouveau chef Julien Montbabut devrait-elle épouser le décor ou bien trouver sinon affirmer sa propre personnalité, définir ses codes, orienter nos envies et provoquer nos faims. Il a choisi, sans hésiter, la deuxième voie. Bon choix. Arrivé en droite ligne de La Grande Cascade de Frédéric Robert, formé dans les meilleures maisons dont Ledoyen de Christian Le Squer, il donne une tonalité classique à sa carte avec toujours des pointes et des ponctuations personnelles très actuelles. Du style, de l’équilibre, de l’expérience et une volonté farouche de satisfaire les plus exigeants. Pour une fois, les amuse bouches donnent le ton : tout en légèreté et délicatesse. Fraîcheur : Saint-Jacques de Normandie, crème prise à la livèche, en carpaccio acidulé, caviar osciètre et pomme verte. Classique revisité : Grenouille, bouillon d’ail rose, cuisse dorée, fregola sarda cuisinée au vert. Vent de la mer : Saint-Pierre cuit sur la peau, bouillon lié à la feta, poireau et calamar. Sel de la terre : Ris de veau crousti-moelleux, salsifis et comté. Sucré ma non troppo : Marron en biscuit roulé, confit d’airelle, chantilly vanillée.Une cuisine et des plats aboutis, bien pensés et parfaitement réalisés. Un chef en train d’affirmer son talent et il a raison. Inutile de préciser que la carte des vins est fort riche dans tous les sens du terme, le choix et les propositions de vins au verre du sommelier sont fort pertinents et assez abordables, le service parfait de compétence et de gentillesse (ça fait du bien…), les tables magnifiques, le confort ouaté, cet ensemble d’une harmonie presque parfaite rendant le Restaurant de l’Hôtel définitivement unique et indispensable.
Rencontre avec Julien Montbabut
Quel a été le déclic cuisine ?
J’étais au lycée quand je me suis demandé quelles orientations j’allais prendre. J’étais à Paris dans une famille de cinq enfants et dans les taches partagées j’avais la cuisine. J’y ai pris beaucoup de plaisir. Préparer pour faire plaisir aux autres m’a plu. Mon premier stage a été à La Closerie des Lilas où je me suis présenté tout seul. J’ai adoré le travail et j’ai continué.
Quels sont les lieux et les personnages qui vous ont marqué dans votre jeune carrière ?
La fermette Marbeuf, bonne expérience de départ dans la profession. Christian Le Squer chez Ledoyen, grosse brigade et la perfection dans chaque assiette. Puis le choc Benoît Guichard, MOF et deux étoiles chez Jamin. On était seulement 4 en cuisine mais j’ai côtoyé un génie de la technique qui m’a tout appris et je continue à suivre beaucoup de ses conseils. C’est un grand chef méconnu mais qui le voulait ainsi et qui ne communiquait pas du tout. Il a découvert Thiébaut pour les légumes et Desnoyer comme boucher mais ils ne le disent jamais. Enfin, Frédéric Robert à La Grande Cascade que j’ai adoré.
Quel est le challenge ici ?
Un peu plus de communication tout en conservant l’atmosphère. J’ai refait la carte avec déjà deux créations qui marchent très fort : les grenouilles et le ris de veau. Je tiens aussi à garder un niveau de prix assez abordable et c’est pour ça que je mets la truffe, qui est hors de prix cette année, uniquement à râper sur un plat, au choix du client.
Un repas bouleversant récemment ?
El Celler de Can Roca, en Espagne. Un de mes plus beaux repas, un côté hyper moderne dans les cuissons et les présentations mais des goûts hyper classique. C’est un peu ce que je veux faire ici et à mon niveau. En France, ma plus grande émotion fut Paul Bocuse. Un moment rare avec des amis et une poularde en vessie d’anthologie. C’est kitsch peut-être mais c’est tellement bon !
13, rue des Beaux-Arts
75006 Paris
Tél : 01 44 41 99 01
www.l-hotel.com
M° : Saint-Germain des Prés
Fermé dimanche & lundi
Menus (déjeuner en semaine) : 32 € (1 plat) – 42 € (2 plats) – 52 € (3 plats)
Carte : 95 € environ