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A vif

Par Cameron

   C’est d’abord une voix. Une voix et un regard. La voix est sourde, lente, délibérément précise dans son articulation. Le regard est à la fois poétique et rigoureux, effleurant les choses avec une attention davantage de l’ordre de l’amour que de l’observation. Erica Baine se promène dans la ville, elle le raconte en toute simplicité, au micro.

   Mais Erica Baine va subir une agression d’une violence rare, qui la laissera dans le coma et pire encore sera fatale à son fiancé. Alors, bien sûr, lorsqu’elle reprend conscience, son regard sur la ville a changé. Sa voix aussi. Car sa voix continue de rythmer son univers intérieur en morceaux, alors qu’elle tente tant bien que mal de gérer la terreur et le chagrin. Sous ses propres yeux elle devient une autre. Une que l’angoisse fait lentement basculer vers le pire, une qui finit par renvoyer vers l’extérieur la violence dont elle a été victime. Nous l’accompagnons dans sa descente aux enfers personnelle tout au long du film. Et comme elle, nous restons muets, incapables de comprendre ce qui est en train de se passer, incapables aussi d’accepter qu’Erica devienne une étrangère dans son propre corps. A la violence succède la violence, mais cette fois une violence de victime, détachée et investie en même temps, autant maîtrisée que monstrueuse, échappant au contrôle mais devenant la seule arme pour, justement, retrouver le contrôle. Une violence sans explication, ni excuses. Une violence qui détruit Erica presque davantage que l’agression dont elle a fait les frais.

   Alors Erica ne maîtrise plus rien. Elle plonge. Elle ne sait plus ce qu’elle fait, mais ce qu’elle fait, elle y met beaucoup d’application. Elle n’a pas de mission à remplir, elle réinvente son corps au fur et à mesure qu’elle tue. Elle essaye de redevenir autre chose qu’une voix désincarnée. Et il n’y a pas de justification à ses crimes. Elle-même se haït de brandir une arme, de tirer. Elle sait qu’elle n’est plus Erica Baine. Elle cherche qui elle est devenue dans le regard de ses victimes peut-être, dans le regard de l’inspecteur chargé de l’enquête plus sûrement. Mais de réponse, elle n’en trouve pas. Alors certes la fin du film peut laisser croire à une certaine apologie de l’autodéfense, mais en réalité, il m’a semblé que ni le scénario ni le metteur en scène ne pouvaient terminer autrement le périple d’Erica Baine. Car elle ne reviendra pas en arrière, car elle n’est plus la femme d’avant. Car elle n’est plus rien.

   Erica Baine, c’est Jodie Foster. Le film, c’est sa voix. Est-il besoin d’en dire plus ?

A vif (The brave one), de Neil Jordan, avec Jodie Foster, Terrence Howard..., 2007


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