(Republic Records/Universal Music Group)
_
Quand on dit « film de Quentin Tarantino », on pense immédiatement violence, dialogues et musique. En effet, s’il y a une chose aussi importante que l’image chez Q.T, c’est bien la bande sonore. Le réalisateur avoue lui-même qu’avant de tourner, il se plonge dans sa collection de disques pour trouver l’ambiance parfaite qui mettra en valeur son film. Et il faut dire que le garçon s’y connait si on se réfère aux excellentes bandes originales de Pulp Fiction, Jackie Brown (sans doute la meilleure de toute), Kill Bill ou bien Death Proof. Au point qu’aujourd’hui la B.O est quasiment autant attendue que le film en lui-même et que l’on n’hésite plus à séparer les deux comme si l’entité musicale était assez forte pour être indépendante.
_
Alors qu’il s’agissait de véritables juke-box ambulants -tant et si bien que certains ont petit à petit critiqué le manque de créativité de l’auteur à ce sujet-, la donne a quelque peu changé depuis Inglorious Basterds puisque, désormais, Tarantino fait appel à des compositeurs pour la musique de ses films.
C’est ainsi que l’on retrouve les chanteurs soul Anthony Hamilton (aidé par Elayna Boynton) et John Legend, l’ami Rick Ross et même un mashup de James Brown/Tupac. Et ce n’est pas un hasard si ces artistes font partis de la mouvance afro-américaine au vu du thème du film.
Néanmoins, même si tout ces différents titres sont bons, on a du mal à transvaser le genre sur l’image. Si Freedom (Hamilton & Boynton) arrive à convaincre, la scène où apparait 100 Black Coffins de Rick Ross relève un certain anachronisme un peu difficile à oublier. Des cow-boys à cheval sur la grosse voix de « Ricky Rozay », faut reconnaître que c’est déroutant. Mais intrinsèquement le titre est excellent (produit par Jamie Foxx!) et si on se tient donc à juger les titres inédits en tant que musique à part entière et non pas en « musique de film », alors on peut dire que le pari de faire apparaître pour la première fois autant de morceaux crées est réussi.
Pourtant, on peut regretter que, dans cette ambiance de western spaghetti, Tarantino n’ait pas allé piocher du côté rock-blues de la force avec un groupe tout trouvé pour ce genre de chose: The Black Keys. Franchement, c’était l’assurance d’un tube assuré au minimum. Ne boudons pas notre plaisir pour autant, c’est cool de voir enfin du rap et du r&b reconnus ailleurs que dans les films de drogues et de gang.
_
Rick Ross – 100 Black Coffins
_
Anthony Hamilton & Elayna Boynton – Freedom
_
Mais comme on ne se refait jamais vraiment, Q.T. n’oublie pas d’aller piller les ancêtres pour garnir sa progéniture. Et quand on parle western/western spaghetti, difficile de faire sans les deux légendes que sont Ennio Morricone et Luis Bacalov dans le genre. Bon, on toussote quand même un peu de gêne quand on voit qu’il va piocher dans la version 1966 de Django ou de On l’Appelle Trinita…
On notera que Morricone livre tout de même un inédit avec Ancora Qui, interprété par la chanteuse italienne Elisa. Un joli morceau, bien western cette fois-ci. D’ailleurs, et fort logiquement, cette partie de la B.O. correspond bien plus aux normes du genre et forcément, ça devient un peu chiant. Ouais, la musique de cow-boy c’est amusant cinq minutes, plus, ça devient irritant. On ne peut que reconnaître le talent des deux compositeurs évidemment (et des autres qui truffent le disque) mais, pour le coup, on est face à de la musique de film, qui accompagne l’image, pas dans de la composition pur et dur. Les morceaux sont donc plus difficiles d’accès, moins prenants (La Corsa de Bacalov ou Sister Sara’s Theme et Un Monumento de Morricone), à moins d’aimer ça évidemment.
Il est quand même possible de ressortir deux, trois chansons du lot, à chaque fois dès que ça remue de la couenne un peu plus. C’est le cas de Too Old to Die Young de Brother Edge ou de l’excellent Lo Chiamavano King de Bacalov et Edda dell’ Orso qui aurait pu apparaître dans n’importe quelle autre bande son de la filmographie de Tarantino.
_
Luis Bacalov & Edda dell’orso – Lo Chiamavano King
_
C’est peut être la première fois que la B.O de Q.T dépend autant de son film (avec Kill Bill), preuve en est avec l’omniprésence des dialogues qui la composent. Pas moins de sept extraits et même si le scénario du film est truculent, il n’était peut être pas nécessaire d’en fourrer autant. A vrai dire, seuls ceux avec Samuel L. Jackson valent vraiment le coup d’être présents, notamment Hildi’s Hot Box. En découle donc quelques longueurs largement dispensables et qui décousent quelque peu le tout.
_
Django Unchained se démarque donc des précédentes bandes originales de par la volonté de son créateur de diversifier son champ d’action. Plus d’inédits et au vu du résultat, on ne peut que l’encourager à poursuivre dans cette direction. Mais il faut l’avouer, on aime bien ses vols à l’étalage quand c’est pour nous sortir des pépites ou dépoussiérer des classiques. Malheureusement ici, ce n’est guère le cas. Il faut dire que le film ne s’y prête pas vraiment, alors on lui pardonne.
Ce n’est pas sa meilleure d’accord, mais l’important est ailleurs: il reste l’un des seuls types pour lesquels on chronique une OST avec plaisir. Et ça, c’est déjà un fort exploit.
_
_
_
Tracklist: 1. James Russo - Winged (Dialogue)
2. Luis Bacalov & Rocky Roberts - Django
3. Ennio Morricone - The Braying Mule
4. Christoph Waltz & Jamie Foxx - In That Case Django... (Dialogue)
5. Luis Bacalov & Edda del' Orso - Lo Chiamavano King
6. Anthony Hamilton & Elayna Boynton - Freedom
7. Don Johnson & Christoph Waltz - Five-Thousand-Dollars Nigga's (Dialogue)
8. Luis Bacalov - La Corsa
9. Don Straud - Sneaky Schultz (Dialogue)
10. Jim Croce - I Got a Name
11. Riziero Ortolani - I Giorni dell' ira
12. Rick Ross - 100 Black Coffins
13. Jerry Goldsmith - Nicaragua
14. Samuel L. Jackson, Leonardo di Caprio & Christoph Waltz - Hildi's Hot Box (Dialogue)
15. Ennio Morricone - Sister Sara's Theme
16. Elisa Toffoli - Ancora Qui
17. James Brown & 2Pac - Unchained (The Payback/Untouchable)
18. John Legend - Who Did That You
19. Brother Dege - Too Old to Die Young
20. Samuel L. Jackson & Jamie Foxx - Stephen the Poker Player (Dialogue)
21. Ennio Morricone - Un Monumento
22. Samuel L. Jackson & Jamie Foxx - Six Shots Two Guns
23. Annibale E I Cantori Moderni - Titoli
_
_
_
_