Vœux du fakir
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qu’une pluie d’innombrables malheurs
s’abatte sur vous
et vous aide à goûter pleinement
de rares instants de bonheur
réveillez-vous de votre gueule de bois
à l’instar de « Jesus »
vous n’avez plus de prépuce
pleurez, riez, oubliez
voyez combien la vie est belle
apprenez à dompter la magie du fakir
à vivre en harmonie avec le monde
en sortant vos poubelles au moment adéquat
à faire pousser le blé
en charmant les serpents à sonnette
à être heureux avec des pointes de fer
enfoncées dans le cul
et tout un tas d’autres merveilles
que diriez-vous de vous envoyer en l’air ?
d’avoir la consistance d’un nuage ?
de devenir yogi, ou mage ?
et de brûler au cœur de l’atmosphère ?
MES MEILLEURS VŒUX A TOUS
apprêtez-vous, Mesdames, Messieurs, à vivre
une année remarquabl-
ement semblable à la précédente
Gerber
descendre l'insensé
flot d'essence dorée
aux soirées arrosées
de nos adolescences
laisser tomber
lovés sur le
béton nos deux
vélos volés
et sur la blanche nei-
ge des cloaques
de nos jeunes-
ses alcooliques
– ton corps, cheval crevé
offert dans les fourrés –
les valses de nos rêves,
tes trips –
à quatre pat-
tes sur le sol de la patrie –
GERBER
bergère
aux anges
de notre hymen
prémédité
DEGOBILLER
les corps étran-
ges de nos deux
nations alliées
VOMIR encore, aigris
nos corps
nos vies grisées
et notre a-
liénation
et nous
quitter
le cœur
noué
(je sais même pas t'es qui)
.
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Supplique céleste du mollusque
aléas du ressac
menu plancton glané
avant
que je
ne re-
produise
moule flasque et stoïque
scotchée au roc des destinées
quelque perle de nacre
dans la chanson
d’un coquillage
puisse la tong du baigneur
m’épargner et ne pas
me splatcher
dans mes pro-
pres morceaux
de coquille
et de chair
en bouillie
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Soirée Halloween
les charmes des sorcières
sous leurs mas-
ques d'argile
du dimanche
– ha ha. –
immortelles lignées de grands seigneurs vampires
pour qui passer les jours comme un zombie
décharné par les coups de fusil à pompe – la vie... –
guibolles tordues hanches démises
et leurs jolies
– c'est ça, portées
la vie : c'est... – c'est de gobelins
s'épancher la cervelle
en soirée Halloween
les Mr Hyde, les loups-garous
les Frankenstein coincés du cul
« enfin, le sang, la chair, enfin ! »
et puis tous les matins :
maîtres,
langés dans des boulets,
momies de PQ rose bobos
errant sur les trottoirs
– la vie est vraiment drôle.
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Pluie acide
des morts-vivants
sortent de l'eau
sortent du sol
comme des zombies
errant sans but
sur la planète
retournent y macérer
à grands coups de fusil à pompe
remontent encore
dégoulinants
abreuver des
vampires urbains
de leur sang putréfié
et se volatilisent
au-dessus de cités infernales
où leurs spectres grisâ-
tres geignent des aver-
ses de cadavres qui
vous rongent la citrouille
dissolvent vos cervelles
et vous métamorphosent
en véritables revenants
.
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Titanic personnel
Sous l'eau, il y a
La table d'une cuisine (sans chaises)
qui flotte sans un son, lentement
Au-dessous d'une longue pendule (sans tic-tac)
et d'un four micro-ondes
de vieux jouets d'enfants
legos – ou playmobils – désassemblés
Ainsi qu'un très ancien escalier en colimaçon
(il tourne sur lui-même)
avec des photos de jeunes femmes aimées
de vieux amis perdus à jamais
et des posters de stars du rock
On imagine que – la valse entraînante
d'un phonogramme désuet
(Lequel jouait, jadis
de vieux airs de Thom Yorke)
Fait danser sans un bruit des éclats de miroirs
des bouts de vitres brisées
déchirant les cadavres bleuis
de passants oubliés
/// Et il faut s'attarder sur celui
de l'acteur principal
– Qui comme moi avait encore
sa belle gueule d'adolescent maigrichon
et le sourire glacé de la scène finale
Quand tout au fond de l'océan
(dans un silence monumental –
S'EST SCRATCHE
L'ENORME PAQUEBOT
de mon passé)
Voilà ce qu'il y a, tous les matins,
sous l'eau de mon lavabo.
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Strip-tease intégral
enlever
un à un
les vêtements
de nos âmes
manteaux
de pierre
bulldozers
de coton
frusques des
tapisseries
pansées de pantalons
maillots de cœur
chaussettes de soi
culottes en oit'
dentelles d'ozone
les tissus de nos chairs
dissolues
dans les cieux
et l'envers
du dé-corps
nu comme un univers
dans un nouvel
endroit
des larmes de reptiles
et nos cœurs
d'artichauts
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Eloge funèbre d'un grille-pain
Vanité des vanités, tout est vanité
le grille-pain
est mort ce matin
après avoir accompli des années durant
le labeur humble et pénible
de griller nos tartines
pour que fonde le beurre
quel profit en a-t-il retiré ?
voici son corps
sur la table de la cuisine
j'ai pu ouvrir sa coque de métal
au milieu des miettes de pain
et des fils électriques
j'ai vu passer en vain
les étincelles de la vie
dans le plastique de ses veines
et j'ai su remonter
à la source du mal
le cœur du grille-pain
un électro-aimant
hélas a fait son temps
en ce triste matin
mon amour si j'ai pu
identifier la source de son mal
je n'ai pas su le réparer
et je n'ai rien trouvé de mieux
pour en garder le souvenir
que ce poème idiot
Vanité des vanités, tout est vanité
le grille-pain
est mort ce matin
il va falloir en racheter un
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Alaska
fondante
meringue
qui crisse
comme un
soleil sous
les chicots
claquants
l'Alaska
baignant dans le
whisky glacé
des fjords
s'est tracée
sur le dos
d'un iceberg
par les pis-
tes de ski
verdoyantes
d'une aurore
boréale
elle est partie
comme ça : pfuit !
vers d'irréelles
(z)étendues vierges
expirer
ses rayons
surgelés
dans les gran-
des surfaces
où c'est pour ça
qu'il fait si froid
d'ailleurs
brrrrrrr
Bibliographie
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Né en 1983, Perrin Langda vit aux alentours de Grenoble et a publié quelques textes dans la revue d’expression poétique « Les Tas de mots » ainsi que dans les revues littéraires en ligne « Cohues », « Le Capital des mots » et « Le Livre à disparaître » (publication à venir).

