Iles de Union (Antilles), le 28/12/1974 au soir. A bord de la "Korrig"
Cher Lino,
Plus de deux mois en mer déjà sur ce petit bateau, du vent, des orages, de la pluie qui lave et ce soir l'envie de te parler.
Tu sais, Lino, je suis plus jeune que toi mais je crois tout de même être autorisé à te dire que je t'aime bien.
J'ai rencontré si peu d'hommes en 45 ans qu'il me semble une faute de ne pas les serrer un peu contre moi, même si en échange, j'ai bien peu à donner.
Tu vois, je ne sais ni ce que sera ta vie ni ce que sera la mienne mais je trouverais désolant que nous nous perdions trop. C'est si rare la tendresse.
Bientôt j'aurai un bateau et je veux que tu saches que tu y seras toujours le très bienvenu.
Je te souhaite heureux et fier d'être.
Et je pense que de deviner tes fragilités je sais aussi ta force.
Tu sais Lino, nous avons 15 ans et je crains que nous n'en sortions jamais.
Au fond je vais très bien sur ce bateau. ça n'est pas le grand confort et c'est bien fatigant mais il y a des moments formidables.
Bien sûr l'Atlantique c'est long mais avec la lune par-dessus et du vent dans les voiles, cela ressemble à une chanson d'amour. Et je ne sais encore rien de mieux que cela. Dans huit jours, je retrouverai ma Doudou à Point-à-Pitre puis nous rentrerons en France. Peut-être seras-tu à Paris fin janvier ? Je serais bien heureux de pouvoir te voir un soir.
Pour ne parler de rien et juste se comprendre.
A bientôt Lino, je t'embrasse de loin, il fait nuit et l'eau a 27°.
Sincèrement, Jacques.
En 1987, Lino vit un rêve de gosse. La marine nationale l'a invité à bord du sous-marin nucléaire "Le terrible".
Il confie, mélancolique à Christian Brincourt : "J'avais deux amis. Ils s'appelaient Georges Brassens et Jacques Brel. Chaque soir de ma vie, je pense à eux."
"Un homme qui n'a plus un ami pour lui dire la vérité est un homme perdu". "J'avais avec Jacques Brel une complicité intérieure. Celle du coeur, qui meublait nos éclats de rire et nos silences. Tu sais, en amitié, on n'a pas besoin de grand chose. C'est un courant continu, quelque chose de mystérieux. On se parlait, même en ne se disant rien."
Brel et Ventura se rencontre en 1971 pour le tournage de "l"aventure c'est l'aventure". A priori tout semble les opposer.
Lelouch se souvient de la première poignée de main et du long regard appuyé qu'ont échangés les deux futurs amis.