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Une rencontre dans le noir

Publié le 24 janvier 2013 par Unionstreet

Une rencontre dans le noir

13h30 : arrivée au restaurant « Dans le Noir? »Dominique Raclin, le responsable du restaurant de Paris mais aussi de Londres nous accueille avec son fameux « Bienvenue dans le noir ».

Dans le noir c’est tout un concept: pour commencer les clients arrivent, ont le choix entre plusieurs formules : formule 2 plats entrée +plat + dessert (41 euros), formule 3 plats (49 euros), formule 8 personnes (64 euros) ou encore la copieuse formule gastronomique (74 euros). Sauf qu’ils ne savent absolument pas ce qu’il y aura dans leurs assiettes. Un guide non-voyant les emmène alors dans une pièce totalement noire, leur propose alors de prendre place autour de deux grandes tables et l’expérience commence.

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« La personne que nous aurions pu guider sur un passage piéton nous aide ici à manger dans le noir. »

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Une rencontre dans le noir

Union Street : Quelle expérience vivent vos clients ?

Dominique Raclin : Il y a plusieurs expériences à la fois. Tout d’abord cette expérience dans le noir est une expérience personnelle. Elle permet de développer nos quatre autres sens goût, odorat, touché, ouïe, souvent négligés au profit de la vue, puisque 80% des informations que nous enregistrons passent par nos yeux.

Ensuite c’est une expérience sociale. Il n’y a aucune table individuelle, tout le monde mange autour de la même table. C’est alors que les préjugés s’évaporent et que la communication revient entre les clients puisque « tout le monde est pareil dans le noir« .

Pour finir, une certaine empathie va se développer envers les guides non-voyants. En effet, les rôles s’inversent, et la personne que nous aurions pu guider sur un passage piéton nous aide ici à manger dans le noir.

Union Street: Comment est né le concept?

Dominique Raclin :  Ce concept a été initié par deux personnes: Didier Roche et Edouard de Broglie. Didier Roche est président d’une association de non voyants « les grands yeux fermés », mais aussi de l’Union Professionnelle des Travailleurs Handicapés. Lui-même non voyant, il a décidé d’arrêter d’attendre les subventions de l’Etat et et prouver directement qu’il n’y avait pas d’handicap dans le monde du travail. Edouard de Broglie a souhaité lui prouver qu’une entreprise pouvais être à la fois utile et bénéficiaire. De leur association naît « Dans le noir? »: une expérience et non un produit, décidée à faire ses preuves, concernant la place des non-voyants sur le marché du travail par exemple.

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A ce moment même, un groupe de personnes sort du restaurant. Et confirmant ce que nous a confié plus tôt Dominique, ils sont incapable de reconnaître ce qu’il y avait dans leurs assiettes. Par exemple, l’entrée était un Macaron avec une confiture d’oignon et de magret fumé. Les clients s’interrogent :   » C’était du poisson? Quelque chose qui croustille, de fumé…? ». Verdict, aucun client n’a deviné le contenu de son assiette.Nous décidons alors d’interroger l’une des chefs cuisinières, Ti Muller, qui travaille ici depuis 3 ans, afin qu’elle nous livre ses secrets.

US : Pouvez nous expliquer votre façon de travailler ? 

Ti Muller : Je travailles avec 3 autres cuisiniers. Nous changeons les menus tous les deux mois et ne servons que des produits frais, il n’y a aucun surgelés, tout est cuisiné sur place. Les menus sont élaborés pour faire redécouvrir aux clients les saveurs principales, il y a 3 parfums différents dans chaque assiette. Ce mélange de goûts trouble les clients qui sont en général incapables de reconnaître ce qu’il y a dans leurs assiettes.

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Jhada, guide non-voyante propose alors de nous faire « visiter » la fameuse pièce noire. Elle nous prends par la main, nous fait traverser un premier sasse, puis nous arrivons dans la salle en question. Elle nous guide afin d’éviter les divers obstacles et nous « montre » l’une des tables. Je me cramponne à sa main et m’en remet totalement à elle.

Elle nous parle un peu d’elle et nous confie quelques anecdotes :

Jhada : « Je travailles ici depuis 4 ans. Ce que je préfère dans mon métier est le contact humain. Les clients viennent d’horizons très divers et se confient d’avantage dans le noir. Parfois nous avons à faire à des clients qui ont vécu des expériences assez hors du commun. Mais il arrive aussi qu’il y ait des clients réticents, nous essayons alors de les rassurer et de les habituer au lieu. La réputation de Dans le noir? fonctionne beaucoup au bouche à oreille, les clients ont envie de faire vivre l’expérience à leur proches où à leur entourage. »

Puis Jhada nous ramène enfin et nos yeux redécouvrent la lumière, éblouis. Après cette agréable expérience et sachant également qu’il existe des restaurants à Londres, New-York, Saint-Petersbourg, nous avons souhaiter savoir si le projet allait encore s’exporter.

Union Street: Souhaiter-vous  encore développer le projet de Dans le noir?

Dominique Raclin: Oui, tout d’abord nous allons le décliner en « Dans le silence! » : un café silence qui devrait ouvrir ses portes à Paris d’ici le mois de Mai. Le personnel sera mal-entendant, et les gens devront communiquer avec des signes.

Concernant « Dans le noir? », nous comptons exporter le projet sur un nouveau continent: l’Amérique Latine. Et plus particulièrement au Brésil…

Affaire à suivre!

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