Magazine Cinéma

François Ozon et moi (vraisemblablement)

Par Secondflore

images?q=tbn:ANd9GcSZ0w5YJRtR-VEiUQiHrsVfYdwUffWfaCceYI4UM5K-B-MN4frf_AIl y a plein de bonnes choses, dans le dernier Ozon – en très gros, l’histoire d’un prof de français manipulé par l’un de ses élèves, qui transforme ses rédactions en un feuilleton malsain.

Tout le film se joue dans la tension entre fiction et réalité, et la relation trouble entre le prof (voyeur) et l’élève (dévoyé) sous prétexte de leçons de littérature.
On y trouve notamment un résumé brillant, à la fois précis et concret, des grands principes de dramaturgie appliqués au roman : le personnage, le conflit, les attentes du lecteur… J’ai pris des notes pour "mes" collégiens – assurément, Ozon serait meilleur pédagogue que moi.
On y trouve aussi, lors d’une entrevue déterminante entre le professeur et l’élève, cette phrase magistrale – à imaginer avec la diction de Luchini :
"Si ce n’est pas vraisemblable, ça ne vaut rien, même si c’est vrai".

C’est drôle, à ce moment-là du film, j’étais en train de repenser aux précédents films d’Ozon – et comment ils m’avaient à peu près tous déçu.
La toute première fois, c’était avec Sitcom. Je voulais le voir depuis longtemps. J’avais fini par le voir un soir de vidéoclub, allongé par terre avec C. et son sixième sens. Vers le milieu du film, elle avait dit, soudain : "Si Machin couche avec Machine, on arrête". Ça semblait totalement absurde, mais cinq minutes plus tard, si je me souviens bien, Machin couchait avec Machine. On avait arrêté le film.
Quelques années plus tard, avec K, nous sommes allés voir Swimming Pool. Pas de doute, Ozon sait filmer Ludivine Sagnier, le mystère était séduisant, lui aussi, mais peu à peu l’histoire s’étiolait. Après une heure, frappé d’une intuition, je me suis penché vers K. : "Si Charlotte Rampling se tape le jardinier, on s’en va ?". Elle m'a répondu "T’es con", et je la comprends parce que c’était tout à fait hors de propos. Mais cinq minutes plus tard, Charlotte Rampling se tapait le vieux jardinier moustachu. Nous étions restés dans la salle, finalement, mais je n’avais pas revu de film d’Ozon.

Jusqu’à hier, donc, où bravant le froid je suis allé Dans la maison.
Comme toujours, la mise en place est impeccable, le mystère tient une bonne demi-heure, on est dedans… puis les personnages commencent à déraper, ils sortent de leur logique pour obéir à celle de l’auteur. Alors peu à peu le spectateur sort de l’écran, il regarde les acteurs et non plus les personnages, et derrière la toile Ozon qui tire les ficelles.
Jusqu’à LA phrase - Si ce n’est pas vraisemblable, ça ne vaut rien, même si c’est vrai, juste après que le garçon de 15 ans ait embrassé Emmanuelle Seigner dans sa cuisine.
Dans l’esprit d’Ozon, la phrase venait sans doute tempérer l’énormité de la scène précédente. Je n’ai pas pu m’empêcher d’y voir une gigantesque autocritique pour l’ensemble de son œuvre. Je crois qu’on ne m’y reprendra plus.


Bon allez, la prochaine fois, retour aux livres. On commencera par causer de L’abandon du mâle en milieu hostile, d’Erwan Larher – une histoire qui sait être vraisemblable ET surprendre son lecteur. Comme quoi.


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