Titre original : Silver Linings Playbook
Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : David O. Russell
Distribution : Bradley Cooper, Jennifer Lawrence, Robert De Niro, Julia Stiles, Jacki Weaver, Chris Tucker, Anupam Kher, Bonnie Aarons, Paul Herman, Shea Whigham, Dash Mihok, Brea Bee…
Genre : Comédie/Romance/Drame/Adaptation
Date de sortie : 30 janvier 2013
Le Pitch :
Patrick a tout perdu. Sa femme, sa maison et son travail. Soigné pour un trouble bipolaire dans un hôpital psychiatrique depuis huit mois, il sort enfin, bien décidé à se reconstruire et surtout à reconquérir sa femme. Optimiste mais pour le moins instable, Patrick nage un peu à contre courant, quand il rencontre Tiffany, une jeune et jolie veuve, tout aussi abîmée que lui. Entre les deux âmes égarées, une étrange relation va se nouer…
La Critique :
Alors que beaucoup de jeunes comédien(ne)s se complaisent jusqu’à la trentaine dans des rôles d’adolescent(e)s déluré(e)s, Jennifer Lawrence déboule, à 22 ans, dans la peau d’une veuve au parcours de vie déjà impressionnant. Avec une maturité hallucinante et une aisance bluffante, l’actrice embrasse un rôle qui ne lui était pas destiné à l’origine, et rafle la mise. À l’heure où j’écris ces lignes, Jennifer Lawrence vient de remporter un Golden Globe pour sa performance et les Oscars se profilent à l’horizon. Un Oscar qu’elle mérite amplement d’ailleurs, même si la concurrence est rude.
Jennifer Lawrence s’impose, tout particulièrement avec ce film, comme l’une des comédiennes les plus douées de sa génération. Un constat en forme de lieu commun, qui s’avère évident au vu de son implication dans un film qui repose en partie sur ses frêles épaules. Sensuelle comme ce n’est pas permis, jamais vulgaire, la révélation de Winter’s Bone tient la dragée haute à ses partenaires, sans pour autant s’approprier avec égoïsme toute ses scènes, se plait à incarner l’essence du film et par cela à passer du rire aux larmes, de la frénésie à la mélancolie, sans en faire des caisses à un quelconque moment que ce soit. Impressionnant, et c’est d’ailleurs pour cela que la critique d’Happiness Therapy commence ainsi.
Une fois n’est pas coutume, il convient dans le cas présent de saluer tout d’abord l’extraordinaire travail des comédiens sur ce long-métrage. Jennifer Lawrence donc, qui s’avère spectaculaire, de par son jeune âge et son expérience limitée, mais aussi Bradley Cooper, son copilote et véritable premier rôle de l’œuvre. Lui aussi trouve ici son meilleur rôle, ce qui au fond n’était pas très compliqué si on prend en compte qu’une grande partie de sa célébrité vient de ses performances dans les deux Very Bad Trip. En pleine thérapie, le francophile est pile poil dans la tonalité, au point de faire preuve d’une aptitude à la nuance jusque là trop peu exploitée. Touchant, parfois effrayant, dans ses accès de rage, et drôle, Cooper fait honneur au scénario de O. Russell et n’encourage pas à regretter la défection de Mark Walhberg, prévu à l’origine pour tenir le même rôle. Il est parfait. Juste en permanence, charismatique et tout sauf raccord avec l’idée que l’on peut se faire du héros de comédie romantique à l’américaine.
Parfait donc, à l’image d’un Robert De Niro lui aussi excellent. La légende vivante se met en retrait, renonce à ses gimmicks et se fait le vecteur d’une belle émotion sincère. Dans la peau d’un père de famille en détresse, faisant tout pour faciliter la reconstruction de son fils, De Niro fait merveille et franchement ça fait plaisir, vu la quantité de navets qu’il a tourné ces dernières années. Un comédien en plein état de grâce épaulé par une Jacki Weaver elle aussi formidable.
Chris Tucker aussi est génial d’ailleurs ! Sorti de nulle part, quelques années après le bide de Rush Hour 3, Tucker débarque sans prévenir et sa présence sonne comme une évidence.
Happiness Therapy doit sa réussite à ses comédiens c’est certain, mais pas que. David O. Russell sait précisément comment orchestrer sa distribution de grand standing. Adapté du bouquin de Matthew Quick, le long-métrage exploite la cohésion et la bonne entente des forces en présence, allant jusqu’à faire oublier la notoriété des comédiens pour mieux se glisser dans l’existence tumultueuse des personnages de cette valse douce-amère.
En résulte un film puissant dans sa capacité à retranscrire sans excès la complexité de la vie. Celle de personnes torturées qui n’arrivent pas à avancer ou qui le font dans la mauvaise direction.
Sans être une véritable comédie, Happiness Therapy réserve pourtant de vrais moments de rire, entrecoupés de jolies plages touchantes ou plus dramatiques. À l’image de la vie donc. Tout simplement, sans trop en faire, David O. Russell brille par la discrétion d’une mise en scène toujours au plus près des émotions, traversée de belles idées mises au service d’un récit riche en situations savoureusement décalées. Après The Fighter, le cinéaste affirme son attachement aux familles dysfonctionnelles et délivre un message d’espoir sincère et authentique. Quitte à accuser quelques baisses de régime, il ne cherche pas le sensationnel mais plutôt l’émotion. Toujours. Ce qui encourage à oublier ces petits ralentissements en question.
Comédie romantique, dramatique et comédie tout court, Happiness Therapy déjoue les pronostics et s’avère bien plus passionnant et fouillé que prévu. Issu d’une exigence constante, de la part de son réalisateur et de ses acteurs, le long-métrage est souvent tendre, parfois plus dur, drôle et constamment attachant. En soi, un « feel good movie » qui fait énormément de bien.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : StudioCanal