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Des broutilles? L'Europe jugera !

Par Baudouindementen @BuvetteAlpages

Laurent Roy, directeur de la biodiversité : "Nous allons contre-attaquer en juristes"

Je trouve que c'est finement joué pour des associations soi-disant "aux abois" (dixit l'ASPAP!). Le gouvernement est au pied du mur. Les associations ont tout à gagner de cette stratégie.

A ce jour, le journal Sud-Ouest a publié la seule réaction gouvernementale

"Avouant d'abord avoir été un brin « surpris » par la dureté de l'avertissement, le ministère de l'Écologie assure en retour être sûr et certain de son bon droit européen. « Une lettre sera adressée dans les prochains jours à la Commission, promet Laurent Roy, le directeur de la biodiversité. Nous allons contre-attaquer en juristes, car jamais la directive Habitat n'a dit que nous devions penser la population locale en termes de sous-noyaux géographiques. La France considère le massif pyrénéen dans son ensemble, de l'Andorre jusqu'à l'Espagne. Et, de ce point de vue-là, notre population d'ours est tout sauf moribonde, puisqu'elle a été multipliée par cinq entre 1995 et 2012, avec encore trois naissances l'an dernier. » "

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L'Etat a intérêt à prendre un bon avocat !

Plusieurs remarques me viennent à l'esprit.

1) L'Etat (deux gouvernements) dans le collimateur de l'Europe

Même si en terme quantitatif du nombre d'ours, Laurent Roy a raison: la population progresse lentement grâce aux naissances (merci Hvala!), ce n'est en rien grace à l'action (à l'inaction devrais-je dire) des deux derniers gouvernements, car ce sont bien les associations qui sont à l'origine des précédentes réintroductions effectuées grâce aux "cinq ours" accordés par Nelly Olin. De la chance pour les ours et pour le gouvernement : une seule s'est reproduite à ce jour, copieusement.

2) Le terme biodiversité ne se limite pas à son aspect quantitatif, il y a aussi la viabilité génétique

"La biodiversité est la diversité naturelle des organismes vivants. Elle s'apprécie en considérant la diversité des écosystèmes, des espèces, des populations et celle des gènes dans l'espace et dans le temps, ainsi que l'organisation et la répartition des écosystèmes aux échelles biogéographiques." 

D'ailleurs Sylvain Cottin, le journaliste de Sud-Ouest l'écrit:

" Mais sauf que, à rester en (petite) famille slovéno-pyrénéenne recomposée, c'est toute la colonie qui pourrait bien à son tour être menacée de consanguinité. Pour ne pas dire alors d'extinction. Selon un rapport publié en 2010 par l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, le risque est aussi sérieux qu'imminent : « Il est peu probable que la population d'ours bruns des Pyrénées atteigne un niveau favorable si des réintroductions ne sont pas menées dans un avenir proche, expliquent les scientifiques. Virtuellement éteint, le noyau occidental nécessiterait le lâcher de dix femelles et cinq mâles, et le noyau central celui de cinq à six femelles. » "

Les scientifiques qui travaillent pour l'Etat (l'ONCFS) ont bien dit ce qu'il y avait lieu de faire (scientifiquement), la décision sera donc politique et c'est cette politique que l'Europe validera ou sanctionnera. Les risques?

Une amende colossale (selon Sud-Ouest)
" Pas de quoi, pour autant, convaincre le gouvernement de briser à nouveau ce tabou, même si l'Europe laisse planer la menace d'une amende de plusieurs dizaines de millions d'euros. « Ou bien une astreinte de 100 000 euros par jour, ce qui est en effet considérable, reconnaît Laurent Roy. Mais si l'on ne s'interdit pas à vie l'idée de réintroduire quelques individus, ce ne sera pas dans un futur proche. Ne focalisons donc pas sur ces lâchers, qui ne sont qu'un outil parmi d'autres. Grâce, par exemple, aux efforts fournis pour la conservation de leur biotope, le taux de survie des oursons est désormais au niveau exceptionnel de 84 %. » "

3) Une perte d'habitat de 42,5%

Et bien parlons de "la conservation de leur biotope" dont se gausse Laurent Roy! En quoi le taux de survie dépend-t-il de l'action du gouvernement? Il va falloir le prouver, pas simple. Il a raison par contre quand il dit que "jamais la directive Habitat n'a dit que nous devions penser la population locale en termes de sous-noyaux géographiques."

Mais si je reprend les propos de Jean Lauzet (SEPANSO-Béarn) dans le journal Sud-Ouest :

« La procédure risque d'être longue, mais le commissaire chargé du dossier s'est montré très ferme. Ce gouvernement comme le précédent ont capitulés. Pourtant, si aucune femelle n'est rapidement lâchée, alors ça sera la mort du noyau occidental. Les femelles sont presque toutes sédentaires, et jamais elles n'iront jusqu'en vallée d'Aspe».

Imaginons que le gouvernement dise non à ces réintroductions: c'est "la mort du noyau occidental."  Pour la population d'ours dans les Pyrénées, cette disparition du noyau occidental représenterait :

  • Au niveau quantitatif: la perte de deux ours mâles, condamnés à mourir sans descendance. Cela ne semble pas inquiéter Laurent Roy. L'année 2013 pourrait voir le nombre de naissance augmenter et donc la population s'accroitre encore.
  • Au niveau génétique: la perte des derniers gênes de la lignée pyrénéenne. Une broutille? L'Europe jugera. Mais aussi La perte d'un ours adulte et costaud qui pourrait conscurrencer sans problème le seul mâle reproducteur, Pyros, celui qui se reproduit avec ses filles, ses petites-filles! Une broutille? Les sientifiques le savent déjà. L'Europe jugera.
  • Au niveau habitats : la disparition du noyau occidental représenterait la perte de 1.700 km2 de biotope historique (1.200 km2 en France et 500 km 2 sur le versant espagnol : Aragon, Navarre). La vallée d'Ossau est la vallée de l'Ours ! Cette perte d'habitats est en parfaite contradiction avec la directive "Habitats"

"L'ours brun européen figure sur la liste des espèces prioritaires au niveau communautaire. La directive préconise le maintien, ou le rétablissement, des habitats naturels et des habitats d’espèces d’intérêt communautaire (dont l’ours brun) dans un état de conservation favorable."

Le noyau centro-oriental représente lui une superficie de 2.300 km2. Si l'Etat continue à ne pas penser "en termes de sous-noyaux géographiques", il provoquera une perte d'habitats de 42,5%. Quelle est la valeur de 1.700 ha d'un biotope à ours d'excellente qualité, sans ours! Avec une telle politique, pour n'importe qu'elle espèce menacée, le dernier territoire sera responsable de la sauvegarde ou de la disparition de l'espèce. Est-ce là "l'avant-garde de la mobilisation pour l'excellence environnementale" annoncée à grand fracas lors de la Conférence environnementale?

Des broutilles ? L'Europe jugera. Le compteur tourne jusque fin février, à 69,44€ la minute

Et en Espagne?

Le Comité de l'environnement du Parlement de Navarre a adopté une motion exhortant le gouvernement provincial Nafarroa Bai à accroître sa participation et son engagement dans la stratégie et les programmes pour la sauvegardede l'ours brun dans les Pyrénées. (Source)


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