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[Critique] LINCOLN

Par Onrembobine @OnRembobinefr
[Critique] LINCOLN

Titre original : Lincoln

Note:

★
★
★
★
☆

Origines : États-Unis/Inde
Réalisateur : Steven Spielberg
Distribution : Daniel Day-Lewis, Sally Field, David Strathairn, Joseph Gordon-Levitt, James Spader, Hal Holbrook, Tommy Lee Jones, John Hawkes, Jackie Earle Haley, Tim Blake Nelson, Jared Harris, Gloria Reuben, Adam Driver, Lukas Haas, Stephen McKinley Henderson, Dane DeHaan, David Oyelowo…
Genre : Biopic/Drame/Adaptation
Date de sortie : 30 janvier 2013

Le Pitch :
La vie et l’œuvre d’Abraham Lincoln, le 16ème Président des États-Unis, durant les derniers mois de son existence. L’histoire d’un homme bien décidé à faire souffler le vent du changement sur un pays déchiré par la Guerre Civile, à ramener la paix, et à mener à son terme son grand combat, à savoir l’abolition de l’esclavage…

La Critique :
Retour à la fac ! Installez-vous bien confortablement. Aujourd’hui, exceptionnellement, votre professeur d’histoire ne va pas assurer son cours comme à l’accoutumé. C’est Monsieur Spielberg qui va se charger de vous conter le sujet qui nous intéresse, à savoir le combat du Président américain Abraham Lincoln, pour imposer le 13ème amendement, visant à abolir l’esclavage, dans un pays divisé par la question et déchiré par la Guerre Civile (et par là même à rétablir la paix). Steven Spielberg connait bien son sujet ne vous inquiétez pas. Cela fait de nombreuses années qu’il nourrit le projet d’illustrer cette page cruciale de l’histoire américaine. Et bien sûr, cette fois-ci, c’est promis, aucun vampire ne viendra tenter de planter ces vilaines ratiches pointues dans la carotide du Président…

C’est en 1999 que Spielberg découvre l’ouvrage de Doris Kearns Goodwin, Team of Rivals. Un livre qui permet au réalisateur surbooké de commencer à concrétiser (dans son esprit en premier lieu) son envie de monter un film sur la vie de Lincoln. Mais comme il croule sous les projets, Spielberg repousse. Il rattache Liam Neeson au film, entreprend d’autres chantiers, Liam Neeson, se jugeant trop vieux, renonce, et le tournage finit par débuter, alors que Spielberg vient de sortir coup sur coup Tintin et Cheval de Guerre. Investi d’une mission qui a germé dans son esprit quand il n’était qu’un petit garçon fasciné par la statut de Lincoln qui trône à Washington D.C., le papa d’E.T. savait précisément où il mettait les pieds et le film qui résulte de ce long cheminement pesé et réfléchi, s’avère totalement conforme à l’attente qu’il pouvait susciter chez les spectateurs familiers du style de Spielberg.

Et c’est peut-être là où le bas blesse. En tout cas, en ce qui concerne les spectateurs pas franchement friands de classicisme à l’américaine. Lincoln est un grand film. Et tel un grand film traitant d’un grand sujet, il s’avère relativement balisé. Un constat à deux facettes, puisque on sait, dès les premières minutes (et même dès la bande-annonce), que le spectacle sera grandiose, mais on sait aussi, tout aussi rapidement, qu’il n’y aura pas beaucoup de surprises.
Dans la lignée de son précédent Cheval de Guerre, Lincoln est porté tout du long par un lyrisme manifeste. La marque de fabrique d’un génie en pleine possession de ses moyens, ici bien décidé à aller jusqu’au bout de sa démarche. Une démarche ambitieuse, car en permanence dévouée à son sujet, quitte à être excluante pour un public peu familiarisé avec ce genre d’exercice ou allergique à la chose.
Très bavard, Lincoln choisit une approche toute en nuance, finalement assez pudique et infiniment respectueuse de son personnage central. Spielberg ne se disperse jamais et reste focalisé. Tous les personnages ont une fonction bien précise, contexte historique oblige, et personne ne joue au faire-valoir ou au comique de service. Encore une fois, la chose peut s’avérer excluante. Lincoln est une œuvre bavarde. Les joutes verbales, parfois très denses, se succèdent comme sur la scène d’un théâtre. Principalement situé dans l’intimité de pièces dont l’éclairage illustre la gravité du contexte et l’importance des enjeux, le film renonce à une certaine grandiloquence. Peut-être un poil trop didactique et scolaire, Lincoln ne repose pas sur une poignée de morceaux de bravoure que d’autres cinéastes auraient pu situer sur le champs de bataille (la première scène est la seule qui montre le conflit). Ce qui ne l’empêche pas de s’avérer spectaculaire via des détails, qui donnent au film son identité. La lumière et la photographie sont superbes, la mise en scène, au plus près des personnages et pourtant pleine d’ampleur de Spielberg offre à cette grande page d’histoire un cachet indéniable et les décors fourmillent de détails. La musique de John Williams finissant, de son côté, de mettre la touche finale à un tableau de maitre.

Quand on y regarde de près, Lincoln, sous ses aspects de fresque historique pilotée en automatique par un réalisateur dont le talent n’est plus à prouver, reste un projet courageux et audacieux.
Le risque étant ici de s’aliéner une partie du public. Surtout hors des frontières américaines, où Lincoln ne représente pas autant de choses. Refusant de torcher son biopic avec dans l’idée de flatter un public de masse, Spielberg a aussi tenu à s’adjoindre les services d’acteurs avant tout capables de se lover dans leurs personnages avec conviction. Pas de grosses stars à la mode dans Lincoln, si on fait exception de Joseph Gordon-Levitt, qui campe l’aîné des fils du Président. Daniel Day-Lewis est bel et bien une grande star, mais il ne peut pas être considéré comme bankable tout simplement car sa carrière a toujours été guidée par ses envies et non par son avidité. Encore une fois totalement possédé par son personnage, Day-Lewis fait preuve d’un mimétisme incroyable. Sa prestation est totalement ahurissante. De l’apparence à la posture, en passant par une voix imaginée et terriblement adéquate, le comédien rend justice au message humaniste défendu avec ardeur par son personnage. À la fois fragile, touchant, fort et déterminé, son Lincoln est grand. Au propre comme au figuré. La posture est celle d’une icône qui a changé l’histoire, tandis que ses yeux renvoient aux sacrifices et aux regrets qui jalonnent un parcours dense et complexe. Daniel Day-Lewis retranscrit les émotions de Lincoln sans trébucher, avec un talent qui ne semble pas avoir de limites. Difficile de briller quand on joue dans l’ombre d’un tel monument. Et pourtant… Sally Field, beaucoup raillée pour une performance il est vrai un peu too much, arrive à tirer son épingle du jeu. Tout comme l’impressionnante quantité de gueules qui constituent la distribution. Mention spéciale à Tommy Lee Jones, superbe, solide comme un roc, mais néanmoins au centre de l’une de scènes les plus déchirantes du film.

Vous l’aurez compris, Lincoln n’est pas un film facile d’accès. Au début, à moins d’être profondément passionné par l’histoire américaine, l’ennuie pointe le bout de son nez crochu. Ça parle beaucoup à l’écran. De quoi égarer en chemin, même si la trame principale reste simple. C’est que voyez-vous, Lincoln était un homme affable. Le film retranscrit la faculté du Président à raconter des histoires. Et du coup, ça parle encore plus, même si au bout d’un moment, on reste cloué au siège, tant la tension s’installe petit à petit, jusqu’au dénouement. D’où le côté scolaire de l’œuvre. Aussi beau, grandiose et lyrique soit-il, Lincoln ne plaira pas à tout le monde. Précisément car il offre exactement ce que l’on attend de lui. Supplément d’âme compris.

@ Gilles Rolland

[Critique] LINCOLN

Crédits photos : 20th Century Fox France


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