Zero dark thirty de kathryn bigelow : un film inintéressant

La traque d’Oussama ben Laden, du lendemain du 11 septembre, jusqu’au 2 mai 2011, jour de l’opération Neptune’s Spear : l’assaut du complexe fortifié où vivait le chef d’Al Qaida. 

Zero Dark Thirty : 00h30 en jargon militaire

Récompensé par 3 fois à la cérémonie des Golden Globes (meilleur film dramatique, meilleur réalisateur et meilleur scénario), nommé 5 fois aux Oscars (meilleur film, meilleur actrice, meilleur scénario original, meilleur montage et meilleur montage son), Zero Dark Thirty est le 9^ème film de Kathryn Bigelow, la réalisatrice doublement oscarisée pour Démineurs en 2010. On s’attendait alors à quelque chose de gros. Présenté comme un thriller post 11-septembre très efficace par (presque) l’ensemble de la presse, le film est finalement une (grosse) déception : des longueurs, des accumulations de clichés, une impression globale de déjà-vu, et une histoire qui manque d’intérêt. Dommage.

Le film nous raconte la traque d’Oussama ben Laden, du lendemain du 11 septembre, jusqu’au 2 mai 2011, jour de l’opération Neptune’s Spear : l’assaut du complexe fortifié où vivait le chef d’Al Qaida. Même si le film est loin d’être parfait, Bigelow a cependant eu l’intelligence de construire l’action autour de Maya, agent de la CIA (superbement interprété par Jessica Chastain), ce qui permet au spectateur de mieux s’identifier au personnage, et ainsi de créer un effet de suspens plutôt appréciable (au lieu de situer l’action directement autour de Ben Laden).

Fiction ou réalité ?

Du point de vue de l’histoire, il est assez difficile pour un spectateur non-renseignée de distinguer la réalité de la fiction, ce qui est souvent le cas dans des films inspirés de faits réels. Je me suis donc renseigné sur l’assaut du domicile de Ben Laden, et il s’avère que le film semble assez fidèle à la version donnée par l’armée américaine (si toutefois elle est bel et bien bonne). Impossible cependant d’être totalement sûr à propos du déroulement de l’enquête (sur dix ans) : des éléments ont été obligatoirement omis, d’autres probablement transformés, et encore d’autres ont pu être inventés de toute pièce. Et c’est ce qui est dommage : en allant voir ce genre de film, on s’attend à un film – certes réaliste, et il l’est – qui va pouvoir nous apprendre des choses sur la traque de l’homme le plus recherché de la planète (comme Argo, qui a eu le mérite de nous informer). Kathryn Bigelow tente de donner à son film un côté très docu (les plans à l’épaule, les images des populations, de paysages, etc.) mais Zero Dark Thirty n’est pas du tout un documentaire : seulement un film basé sur un fait réel qui certes, semble coller à la réalité, mais qui ne dévoile rien de très intéressant au spectateur.

 

Du déjà-vu : en 5 points

Pourquoi Zero Dark Thirty est un film assez classique en cinq points :

1. - un scénario ordinaire, assez convenu (il fallait s’attendre à l’adaptation à l’écran des évènements du 2 mai 2011, seule originalité : le fait de situer l’action autour du personnage de Maya).
2. - un discours finalement assez patriotique : le succès de l’armée américaine face aux méchants terroristes.
3. - un personnage principal seul dans sa lutte et totalement déterminé, comme on peut en voir des dizaines et des dizaines dans les grosses productions américaines
4. - du point de vue technique (image, son, montage, etc.) rien de plus classique : beaucoup de plans caméra à l’épaule pour donner un aspect réaliste – c’est ce qui avait fait en partie le succès de Démineurs.
5. - des personnages trop caricaturaux, finalement peu touchants

Bref, beaucoup de bruit pour pas grand-chose. Zero Dark Thirty est un film trop classique, certes très propre et cohérent mais qui manque d’intérêt : l’histoire est inintéressante. Et surtout le film est beaucoup trop long : 2h25 (alors que 1h30 aurait largement suffit, voire 20 minutes… hum hum). Heureusement que Jessica Chastain est présente au casting : elle sauve littéralement le film, aidée par Jason Clarke (qui interprète un de ses collègues de la CIA).

On ne peut cependant nier l’efficacité et la qualité de la scène finale : l’assaut de la « forteresse » de Ben Laden, filmée en partie à travers les lunettes de vision-nocturnes des soldats – ce qui installe une tension très forte. Une séquence d’un réalisme assez impressionnant. On peut également féliciter Bigelow sur un point : le fait qu’elle n’ait pas surjoué la scène ou Ben Laden se fait tuer (je ne vous spoil rien, et si c’est le cas, il faut lire l’actu plus souvent) : toute l’importance que représente cet homme est absente, et il apparaît alors comme un simple cadavre, transporté dans une housse par des soldats américains, pas plus important que les autres corps ; ça donne un côté très réaliste. Autre compliment que l’on peut faire (je cherche je cherche !) : les scènes de tortures dans la première demi-heure du film, qui ne manquent pas de critiquer les méthodes de l’armée américaine. Malheureusement, Kathryn Bigelow s’arrête là et ne va pas plus loin (contrairement à Cogan par exemple, qui avait réellement un regard critique vis à vis de la société américaine).

 Finalement pas grand-chose de passionnant, rien de très prenant, et c’est ce qui manque au film pour pouvoir prétendre au titre de thriller haletant.