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Ratus

Par Apolline Mariotte @ApollineAM

Tous les jours, lorsque j’allais à l’école élémentaire, il était dans mon cartable. Le diabolique Ratus à l’oreille croquée, cet individu vil au museau vert, aux pattes griffues et aux incisives proéminentes, effrayait Marou et Mina, les gentils chats.

Un jour d’été, pendant les grandes vacances à Aisey avec les cousins, je l’ai rencontré en vrai. Tous les soirs après le dîner, il venait nous narguer, trottinant tout autour de la pièce sur les larges pierres froides, puis disparaissait. Dans la nuit sombre, alors que toute la maison était endormie, il sortait de sa cachette pour se repaître de longues minutes durant dans le placard de la cuisine, déjouant les tapettes.

Jusqu’au jour où il s’aventura en plein jour. Devant une marmite fumante, alors que nous nous apprêtions à inhaler notre énième décoction âcre et pestilentielle de thym et d’oseille, nous l’aperçûmes. Notre sang ne fit qu’un tour et nous le prîmes en chasse.

Il se déroba vers la salle à manger puis fila dans la tour. Nous nous élançâmes à sa suite. Hélas, les hautes marches ralentirent sa course, il commença à peiner, nous laissant gagner du terrain. Arrivé au premier, Ratus se réfugia dans le cagibi, pensant nous échapper. À ses trousses, nous nous y engouffrâmes à notre tour, claquant la porte derrière nous.

Il était là, à notre merci, son petit cœur gonflé par la terreur soulevant son frêle squelette. En bons petits diables, nous fondîmes sur lui, saisissant notre trophée agité par la queue. Ni une ni deux, il se retrouva dans un bocal, quatre paires d’yeux l’observant alors qu’un filet d’eau remplissait inexorablement le récipient.

Dans notre grande magnanimité, quelques jours plus tard, nous le graciâmes et le relâchâmes sous le poirier.


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