Vous avez peut-être déjà vu cette vidéo. Postée début décembre, elle a déjà fait un joli tour sur internet. Pourquoi en parler seulement maintenant ? Parce que cette vidéo est une porte ouverte sur l’avenir de la production visuelle. Dans son contenu bien sur, tout en référence culturelle, en DIY et en production ultra léchée. Mais aussi dans son processus de construction. Pour réaliser French Jedi, c’est une bonne partie des références de demain qui ont du se donner la main. De purs produits de ce que certains appelleraient la génération Y, mais que nous préférons ne pas réduire à une lettre de l’alphabet (censée représenter, qui plus est, le fil des écouteurs constamment branchés). Une génération, tout simplement, qui, comme toutes les générations, a voulu faire mieux et différemment que la précédente, mais qui, contrairement aux autres, avait l’écrasante, indéboulonnable et auto-centrée génération du baby-boom au dessus de la tête.
Des créateurs de Faireset, aux acteurs de l’Air Cinéma, la création alternative prend le pouvoir.
Nous avons donc pris le temps de poser quelques questions à David Batusanski, producteur à Trajectoire Films, l’un de ces hommes qui se fait sa place à grand coup de travail et de sueur.
Comment est né le film ?
Je l’ai produit avec mon acolyte Franck Isabel. C’est Brice Duan qui a réalisé French Jedi. Lui et Noël Chanat font partie de la nouvelle génération de créateurs nés sur le web, au même titre que Norman, Cyprien ou Freddie W… Quand nous l’avons rencontré cela faisait déjà deux ans que Noël avait créé l’univers de Faireset, un personnage de magicien du début du XXe siècle. Il a commencé en faisant des vidéos dans son coin, comme un hobby, en parallèle de son job de tous les jours. Son univers est très fort : sépia, effets spéciaux en couleur, musique classique. Et, à notre connaissance, c’est le seul YouTuber français qui a créé un univers fictionnel aussi riche et poussé. Pour avoir largement écumé les plateformes vidéos, je peux vous dire qu’il y a très peu d’univers esthétiques et narratifs forts qui ont un certain succès. Et c’est pourquoi nous poussons Noël à cultiver cette particularité.
Très vite, Noël s’est rendu compte qu’il manquait de moyens, techniques et humain. Il a eu besoin de quelqu’un derrière la caméra et il a donc fait appel à Brice, qui est un réalisateur « génération 5D » : autonome, réactif, spontané. Brice collabore régulièrement avec des YouTubers qui ont besoin de passer une marche en termes de réalisation. Visiblement, il est bon, puisqu’il a également co-réalisé la web-série Dans la peau de martin qui, comme Faireset, a gagné le concours Next-up en 2011. C’est d’ailleurs par l’intermédiaire de Brice que Franck et moi avons rencontré Noël. Aujourd’hui Brice développe son propre programme et nous le soutenons dans cette aventure. Nous formons donc une petite équipe dont l’objectif est de faire monter en puissance tous ces projets.
On pensait avoir tout fait, tout dit, sur les sabres lasers. À priori non.
Et non ! Il y a plus de 650.000 résultats pour « lightsaber » dans YouTube. Plus généralement, comme vous le savez, l’univers de Star Wars est un objet permanent de parodies, qu’elles soient amateurs ou professionnelles. Pour ne citer qu’un exemple, je vous invite à vous intéresser au Star Wars Uncut Project. En deux mots : Casey Pugh a découpé l’épisode IV (le vrai, hein… Celui de 1977) en séquences de 15 secondes. Il les a mises à disposition des internautes en leur proposant le truc le plus simple du monde : prenez une séquence et refaites-la avec vos propres moyens. Résultat : un remake de Star Wars fait par vous et moi. Ce projet a eu tellement de succès qu’ils se sont attaqués à L’Empire contre attaque. D’ailleurs, je crois qu’il reste des séquence disponibles.
Comment t’es venu l’idée de French Jedi ?
Après une première vidéo ensemble, From Paris with Love, on a mis Noël et Brice au turbin tout simplement. On leur a dit de nous pondre des idées de scripts, avec les contraintes suivantes : moins de deux minutes, un effet « wahou« , donner envie en 15 secondes au spectateur de rester voir la suite. Dans leur idée originale, il manquait une structure narrative, des liens logiques et un crescendo dans les effets. C’est Franck et moi qui nous sommes attelés à cet aspect de l’écriture. Nous avons aussi organisé une séance de brainstorming pour choisir ce qui sortirait du sabre de Faireset. Nous voulions d’ailleurs faire sortir une bite géante en laser, surtout qu’initialement Noël avaient pensé aux zouaves de 10MAP pour jouer les rôles de ses adversaires. Mais, 10 minutes à perdre ayant signé avec Canal Plus, on a sacrifié le zboob.
Les acteurs sont excellents alors que tout repose sur les effets spéciaux.
Tout repose évidemment sur l’interaction entre les acteurs et les effets spéciaux. Franck et moi avons proposé à Noël d’avoir Matthieu Vetter et Grégoire Briançon comme adversaires. Ayant propulsé leur série Air Cinéma pendant tout l’été 2012 sur Dailymotion, nous voulions ouvrir une chaîne YouTube pour séduire un autre public. Et on s’est dit que les introduire sur YouTube grâce à une vidéo de l’un de nos créateurs était un excellent relais. D’autre part, évidemment, on a produit ça avec les moyens du bord. Donc il fallait trouver des comédiens disponibles vite. D’autant plus que Grégoire et Matthieu on des attitudes et des mimiques qu’on adore. Brice et Noël ont tout de suite été ultra enthousiastes. Franck et moi avons la claire volonté d’agréger les talents. Il s’agit d’être opportunistes au bon sens du terme. On veut que nos projets soient poreux, à l’image de ce qu’est le web et de ce qu’il s’y passe. On aime les collaborations entre créateurs, on aime mettre les gens en contact, on aime faire se rencontrer les gens et voir ce qu’il se passe. Ce qui relie tous les talents qu’on développe : la même envie de plaire au public, de donner un moment de plaisir aux internautes. Pour répondre à la question concrètement : on a tourné un dimanche matin en octobre et il pleuvait des cordes ! Le tournage a été plié en 3h : très très peu de retakes. Les intempéries ont décidé pour nous qu’on la jouerait à la spontanéité.
Détourner Star Wars, quand on est cinéphile, c’est un summum non ?
Oh que oui ! Pour nous tous ! Après deux mois de post-production (putain de parapluie laser !), quand on a eu fini le générique après s’être demandés pendant des heures si on allait oser reprendre la même DA et que le film a été fini et uploadé sur YouTube, on l’a évidemment publié sur nos comptes Facebook. J’ai accompagné la vidéo de ce commentaire « A y est, j’ai produit un épisode de Star Wars ! Petits papillons dans le ventre« . Tout comme Matthieu, Grégoire, Franck ou Noël, je fais partie de la génération qui a vu la première trilogie au cinéma. Avoir vu Le retour du Jedi quand il est sorti en 1983 m’a marqué à vie.
Quel autre film aimerais-tu détourner ?
C’est une question qu’il faudrait posé à Matthieu et Grégoire, eux qui ont détourné 18 films… D’ailleurs, au cours de nos échanges cinéphiles, je me souviens que l’un d’entre eux m’a dit qu’ils n’avaient pas osé touché à Star Wars… Comme quoi.
Quels sont tes projets ?
Pour ce qui concerne Air Cinéma, nous voulons diffuser les épisodes en Anglais, Espagnol, Portugais, Québecois… d’où la nouvelle chaîne YouTube. Tout est prêt. Il ne nous manque plus que des partenaires pour éditorialiser leur diffusion : on cherche donc des blogs ou des médias web anglophone (hispanophone…) à qui le concept plairait et qui auraient une audience suffisamment importante pour propulser les épisodes. Donc, je me permets de lancer un appel : si quelqu’un a des contacts, je suis joignable ([email protected]).
Quant à Faireset, on a plein d’idées pour d’autres vidéos, notamment tourner la fin qu’on avait prévu pour French Jedi. Mais surtout, Franck et moi continuons de travailler d’arrache-pied au développement d’une série centrée autour de son personnage.
Jeu de briques
Snake
Pacman
Bubble